Jolies ténèbres. Fabien VEHLMANN et Kerascoët - 2009 (BD)

Par Vivrelivre @blandinelanza

Jolies ténèbres

Scénario de Fabien VEHLMANN
Dessins de Kerascoët

Éditions Dupuis, mars 2009
112 pages


Thèmes : Mort, Conte, Fantastique

C'est grâce à la présentation de Fanny que j'ai découvert cet album au titre en oxymore.
Sa chronique à la fois dubitative et intriguée m'a donné envie de le lire à mon tour. J'ai pris mon temps pourtant. Il fallait au moins cela. Et ce qui est sûr, c'est que vous ne pouvez rester indifférent face à un tel album. Il fascine, il dérange, il questionne, il bouscule...
Âmes sensibles s'abstenir !
Ma première lecture m'a laissée tellement pantoise, entre surprise, incompréhension et dégoût, rejet presque, que j'ai d'abord voulu l'oublier, avant d'avoir envie de le relire. Pour mieux l'apprécier, le comprendre peut-être.
Il est rare que je vous fasse part de mon ressenti avant de parler de l'histoire ; à album particulier, chronique particulière.
Ce que nous proposent ici les auteurs est un conte horrifique, entre macabre et fantastique. Ou l'inverse.

Le récit commence comme dans un conte de fées, où une blondinette sert le thé à son amoureux de chevalier. Mais soudain, le plafond et les murs dégoulinent, ruinant ce doux moment. Elle sort et c'est là que nous découvrons, avec elle, une horrible réalité.


Nous sommes en forêt, il fait nuit et il pleut.
Une petite fille est étendue dans l'herbe, son cartable ouvert à ses pieds. Elle est morte, certainement depuis peu, sans que nous ne sachions ni comment ni pourquoi. Un peu plus tard dans l'album, une possible réponse est apportée sous la forme d'une ombre ... Et encore, nous ne pouvons que faire des suppositions sur cette présence éphémère...
Autour d'elle, émanant d'elle, l'activité est soudain intense. Des petits êtres sortent d'elle, s'agitent. Qui sont-ils ? Des parts d'elle, des éléments de sa personnalités, de son âme? L'album n'apporte aucune précision tout en se parsemant de clins d'œil.


La protagoniste principale, celle du début, s'appelle Aurore, un prénom de princesse.
Elle est dotée d'une bonté naturelle, d'un esprit pratique et fédérateur, qui lui permettent d'organiser les choses face à cet évènement brutal qu'ils vivent soudain.
Ainsi suivons-nous cette communauté au fil de quatre saisons qui voient aussi le corps de la fillette s'abîmer, se détériorer,se putréfier, la nature changer de couleurs et d'activité.
Au sein de cette société, se côtoient différentes individualités, qui vivent de flatteries, d'aventures, du besoin de reconnaissance, de manipulations ou de solitude.On observe leurs relations s'unir, se tendre, se mouvoir, changer, entre entraide, alliances ou perfidies. Des scènes d'innocence, d'amitié ou de légèreté laissent soudain place à des moments intenables de cruauté ou de morbide. Et cela est d'autant plus difficile que ce dessin est porté par un trait enfantin, naïf, aux couleurs lumineuses. Un faux-air enchanteur, une apparence fourbe.
Au contraire du corps de la fillette au réalisme effrayant, mais d'où s'échappe une certaine douceur, presque un respect.

L'atmosphère qui se dégage est donc assez glauque, lourde, malsaine même, et en même temps, on s'attache à cette petite Aurore.
Assurément initiatique, cet album ne se laisse pas oublier une fois la dernière page tournée.


Découvrez aussi les avis de Moka (fascinée par ses paradoxes), Mo (dégoûtée), Jérôme est conquis (sans chronique?), Noukette dubitative...