Marie Bashkirtseff a vécu une vie très courte (25 ans) mais très dense. Née en 1858 à Gavronzi en Ukraine, elle décédera à Paris en 1884 de la phtisie. Elle ne vivra pas en Russie car ses parents se séparent tout en restant en relation, elle vivra surtout en France (Nice, Paris) entourée d'une famille originale : deux tantes toutes à sa dévotion, un frère très " borderline " et un oncle à la réputation douteuse. Petite fille, elle était capricieuse et exigeante mais très travailleuse. Elle commencera son journal à 13 ans, celui qui va la rendre célèbre et ne le quittera qu'à son décès. Dès la préface, elle prévient " je lègue mon journal au Public ". Ce journal sera son confident. Elle lui dit tout " si ce livre n'est pas l'absolue vérité, il n'a pas de raison d'être". Ce Journal fut publié. Elle avait réclamé la postérité, sa mère la lui a donnée mais fera procéder à des coupes sombres du texte. Ce n'est qu'un siècle plus tard qu'est arrivé au lecteur Le Journal original. Il reposait dans 109 cahiers à la Bibliothèque Nationale et c'est Gisèle Apostolescu qui le fera découvrir au grand public.
Le Journal nous livre que Marie est une érudite et très rapidement qui parlera six langues, s'adonnera à la musique et au sport. Lectrice passionnée dès l'enfance, elle lit tout et possède une bibliothèque de 700 livres.
Adolescente, elle a des émotions amoureuses de jeune fille. Elle se rêve des amours qu'elle détaille dans le Journal mais à notre connaissance, malgré les injonctions de son entourage " d'épouser ", on ne lui connaît pas de liaisons sérieuses (à travers son journal non édulcoré). " L'amour physique, je serai très heureuse de le connaître " écrit-elle. Durant les différentes périodes de sa vie, Marie est à la fois très gaie mais aussi souvent habitée d'une grande tristesse. Elle va beaucoup voyager avec sa famille (toujours dans le but d'apprendre) et renouera avec la Russie et son père tardivement.
Ce n'est que lorsqu'elle va trouver son maître : l'ART, qu'elle connaîtra enfin des plaisirs incommensurables. A 19 ans, elle consigne : " si je n'avais pas dans le lointain ces 4 lettres magiques : l'ART je serais morte ". Elle va étudier le dessin et la peinture chez Julian un bon professeur, très exigeant, qui deviendra un ami. Elle travaille beaucoup car " à 18 ans, j'aurais dû être célèbre "... Marie travaille et malgré une incursion rapide dans la politique et le mouvement féministe (elle découvre à travers l'atelier que l'homme et la femme ne sont pas égaux), c'est à présent sa seule raison d'être. Elle s'approchera de son but, on dit qu' elle peint puissamment, comme un homme. Elle va vers la gloire et ainsi approcher de la liberté qu'ont les hommes. Elle note à 19 ans " à l'atelier tout disparaît, on est soi-même et on a devant soi l'Art, rien d'autre ". Elle sera enfin reçue dans les Salons.
Malheureusement la santé de Marie se détériore et elle connait une descente aux enfers éprouvante : elle perd sa voix, tousse, devient sourde. Peu de temps avant sa mort, elle se lie d'amitié (dernier amour ?) avec son professeur Bastien Lepage, architecte et peintre qui l'aidera à quitter la vie et lui dessinera un magnifique tombeau à Passy.
Marie Bashkirsteff laisse un bel héritage à la postérité, outre son Journal, des peintures (Meeting, ...), de la sculpture (La douleur de Nausicaa) elle est encore exposée en particulier à Orsay et à Nice.
Pour conclure, ces mots de Barrés qui la fit découvrir au grand public par trois articles :
" Quand elle mourut, elle possédait dans son cerveau les livres de 4 peuples, dans ses yeux tous les musées et les plus beaux paysages, dans son cœur la coquetterie et l'enthousiasme ".
C'est bien la résumer !.. Pour connaître Marie :
Marie Bashkirtseff, Journal non expurgé
Colette Cosnier, Marie Bashkirtseff, Un portrait sans retouches, Paris, Éditions Horay, 1985
Dominique Phélébon
Café Littéraire de Valréas
1 octobre 2020