Angelina et June, de Yves-Marie Clément, Talents Hauts, 2020, 112 pages.
L’histoire
June a grandi sur l’île aux Goélands, élevée par sa grand-mère, Ma. Sauvage, la jeune fille ne se sent jamais mieux que seule sur la plage ou dans la nature et entretient un lien distant avec la religion qui imprègne toute la vie de l’île.
Un soir, sur la plage, elle allume un feu dont l’éclat attire une chaloupe qui vient se briser sur les rochers voisins. Au beau milieu de l’écume, une jeune femme apparaît. Après avoir repris des forces, Angelina raconte à June son histoire et la raison de son voyage, June l’aide à se cacher : sur l’île aux Goélands, on n’aime pas les étrangers. Les jours passent qui voient l’amour naître entre les jeunes filles.
Note : 1 sur 5.
Mon humble avis
Merci à Babelio et Talents Hauts pour l’envoi de ce livre dans le cadre d’une Masse Critique en échange d’une chronique honnête.
Enfin, les remerciements sont plus une habitude par politesse parce que je suis passée complètement à côté de ce livre. Malheureusement je n’y ai rien découvert d’intéressant, je ne sais pas où voulait nous mener l’auteur. Le roman oscille du côté du fantastique, puisqu’on ne sait jamais trop s’il s’agit seulement de superstitions ou de prémonitions, mais ça peut aussi tout simplement venir de l’exposition de cet univers qui est assez inexistante. On découvre des bouts du fonctionnement de cette île aux Goélands au détour de phrases : ce Saint-Patron, l’omniprésence de cette religion (mais à part qu’elle se constitue en Prêtres, avec un Enfer et un Paradis on ne sait rien d’autre) ou encore une pseudo-cosmogonie avec la découverte de l’île par « Ragnhildr la Magnifique » (on n’en sait pas plus).
Je n’ai pas réussi à m’intéresser non plus aux personnages, dont on ne sait pas grand-chose (mais ce « pas grand chose » est par contre répété tout au long du livre, au cas où on oublierait) : June est appelée « June la Sauvage » par les autres parce qu’une fois une fille l’a appelée « Sauvage » et il semblerait que ce soit resté, qu’elle s’approprie même cette définition pour se présenter ainsi, même aux étranger⋅ères (ce que je trouve assez malaisant). Elle aime bien rester seule, et s’occupe de tout dans la maison qu’elle occupe avec sa grand-mère. Cette dernière n’est plus très en forme et ne peut plus sortir de la maison, elle passe donc ses journées à donner des ordres à June, et à… faire de longs discours dans son sommeil.
Un soir, June va sur le bord de mer et fait un feu. Ce qui est interdit. Mais il n’est à aucun moment expliqué pourquoi elle décide de faire un feu. Du pur hasard visiblement (ou une narration paresseuse – ah non pardon le roman appelle ça le destin !), toujours est-il que la barque d’une jeune fille vient s’échouer sur la plage et June ne peut distinguer ni son visage, ni ses yeux, mais sait qu’elle la regarde. Du coup elle s’enfuit. Quand elle rencontre à nouveau Angelina et que celle-ci lui donne sont prénom, elle décide de l’appeler « Angelina née de l’écume ». De cette dernière, on ne saura pas grand-chose si ce n’est qu’elle est rousse aux yeux verts : quand on lui demande d’où elle vient, elle donne deux réponses différentes donc impossible de savoir la vérité.
Par contre ce qu’on sait, c’est qu’elle a des seins et qu’elle est apparemment nue sous sa chemise (je n’ai toujours pas compris si cela voulait dire qu’elle ne portait qu’une chemise ou si simplement… elle n’a pas de soutien-gorge ?). Si une chose est certaine dans ce roman, c’est bien le male gaze de l’auteur sur ces deux adolescentes de quinze ans, et ça devrait être suffisant pour expliquer à quel point ça ne va pas du tout. J’ai été très mal à l’aise face à cette sexualisation. D’autant qu’il n’y a aucune alchimie entre les deux personnages et qu’on est visiblement dans un cas de « coup de foudre ». Et la vision d’Angelina qu’a June est problématique également, voici ce qu’elle dit alors qu’elles ont leur première discussion et qu’elles viennent de se rencontrer :
Je ne veux pas la perdre. Je ne veux pas que les autres la voient. Ils la séduiraient peut-être. Ils me la prendraient. Et moi… Moi, je redeviendrais June la Sauvage, celle qui vit avec sa grand-mère depuis l’éternité. Cette créature du ciel et de la mer est à moi.
Donc dès le départ, on est sur quelque chose de très malsain. Angelina finit par rencontrer les autres adolescent⋅es de l’île et cela se passe très mal, puisque ces dernier⋅ères détestent les étrangers, comme tou⋅te⋅s les habitant⋅es de l’île, parce que c’est comme ça. Donc j’imagine que le message de l’auteur, c’est que la xénophobie c’est mal. Mais le propos est amené d’une manière tellement abrupte et sans nuance qu’il est difficile d’y croire ou d’y voir un quelconque intérêt.
J’ai bien senti que l’écriture se voulait poétique mais pour un récit à la première personne, j’ai trouvé que ça ne fonctionnait pas du tout ici – c’était pour moi inenvisageable qu’une adolescente de quinze ans parle et pense ainsi. Bref, j’ai trouvé ce livre inintéressant, voire problématique, je ne comprends pas comment il a pu être édité et je ne le recommande pas. Après ma lecture de ce roman je suis allé voir la chronique de Planète Diversité et je suis soulagée de voir que j’étais pas toute seule à avoir été très mal à l’aise.
La couverture, de Katerina Bazantova, est en revanche sublime !
PS : Pour être tout à fait honnête, cela fait un moment que je sélectionne avec attention les livres que je souhaiterais recevoir dans le cadre des Masses Critiques et un de mes critères est : pas de livres d’hommes blancs cis hétéro. Parce que j’en ai déjà lu beaucoup, qu’ils ont déjà une place majoritaire et que ça ne m’intéresse plus de découvrir ce qu’ils ont à dire. Cela ne signifie pas que je n’en lis plus du tout (The Expanse ) mais en tous cas pour les Masses Critiques, je n’en sélectionne pas. Sauf que pour Angelina et June, le résumé était intéressant et je n’ai pas fait attention. C’était trop tard pour faire marche arrière quand on m’a annoncé que j’allais le recevoir, et je me suis dit que ce n’était pas grave, ça me ferait découvrir quelque chose. C’est raté.