Les brumes de l'apparence

Les brumes de l'apparence

Les brumes de l’apparence – Frédérique Deghelt

Actes Sud (2014)
 

Gabrielle, parisienne à l’approche de la quarantaine, directrice d’une agence d’évènementiel, mariée à un chirurgien esthétique et mère d’un adolescent en terminale, est contactée par un notaire de province car elle a hérité d’un terrain et d’une maison dont elle ignore tout. Pour elle qui a vécu aux États-Unis, qui se sent citadine jusqu’au bout des ongles, se rendre dans un trou perdu en pleine campagne pour signer des papiers est complètement exotique et inattendu. Chez le notaire, elle découvre qu’il s’agit en fait d’une masure délabrée, abandonnée en pleine forêt. Elle fait la connaissance de sa tante, Francesca, dont elle ignorait l’existence et qui vit toujours dans le village. C’est une vieille femme, bienveillante et bizarre, qui a rencontré Gabrielle quand elle était enfant.
L’agent immobilier avec lequel elle a pris contact, semble sceptique sur la possibilité de vendre rapidement la forêt des Brumes. Chez l’épicière du village, Gabrielle apprend que l’endroit a mauvaise réputation dans la région, les locaux l’ont surnommé la terre des Sorcières parce qu’elle appartenait à une famille de guérisseurs. La mère de Francesca barrait le feu et soulageait les maux de ses patients par imposition des mains. La tante Francesca, elle, prédisait l’avenir et soignait par les plantes.
Contrainte de dormir sur place dans la masure, Gabrielle passe une nuit étrange :  plongée dans des sensations inhabituelles, elle fait un rêve très bizarre, au cours duquel elle se retrouve sur les lieux d’un accident de la route et porte assistance aux blessés. Le lendemain, sur la route du retour, confrontée dans la réalité à la même situation que dans son rêve, Gabrielle prend conscience de ses pouvoirs de médium, lorsqu’elle aide les mourants dans leurs derniers instants et lorsqu’elle calme les douleurs des blessés. Revenue à Paris, très troublée par ce qu’elle a vécu, elle se demande à qui de son entourage elle va pouvoir parler de ce qui lui est arrivé.

 

Je ne suis pas du tout adepte de sciences occultes et pourtant, j’ai beaucoup aimé ce livre. L’auteur introduit petit à petit des phénomènes mystérieux auxquels est confrontée Gabrielle, une femme très moderne et très cartésienne. Lorsque des évènements bizarres se produisent, elle ne peut faire autrement que d’observer ce qui se passe, d’accepter ses sensations et de suivre son instinct. Elle est consciente de l’anormalité de ce qui lui arrive mais sait que ça lui arrive réellement. Elle réalise alors que toute sa vie est basée sur une certaine superficialité et qu’elle ne peut même pas partager ce qu’elle a découvert avec la plupart de ses proches, en particulier son mari. 

C’est cet aspect du roman qui m’a le plus intéressée. J’ai lu sans chercher à les juger les situations paranormales qui sont racontées, sans me demander si c’était crédible ou pas, sans vouloir entrer dans un débat. La plume de Frédérique Deghelt est très agréable, le personnage de Gabrielle est attachant, ses interrogations à l’aube de la quarantaine sont légitimes, c’est juste la cause de sa remise en question qui est inhabituelle mais il faut se laisser emporter par la narration et laisser ses préjugés de côté. C’est ce que j’ai fait et je ne le regrette pas !
Extrait page 165 :

(…) Comment raconter à mes proches que ma tante m’a clairement parlé depuis sa mort, ou que son parfum de jasmin se manifeste régulièrement à bon escient ? Comme il m’est tout aussi impossible d’oublier que j’ai accompagné des gens juste après leur accident, que j’ai senti des fluides, des courants d’air chaud et froid, des présences qui se tenaient autour de moi, avec une sensation de plénitude extraordinaire, dans un lieu où le spectacle que j’avais sous les yeux aurait dû m’inciter à pleurer, à fuir ou à tomber dans les pommes.

Une interview de l'auteure à propos de ce livre.