Publié aux éditions Les Escales,
2000. Dans un prestigieux pensionnat de la Nouvelle-Angleterre, Vanessa Wye, élève brillante de quinze ans, tombe sous le charme de Jacob Strane, son professeur d'anglais de quarante-deux ans, magnétique et manipulateur. Débute alors une relation qui va durer des années.
2017. Strane est accusé d'abus sexuel par l'une de ses anciennes élèves. Vanessa, contactée par cette dernière, replonge alors dans ses souvenirs de jeunesse. Peu à peu émergent des questions et des doutes qui ne l'avaient jamais traversée. Mais peut-elle rejeter son premier amour, celui qui l'a littéralement transformée et qui a occupé une telle place dans sa vie ? Est-il possible qu'elle se soit à ce point trompée sur cet homme qui lui déclarait son amour éternel ?
Alternant entre le passé et le présent de Vanessa, le roman juxtapose ses souvenirs d'adolescente - la découverte exaltée de son corps et de ses pouvoirs - avec la prise de conscience d'un traumatisme.
Ma Sombre Vanessa est un roman d'une noirceur absolue à laquelle on ne s'attend pas. L'auteure nous prend doucement par la main en commençant son roman par une histoire banale. Vanessa, 15 ans quitte le foyer familial pour effectuer son année scolaire dans le prestigieux lycée de Browick, un avant-goût de la vie à l'université. Là-bas, Vanessa suit le cours de littérature du professeur Jacob Strane. Il n'est ni jeune ni attirant mais il captive Vanessa. L'interdit est bientôt franchi lorsque Strane et Vanessa entame une liaison clandestine et condamnée.
Plus tard, en 2017, Vanessa a la trentaine. Elle est concierge dans un hôtel. Sa vie tient en quelques mots: alcool, drogue, sexe avec des inconnus. Vanessa n'arrive pas à vivre pour elle. Quand Taylor Birch la contacte, tout le passé de Vanessa remonte à la surface. En effet, Taylor affirme avoir été abusée par Strane...
L'auteure commence son roman de manière assez innocente en nous montrant comment, doucement, Vanessa va tomber amoureuse de son professeur. Les cent premières pages pourraient correspondre aux affres amoureuses d'une midinette. Et puis, lentement, le récit bascule dans le glauque et la noirceur totale. De manière insidieuse, à l'image de Strane qui séduit Vanessa, le lecteur voit se dérouler devant ses yeux la liaison interdite entre un professeur et son élève. Strane s'immisce dans la vie de Vanessa comme un serpent. Ce sont d'abord des paroles, des compliments puis une main sur le genou, un livre, Lolita de Nabokov offert, et enfin l'engrenage fatal: le sexe, le viol, la violence et la pression psychologique.
Ce qui est impressionnant dans ce livre c'est que le lecteur est un peu comme Vanessa, il ne voit presque rien venir parce que Strane s'assure que son élève est toujours " consentante ". Mais est-on consentante à 15 ans lorsqu'on a face à soi un homme de presque quarante ans? Sait-on ce que l'on fait, dans quoi on s'engage? Kate Elizabeth Russell pose des questions importantes et complexes. Son histoire ne présente pas de morale. Vanessa est un personnage extrêmement complexe qui vingt ans après les faits est persuadée d'avoir aimé et d'avoir été aimée.
Il y a certaines pages qui m'ont laissée groggy parce que moi, je le sais qu'on ne fait pas l'amour a une enfant de quinze ans quand on en a quarante mais qu'on la viole. Tout ça vient d'un seul coup, un peu comme un coup de poing en pleine tête. Strane est tellement pervers, tordu, manipulateur que s'en est douloureux, écœurant. Il domine Vanessa de sa taille, de son intellect, de son ascendant. L'auteure nous donne aussi à lire la face B de l'histoire d'amour de Vanessa. On retrouve une adulte complètement détruite, anéantie, persuadée d'avoir vécu " sa plus belle histoire d'amour " mais qui pendant son temps libre boit pour oublier. Mais oublier quoi? Car personne ne le lui a jamais dit clairement à Vanessa que son histoire n'était pas normale.
Avec ce roman, Kate Elizabeth Russell frappe fort et laisse son lecteur pantois, abasourdi. Son histoire complexe parle de viol, de consentement et de conscience de soi. Un roman à lire nécessairement.