Trump va-t-il être réélu pour un second mandat? Ou Joe Biden deviendra-t-il le 46ème président des Etats-Unis? En attendant de connaître la réponse à cette question, l’auteur de bande dessinée Hervé Bourhis nous propose de découvrir ou redécouvrir tous les 45 présidents qui ont dirigé la première puissance mondiale depuis sa création en 1776. On apprend à les connaître un par un, de George Washington à Donald Trump en passant par Abraham Lincoln, Franklin Roosevelt ou John F. Kennedy. L’occasion pour Hervé Bourhis de raconter 250 ans d’histoire américaine de manière ludique et instructive à travers des anecdotes, des petites phrases, des guerres, des crises, mais aussi des chansons et des films. Un livre passionnant qui plaira à coup sûr à tous ceux qui aiment découvrir les petites histoires derrière la grande Histoire! Hervé Bourhis nous dit pourquoi et comment il a décidé de se lancer dans ce projet un peu fou.
Comment est né ce projet? Votre objectif était-il de sortir le livre « La Maison Blanche » juste avant les élections présidentielles?
Vous savez, quand on se lance dans un projet comme celui-là, on ne pense pas forcément à la date de sortie. Ça, ce sont des considérations qui viennent bien après. L’idée de ce projet est née alors que j’étais en vacances. Je cherchais un livre racontant l’histoire de tous les présidents américains. Alors qu’il existe des tas de biographies sur les présidents les plus connus, comme Lincoln ou Kennedy, il y en a beaucoup d’autres sur lesquels on ne sait rien ou presque, alors qu’au total, il y a quand même eu 45 présidents. Je ne connaissais pas la plupart d’entre eux, notamment ceux du dix-neuvième siècle. C’est pour cette raison que je voulais trouver un gros bouquin, le genre qu’on aime bien lire pendant l’été, avec le destin et le parcours de chaque président. Mais bien sûr, je n’ai pas trouvé ce livre, pour la bonne et simple raison qu’il n’existait pas.
Un livre comme celui-là n’existait pas non plus en anglais?
S’il existe, je ne l’ai pas trouvé, en tout cas. Bien sûr, il y a des bouquins qui racontent l’histoire globale de la présidence américaine ou de la Maison Blanche, mais dans ces livres, certains présidents sont évoqués en seulement trois lignes.
En même temps, votre livre montre bien que certains présidents ne sont vraiment pas restés longtemps en fonction…
C’est vrai, mais cela n’empêche pas qu’ils ont tous leur importance. Même lorsque ces présidents n’ont pas eu une politique décisive pour leur pays, il s’est quand même passé des choses pendant leur mandat, que ce soit l’entrée d’un nouvel Etat dans l’Union, des guerres ou bien l’évolution de questions de société liées à l’esclavage, à la place des femmes ou à celle des Amérindiens, par exemple. Même quand le président est mineur, il se passe toujours plein de trucs. Rien que pour ça, chacun des 45 présidents américains vaut donc la peine d’être raconté.
D’où vient votre passion pour les présidents américains?
A l’origine, je pense qu’elle vient du film « Les hommes du Président », que j’ai toujours adoré. Du coup, je me suis intéressé assez jeune à l’affaire du Watergate. De manière générale, mon intérêt pour les présidents américains est souvent venu du cinéma et des séries. J’ai beaucoup aimé « The West Wing », par exemple, la série d’Aaron Sorkin qui raconte le quotidien à la Maison Blanche d’un président fictif. Et puis, il y a « House of Cards », bien sûr. Ce sont ces oeuvres de fiction qui m’ont amené à lire des bouquins sur la politique américaine et notamment sur les présidents.
Où avez-vous trouvé la documentation pour votre livre, en sachant qu’une grande partie des présidents dont vous parlez dans votre livre sont aujourd’hui totalement tombés dans l’oubli?
Pour les présidents les plus importants, ça a été facile, parce qu’ils ont tous leur biographie traduite en français. Pour les présidents plus méconnus, je me suis appuyé sur un outil très pratique, qui est le site web du musée présidentiel de Washington. On y trouve énormément d’informations, y compris sur les présidents dits mineurs. Et puis, il y a le site du musée des Premières Dames, sur lequel on trouve aussi des éléments intéressants. En plus de ça, dans les biographies des grands présidents, il est souvent question de leurs prédécesseurs et de leurs successeurs. En mélangeant ces différentes sources d’information, je suis parvenu à trouver suffisamment de matière pour parler de chacun des présidents dans mon bouquin.
Etant donné qu’un ouvrage comme le vôtre n’existe pas encore aux Etats-Unis, est-ce que vous croyez que votre livre va être traduit en anglais?
J’en doute, parce que j’ai l’impression que les Américains n’aiment pas trop qu’on leur raconte leur culture. Mon « Petit Livre Rock », par exemple, a été traduit dans beaucoup de langues à travers le monde, mais il n’est pas sorti aux Etats-Unis.
C’est Trump qui vous a inspiré? On n’a jamais parlé autant de la présidentielle américaine qu’aujourd’hui, non?
Au contraire, Trump était plutôt un repoussoir pour moi. Comme tout le monde, il m’a épuisé pendant ces quatre dernières années. Par ailleurs, je ne pense pas qu’on parle davantage du président américain depuis l’arrivée de Trump. On parlait tout autant de Barack Obama ou de George W. Bush, par exemple. En réalité, c’est depuis l’élection de Kennedy qu’on est fortement focalisés sur les présidents américains. Cela coïncide avec l’avènement de l’ère médiatique, d’abord via la télévision puis via Internet. Par contre, il est vrai qu’avec Trump, on est passés d’une information par semaine à une information par seconde autour de lui, ce qui a entraîné une surenchère jusqu’au dégoût.
Vous pensez quoi de l’élection de cette année?
Pour moi, ça va être la pire de toutes. Ça va être terrible, parce que le soir du 3 novembre, Trump va probablement être donné gagnant sur base des votes directs, mais dans le même temps, il restera des dizaines de millions de votes par correspondance à comptabiliser, dont le dépouillement va commencer seulement le soir du 3. A mon avis, ça va durer des semaines, il va y avoir une bataille juridique incroyable et pendant ce temps-là, il y aura des émeutes dans le pays et une forme de guerre civile, soit larvée soit réelle. Et à la fin, ce sont les juges qui devront décider du gagnant. Je crois que le mois de novembre va être terrifiant aux Etats-Unis, surtout si on y ajoute l’impact du Covid. A vrai dire, je ne suis pas très optimiste.
A qui s’adresse le livre « La Maison Blanche »?
Il s’adresse à moi, vu que c’est le bouquin que je voulais lire! (rires) Plus sérieusement, je crois qu’il s’adresse aux gens qui se rappellent vaguement de Carter ou de Nixon, mais qui veulent en apprendre davantage. J’ai l’impression que tout le monde peut le lire, aussi bien des adolescents que des personnes plus âgées. J’ai fait en sorte d’équilibrer des éléments plus légers et plus dramatiques, pour faire en sorte que ce soit confortable à lire.
Pourquoi ce format-ci plutôt qu’une BD classique?
J’ai adopté cette manière de raconter depuis mon premier livre du genre, qui s’appelait le « Petit Livre rock ». Ensuite, j’ai utilisé cette même formule pour parler des Beatles, de la Ve République, de la bande dessinée, de la Black Music, de la pop française… Et à chaque fois, j’ai essayé d’améliorer le système, de trouver des rubriques, des rendez-vous de page en page ou d’année en année. Dans le cas de « La Maison Blanche », il s’agit notamment des nouveaux Etats dans l’Union ou bien des guerres qui ont eu lieu pendant le mandat du président en question. C’est un format qui me convient assez bien.
Vous préférez ce type de format à une bande dessinée plus traditionnelle?
Ce n’est pas pareil. Ce genre de bouquin demande une toute autre approche et une toute autre manière d’écrire. Par rapport à une BD, c’est aussi un livre qui se lit différemment. On peut le lire de manière linéaire, bien sûr, mais on peut aussi le picorer.
Malgré tout, il y a certains présidents pour lesquels vous avez ajouté une petite séquence BD, notamment pour les assassinats de Lincoln et Kennedy et pour le Watergate…
Oui, je l’ai fait pour les moments les plus mythiques. J’aurais pu ajouter aussi une séquence BD pour la guerre de Sécession, mais comme il ne s’agit pas d’un livre sur l’histoire des Etats-Unis d’Amérique mais sur celle de ses présidents, j’ai préféré me focaliser sur la mort de Lincoln.
Parmi les 45 présidents, qui est votre président préféré?
C’est de l’humour noir, mais celui qui me fait le plus rire, c’est William Henry Harrison. Quand il est élu à 68 ans, il est à la fois une légende américaine et un héros de guerre. Il est l’auteur du plus long discours d’investiture de l’Histoire américaine. Mais comme il fait un froid glacial ce jour-là à Washington, il attrape une pleurésie et il meurt un mois après. C’est quand même une histoire assez hallucinante. Dans mon livre, on découvre aussi que beaucoup de présidents étaient alcooliques, que tous les premiers présidents avaient des esclaves et que plusieurs d’entre eux ont eu des enfants avec leur maîtresse.
Et le pire président de l’Histoire, c’est qui selon vous?
Il y a quelques années, un classement des présidents les plus nuls a été établi par des politologues américains. C’était avant Trump, mais les deux noms qui revenaient le plus souvent à l’époque étaient ceux de Buchanan et Harding. Le premier était le prédécesseur de Lincoln et la guerre de Sécession a démarré sous son mandat, alors que le second était sans doute le président le plus corrompu de l’Histoire.
Votre prochain projet, ce sera quoi?
Ce sera une BD plus classique. Il s’agira d’une comédie pour les éditions Dargaud, qui devrait sortir l’année prochaine. Mais je commence à peine. Je ne peux donc pas en dire plus pour le moment.