Les premières phrases ... avant de lire ma chronique dans quelques temps.
PETIT DÉJEUNER EN FAMILLE
Mme Ferrars mourut dans la nuit du 16 au 17 septembre, un jeudi. On me fit appeler le vendredi matin à 8 heures précises. Il n'y avait plus rien à faire. La mort remontait à plusieurs heures.
Il n'était guère plus de 9 heures quand je regagnai mon domicile. J'entrai par la porte principale et pris délibérément mon temps pour suspendre mes vêtements au portemanteau du vestibule. Mon chapeau d'abord, puis le pardessus léger dont j'avais jugé prudent de me munir. Les matinées sont fraîches, au début de l'automne. Je m'attardai à dessein, assez préoccupé je l'avoue, pour ne pas dire inquiet. Je n'irais pas jusqu'à prétendre qu'à cet instant, je prévoyais déjà les événements que me réservaient les semaines suivantes. J'en étais même fort loin. Mais mon instinct me soufflait que ma tranquillité était gravement menacée.
De la salle à manger, située sur ma gauche, me parvint un bruit de tasses entrechoquées, puis la toux brève et sèche de ma sœur Caroline, et enfin, sa voix.
Question superflue : qui d'autre cela pouvait-il être ? Mais c'était bien à cause de Caroline que je m'attardais ainsi, et non sans raison. S'il faut en croire Kipling, la devise de la gent mangouste tiendrait en quatre mots : " Va, cherche et trouve. " Et selon moi, la mangouste conviendrait parfaitement comme emblème à ma sœur Caroline, si elle devait avoir des armoiries. Quant à la devise, le dernier mot suffirait. Caroline trouve sans bouger de chez elle ni faire le moindre effort. Comment s'y prend-elle ? Je l'ignore mais c'est un fait : rien ne lui reste caché. J'incline à croire que domestiques et fournisseurs lui servent d'agents de renseignements. Et quand elle sort, ce n'est pas pour aller aux nouvelles mais pour les diffuser - autre de ses talents, qu'elle exerce avec un brio confondant.
C'était d'ailleurs ce dernier trait de caractère qui suscitait en moi l'hésitation dont j'ai parlé. Que je communique à Caroline le moindre détail sur le décès de Mme Ferrars et, en une heure et demie tout au plus, la nouvelle aurait fait le tour du village.
En tant que médecin, ...
→ Une enquête d'Hercule POIROT
Ce rendez-vous hebdomadaire a été créé par Ma Lecturothèque. Il s'agit de présenter chaque semaine l'incipit (premières phrases) d'un roman. Il vous permet de découvrir en quelques lignes un style, un langage, un univers, une atmosphère.