Calcutta, avril 1919. Sam Wyndham, ancien inspecteur de Scotland Yard, arrive aux Indes, traumatisé par les horreurs de la Grande Guerre et la mort de sa très jeune femme. A peine débarqué il se retrouve avec un meurtre sur les bras, un éminent collaborateur du vice-gouverneur a été égorgé dans une ruelle sordide à deux pas d’un bordel. Dans sa bouche, un message demandant le départ de tous les Britanniques. Et pour occuper ses temps libres, une autre affaire à résoudre, un train a été attaqué par une bande de voleurs….. qui n’ont rien volé !
L’Attaque du Calcutta-Darjeeling est sous-titrée Une enquête du capitaine Sam Wyndham, ce qui laisse supposer que nous sommes en présence du premier volet d’une série à venir. Alors faisons connaissance immédiatement avec les principaux acteurs. Sam Wyndham, nous l’avons vu, traine un beau paquetage de problèmes psychologiques d’où une addiction à la morphine ou à l’opium, brave homme sans préjugés raciaux ni complaisance envers les puissants, il mène sa barque d’enquêteur avec pragmatisme ; le jeune sergent Banergee s’avère un collaborateur malin autant que précieux, autochtone il peut frayer plus facilement avec les locaux mais sa position est ambigüe, flic pour les colons il doit vivre avec sa conscience quand les Anglais commettent des exactions envers son peuple. Lord Taggart, chef de la police du Bengale, il a connu Sam durant la guerre en France, l’a apprécié et c’est lui qui a demandé à ce qu’il le rejoigne ici, fin politique, il connait les rouages de l’administration et sait en jouer.
Ce polar s’inscrit dans la lignée des romans policiers « doux », ni violence, ni sexe, rien qu’y puisse choquer les âmes sensibles. Le rythme est bon sans être trépidant et l’enquête avance gentiment, ponctuée de petits détails – jamais lourds ou insistants – sur la vie à Calcutta, la politique colonialiste des Britanniques et la mentalité raciste ou hautaine de nombre d’entre eux, quelques points d’histoire sont rappelés au lecteur et des interrogations philosophiques intéressantes sur le colonialisme. Pour tout dire, l’exotisme du roman ajoute cet épice qui donne un peu de goût à ce polar dont la recette est par principe, toujours très codifiée.
Quant à l’intrigue, très correcte, elle mêle le crime sordide et plein de perspectives d’un puissant homme Blanc, à la porte d’un bordel, créant un lien avec un politique de très haut niveau, un train attaqué sans qu’on sache pourquoi, un terroriste insaisissable depuis plusieurs années vite préjugé coupable des deux actes, une lutte de pouvoir entre la police et l’armée, des pistes trop évidentes et in fine, une trahison.
Une lecture très divertissante, pas obligatoirement indispensable comme beaucoup, mais très sympathique.