1. La Bombe (Didier Alcante – Laurent-Frédéric Bollée – Denis Rodier – Editions Glénat)
De quoi ça parle: Le 6 août 1945, le B-29 « Enola Gay » largue la bombe atomique « Little Boy » sur la ville portuaire d’Hiroshima, qui est alors une base importante de l’armée japonaise. La ville est anéantie en quelques secondes, tandis que plus de 70.000 personnes sont instantanément pulvérisées. 75 ans plus tard, la bande dessinée « La Bombe » raconte dans le détail comment cette arme effroyable a pu voir le jour. Dans ce formidable roman graphique choral de près de 450 pages, qui démarre à Berlin en 1933 pour s’achever par la reddition du Japon, on suit tous les personnages-clés qui ont mené à ce jour funeste du 6 août 1945, d’Einstein à Oppenheimer, en passant par Staline ou Roosevelt.
Pourquoi c’est bien: Parce que ce roman graphique s’appuie sur une documentation extrêmement solide. Parce que c’est un témoignage indispensable sur l’un des épisodes les plus noirs de l’histoire de l’humanité. Parce que cette BD est surtout une histoire humaine passionnante, qui se lit comme un roman. Parce que cela fait 40 ans que le scénariste belge Didier Alcante veut raconter cette histoire, depuis qu’il est allé à Hiroshima quand il était encore un enfant. Parce que les dessins en noir et blanc du dessinateur canadien Denis Rodier sont à la hauteur de ce récit. Parce que « La Bombe » est un livre parfait pour passer le temps de manière intelligente en ces temps de confinement forcé.
A qui ça plaira: Aux férus d’Histoire.
2. Malgré tout (Jordi Lafebre – Editions Dargaud)
De quoi ça parle: « Malgré tout » est l’histoire d’un amour absolu mais impossible. C’est le récit d’une passion éternelle entre un homme et une femme, qui vont mettre près de 40 ans avant d’enfin se retrouver. Elle, c’est Ana. Débordant d’énergie, elle s’engage corps et âme pour sa ville, dont elle est la maire. Passionnée par son travail, elle passe l’essentiel de son temps dans son bureau. Souvent même, elle y dort, en troquant son lit pour un confortable canapé Chesterfield… Lui, c’est Zeno. C’est un célibataire endurci, qui a hérité de la librairie de son père, mais qui ne tient pas en place. Depuis des dizaines d’années maintenant, il a fui sa ville natale pour parcourir toutes les mers du monde… Ana et Zeno ne se voient quasiment jamais, mais le lien qui les unit est plus fort que tout.
Pourquoi c’est bien: Parce que c’est une histoire très bien ficelée, dans laquelle chaque détail a son importance. Parce qu’il s’agit d’un puzzle amoureux, dont l’auteur espagnol Jordi Lafebre révèle les pièces petit à petit, sans jamais perdre le fil de son récit. Parce que « Malgré tout » est une histoire qui donne le sourire, grâce à des personnages extrêmement attachants. Parce que c’est tendre. Parce que c’est magnifiquement dessiné.
A qui ça plaira: Aux romantiques dans l’âme.
3. Les oiseaux ne se retournent pas (Nadia Nakhlé – Editions Delcourt)
De quoi ça parle: Cet album raconte l’histoire d’une enfant qui tente d’échapper à la guerre qui déchire son pays. Amel, dont le prénom signifie « espoir » en arabe, est une fille de 12 ans qui se retrouve orpheline suite à la mort de ses parents. Pour la sauver, ses grands-parents décident de la confier à une famille qui doit la mener jusqu’en France. Lors de son départ, ils lui donnent quelques règles très simples à suivre: avancer quoi qu’il arrive, ne pas montrer ses peurs, éviter les passeurs et ne donner sa confiance à personne. Mais très rapidement, Amel se retrouve seule, dans un environnement hostile. Heureusement, elle fait la rencontre de Bacem, un ancien soldat inséparable de son oud, un instrument typiquement oriental. Ensemble, ils vont tenter de rallier l’Europe.
Pourquoi c’est bien: Parce que c’est une BD pleine d’émotion, qui dénonce avec pudeur les atrocités de la guerre et la dureté des camps de réfugiés. Parce que c’est un livre très graphique, à mi-chemin entre le livre illustré et la bande dessinée, avec des planches généralement assez sombres, illuminées par des touches de couleurs vives. Parce que les mots sont très importants dans ce roman graphique, que ce soient ceux de Khalil Gibran, d’Andrée Chedid, de Saint-Exupéry… ou de la jeune autrice Nadia Nakhlé.
A qui ça plaira: Aux poétes et aux musiciens.
4. Peau d’Homme (Hubert – Zanzim – Editions Glénat)
De quoi ça parle: L’histoire se passe dans l’Italie de la Renaissance. Bianca vient d’avoir 18 ans. Ses parents estiment qu’il est temps de lui trouver un mari. Ce sera Giovanni. Il est jeune, riche et séduisant, mais malgré tout, cela dérange Bianca de devoir épouser un homme dont elle ignore tout. Sa marraine lui révèle alors un secret détenu et légué par les femmes de sa famille depuis des générations: une véritable peau d’homme. En revêtant cette peau magique, Bianca se transforme en Lorenzo, un jeune homme à la beauté stupéfiante. Grâce à cette incroyable transformation physique, Bianca peut visiter incognito le monde des hommes et apprendre à mieux connaître son fiancé. Le problème, c’est que ce n’est pas Bianca qui plaît à Giovanni, mais Lorenzo…
Pourquoi c’est bien: Parce que « Peau d’Homme » est une BD superbement écrite, mise en images de manière pétillante et malicieuse par Zanzim. Parce que cette étonnante fable médiévale pose des questions existentielles, notamment sur la liberté sexuelle, la morale et la religion. Parce que « Peau d’Homme » est en quelque sorte le testament du brillant scénariste Hubert, qui a choisi de mettre fin à ses jours en février dernier.
A qui ça plaira: A tous ceux qui veulent lutter contre l’intolérance.
5. Seules à Berlin (Nicolas Juncker – Editions Casterman)
De quoi ça parle: En avril 1945 à Berlin, tout n’est plus que ruines et désolation. Dans ce décor de fin du monde, deux femmes que tout oppose vont se rapprocher: Ingrid l’Allemande et Evgeniya la Russe. La première est une ancienne infirmière. Comme tous les Berlinois, elle assiste avec consternation à l’inexorable chute du Troisième Reich. Elle note tout dans son petit calepin, y compris les outrages répétés que lui font subir les soldats soviétiques. Ingrid n’a que 28 ans, mais elle ressemble déjà à une vieille femme. Evgeniya, par contre, a encore toute l’énergie de ses 19 printemps. Cette jeune traductrice, qui accompagne l’Armée rouge à Berlin, est chargée par ses supérieurs de retrouver et identifier avec certitude les restes d’Adolf Hitler. Tout comme Ingrid, Evgeniya consigne tout dans un carnet. Logées dans la même chambre, Ingrid et Evgeniya sont bien obligées de cohabiter. Mais dans un premier temps, leur entente est loin d’être évidente…
Pourquoi c’est bien: Parce que « Seules à Berlin » est une BD très bien écrite. Parce que Nicolas Juncker illustre à quel point il est encore dix fois plus difficile d’être une femme en période de guerre. Parce que les dessins, dans lesquels on retrouve surtout du gris ainsi que des personnages aux traits durs et aux visages émaciés, collent parfaitement à cette période chaotique de l’Histoire. Parce que c’est une histoire d’espoir et de résilience.
A qui ça plaira: Aux amateurs de fictions basées sur des faits réels.
6. La dernière rose de l’été (Lucas Harari – Editions Sarbacane)
De quoi ça parle: Léo est un jeune homme qui rêve de devenir un jour un grand écrivain. Un soir, il croise par hasard son cousin Sylvain, qu’il avait perdu de vue depuis des années. Profitant de leurs retrouvailles, celui-ci lui demande d’aller passer quelques semaines dans sa maison de vacances, histoire de surveiller les ouvriers qui y font des travaux. Dès le lendemain, Léo débarque dans la villa de Sylvain, qui bénéficie d’une superbe vue sur la Méditerranée… mais aussi sur la magnifique villa d’architecte située juste à côté. En observant ce qui se passe dans cette maison aux grandes baies vitrées, Léo ne tarde pas à être complètement fasciné par Rose, sa jeune voisine.
Pourquoi c’est bien: Parce que « La dernière rose de l’été » est un thriller sensuel et captivant, dans lequel la tension monte au fil des pages grâce à un art de la mise en scène et à des cadrages très travaillés. Parce que c’est un album à l’esthétique particulièrement soignée, avec des couleurs magnifiques et des dessins à la fois vintage et modernes. Parce que chaque case de cette BD peut être admirée isolément. Parce que ce livre, au format inhabituellement grand, est aussi un très bel objet.
A qui ça plaira: Aux amoureux de cinéma et d’architecture.
7. La Bête (Frank Pé – Zidrou – Editions Dupuis)
De quoi ça parle: Dans le port d’Anvers en 1955, un bateau débarque d’Amérique du Sud, avec à son bord une cargaison d’animaux exotiques. Mais comme le bateau a connu une avarie en pleine mer, tous ces animaux se sont entretués. Seule une étrange bête à la longue queue semble avoir survécu. Quand les trafiquants d’animaux viennent pour la récupérer, elle brise ses chaînes et s’échappe dans la nuit… Dans le même temps, à quelques dizaines de kilomètres de là, la vie du petit François n’est pas facile. Sa mère est rejetée par la plupart de ses voisins parce qu’elle a eu son fils avec un soldat allemand pendant la guerre. Du coup, François est le punching-ball préféré de ses camarades de classe, qui le traitent d’enfant de Boche. Heureusement, François trouve du réconfort auprès des animaux éclopés qu’il recueille: un cheval alcoolique, une taupe albinos, un chien à trois pattes… et puis un jour le fameux Marsupilami!
Pourquoi c’est bien: Parce que ça ne ressemble absolument pas au Marsupilami tel qu’on le connaît. Parce que c’est une belle histoire d’amitié entre une version plus sauvage de l’animal créé par André Franquin et un jeune garçon rejeté par ses camarades. Parce que le scénariste Zidrou est un expert dans l’art de raconter des histoires émouvantes avec des personnages attachants. Parce que Frank Pé est un maître du dessin animalier.
A qui ça plaira: Aux amis des animaux.
8. Rita sauvée des eaux (Sophie Legoubin Caupeil – Alice Charbin – Editions Delcourt)
De quoi ça parle: Le 1er janvier 1987, alors que Sophie Legoubin Caupeil est encore une ado et qu’elle voyage en Inde avec son frère et ses parents, un événement dramatique bouleverse sa vie. Son père adoré meurt en empêchant une jeune femme indienne de se noyer. Près de trente ans plus tard, Sophie décide de mener son enquête par rapport au geste héroïque de son père. Un geste qui a sauvé une vie, mais qui a détruit celles de la mère et du frère de Sophie. Son objectif est surtout de retrouver cette femme indienne, dont elle ignore l’identité, pour pouvoir se réconcilier enfin avec son passé. Mais en découvrant les archives plutôt chaotiques de l’hôpital de Chennai, elle se rend compte que sa recherche va être plus compliquée que prévu…
Pourquoi c’est bien: Parce que Sophie Legoubin Caupeil trouve le ton juste pour parler d’un sujet dramatique et très personnel. Parce que « Rita sauvée des eaux » est un récit lumineux et résilient, qui redonnera de l’espoir à tous ceux qui en ont besoin. Parce que la forme de cette BD est particulièrement originale, à mi-chemin entre le carnet de voyage et le journal intime. Parce que les dessins doux et colorés d’Alice Charbin apportent une légèreté bienvenue à cette histoire. Parce que cette BD nous offre une autre vision de l’Inde, à la fois authentique et attachante.
A qui ça plaira: Aux voyageurs et aux personnes en quête de résilience.
9. Anaïs Nin – Sur la mer des mensonges (Léonie Bischoff – Editions Casterman)
De quoi ça parle: Si la vie et l’oeuvre d’Anaïs Nin fascinent toujours autant de nos jours, c’est parce qu’elle est une figure symbolique de la libération sexuelle des femmes. L’intérêt de cette BD est de lever un coin du voile sur la femme qui se cache derrière cette écriture si particulière et si intime, notamment dans ses nouvelles érotiques. Sur la couverture, on voit deux Anaïs: l’une paraît sage avec ses cheveux bien attachés, tandis que l’autre est plus sauvage, avec ses cheveux dénoués et un regard provocateur. Cette image traduit bien la double vie et même presque la double personnalité d’Anaïs Nin: d’un côté, elle est une épouse de banquier tout à fait convenable et de l’autre côté, elle laisse libre cours à la sensualité qui couve en elle.
Pourquoi c’est bien: Parce que les dessins, réalisés avec un crayon à la mine multicolore, sont magnifiques. Parce que cette BD traduit bien la liberté et la passion qui caractérisaient Anaïs Nin. Parce que ce n’est pas une biographie comme une autre, mais un roman graphique plein de souffle et d’ambition. Parce que Léonie Bischoff, qui a travaillé sur ce projet pendant huit ans, s’est plongée corps et âme dans la vie et l’oeuvre d’Anaïs Nin pour la transformer en un livre très personnel et poétique.
A qui ça plaira: Aux esprits libres et aux amoureux des mots.
10. Carbone & Silicium (Mathieu Bablet – Editions Ankama)
De quoi ça parle: En 2046, les chercheurs de la Tomorrow Foundation, une entreprise située dans la Silicon Valley, donnent vie à deux prototypes d’une nouvelle génération de robots destinés à prendre soin de la population humaine vieillissante. Ces prototypes sont baptisés Carbone et Silicium. Lors de leur « naissance », on leur attribue une date limite d’existence de 15 ans, mais étant donné qu’on leur a transféré l’intégralité du savoir humain, les deux robots vont trouver des tas de subterfuges pour parvenir à prolonger leur durée de vie. Pendant plusieurs siècles, Carbone et Silicium multiplient les voyages, de manière virtuelle ou réelle, dans tous les recoins du monde. L’occasion pour eux de se rendre compte à quel point la planète et l’humanité sont à bout de souffle…
Pourquoi c’est bien: Parce que cette grosse brique de 277 pages traite de deux sujets très actuels: l’intelligence artificielle et le transhumanisme. Parce que, sous couvert de science-fiction, cette BD nous parle avant tout des travers de notre société, en nous amenant à nous interroger sur ce qu’on veut réellement faire de notre Terre et de notre société. Parce que le style de dessin très particulier de Mathieu Bablet trouve ici un magnifique terrain de jeu. Parce que c’est une œuvre forte et originale.
A qui ça plaira: Aux fanas de science-fiction intelligente.