Depuis les tous premiers instants de l'univers DC Rebirth, nous savions que le petit monde de Watchmen et celui de Superman et consorts allaient se télescoper de manière spectaculaire. C'était donc une des attentes principales des lecteurs ces dernières années : quand et comment ceci allait se produire. La réponse se présente sous forme d'une apocalypse qui approche, aussi bien chez Watchmen, puisque le plan d'Ozymandias n'a pas empêché le monde entier de se trouver sur le bord de l'extinction, que sur la Terre traditionnelle de Batman et ses amis, là où un vaste complot, "la théorie des Supermen" remet en question l'existence et l'identité mêmes des super-héros, qui sont accusés d'être en réalité des projets gouvernementaux américains. D'ailleurs 97 % des méta-humains sont de nationalité américaine, et c'est sur la base de cette évidence que les esprits s'échauffent. Là aussi un conflit nucléaire total se dessine dans les marges de l'histoire. Si les deux univers narratifs se croisent, c'est parce qu'à un moment donné Ozymandias (encore lui) et le nouveau Rorschach parviennent à atteindre "notre" dimension, emmenant avec eux deux criminels du nom de la Marionnette et du Mime; ces deux personnages extrêmement violents et psychotiques sont les réussites de la première partie de l'album. Nous retrouvons aussi le Comédien qui est du voyage. C'est pourtant sa mort qui permet à Watchmen de prendre son envol, mais vous le savez, rien est immuable dans les comics, surtout lorsque vous avez une créature comme le docteur Manhattan qui se permet de jouer avec la réalité. Ainsi il décide un petit matin de venir faire un tour de par chez nous pour y modifier la continuité DC Comics selon son bon vouloir... quelques-uns des héros de Watchmen sont donc sur les traces du nudiste bleu, pour le convaincre de mettre un terme à l'apocalypse qui vient... encore faudrait-il le retrouver!
Doomsday Clock (écrit par Geoff Johns) est un récit très exigeant et dense; il y a énormément d'informations, de choses à lire, d'ellipses narratives et il faut insister pour relier tous les points entre eux, et voir enfin quelle est la tapisserie qui se dessine sous nos yeux. Nous avions publié l'interview du traducteur français, Edmond Tourriol, dans notre revue du mois d'octobre et nous ne pouvons que saluer son travail qui s'apparente à une fatigue titanesque. L'ensemble peut même se diviser en deux grandes parties; une première où les pions se mettent en place sur l'échiquier, et où finalement les interactions entre les deux univers se jouent surtout au niveau de tous les dingos qu'on peut y rencontrer, aussi bien le Joker et la galerie des ennemis de Batman, que la Marionnette et le Mime déjà cités... ainsi que Rorschach qui n'a pas complètement toute sa tête, même dans cette version. La seconde partie est elle plus super héroïque, les grands noms de l'univers DC sont pointés du doigt et la tension géopolitique est à son comble. Le seul qui semble être encore digne de confiance dans cette histoire c'est Superman, et c'est vers Lui que tous les regards vont donc se tourner. C'est d'ailleurs Superman qui pourrait bien être la Némésis définitive du docteur Manhattan. Cet album est une remise en question permanente du statut même de super-héros. L'incongruité ou même parfois l'absurdité de ce qui permet à tous ces personnages de cohabiter ensemble et de danser perpétuellement ce ballet de vie et de mort, depuis des décennies, est ici décortiqué, et c'est l'essence même du super héroïsme qui est éviscéré, permettant ainsi au lecteur de prendre le recul nécessaire pour se forger une opinion différente sur ses lectures à super pouvoirs. L'ensemble est magnifié par le dessin de Gary Frank, qui fidèle à son habitude donne dans le réalisme et la minutie de chaque case, caractérisant parfaitement les personnages, rendant une copie toujours lisible et spectaculaire. Le seul véritable défaut de Doomsday Clock, c'est probablement ce qui vient après, quand on tourne la dernière page... nous avons envie de dire aux responsables de DC Comics : et maintenant, quelles leçons allez vous tirer de tout cela? Très honnêtement, à ce jour, nous nous posons encore la question.
Achetez Doomsday Clock chez Urban Comics