En Espagne, après la mort de Franco en 1975, la jeunesse espagnole veut se libérer du carcan sombre et strict de la dictature. Elle aspire au renouveau, à la modernisation et à un retour à la démocratie. Ayant pour modèle les contre-cultures européennes, notamment britannique, elle veut les rattraper.
Un vaste mouvement culturel et artistique naît à Madrid et s'étend ensuite dans tout le pays.
C'est la Movida Madrileña.
La liberté et l'expression vont alors revêtir toutes sortes de formes, via la mode, le cinéma, la musique, l'art, la littérature...
Pedro AlmodóvarIl est difficile de parler de La movida et de l'expliquer à ceux qui n'ont pas vécu ces années. Nous n'étions pas une génération ; nous n'étions pas un mouvement artistique ; nous n'étions pas un groupe avec une idéologie concrète. Nous n'étions qu'une bande de gens qui coïncidaient dans l'un des moments les plus explosifs du pays.
C'est dans ce bouillonnant et foisonnant contexte underground, qu'un mystérieux collectif (aujourd'hui dispersé), Equipo Plantel, composé de deux économistes et d'une pédagogue, anonymes, ont fait paraître, entre 1977 et 1978, des écrits auprès du plus grand nombre pour favoriser l'émergence d'idées nouvelles, comme la liberté, l'égalité, l'éducation, la politique, le vivre ensemble, et ainsi ouvrir son esprit et se forger sa propre opinion.
Leur moyen : les livres.
Quatre ont été publiés.
Parce que leurs propos sont toujours très (et trop) actuels, les Éditions Rue de l'Échiquier Jeunesse les rééditent aujourd'hui avec une nouvelle maquette graphique (un illustrateur différent pour chacun des livres) mais sans en changer les mots.
Elles ouvrent ainsi une nouvelle collection intitulée " Des livres pour aujourd'hui et pour demain ".
La collection [d'alors] s'appelait " Livres pour demain ". Si on peut lire le contenu de ce livre sans le trouver bizarre, c'est semble-t-il, que ce " demain " n'est pas encore là " aujourd'hui ". On espère qu'il ne tardera plus.
Quelques mots sur l'objet-livre, très soigné : Un format rectangulaire idéal, une couverture cartonnée avec un dessin éloquent et attractif , des pages épaisses,
Chacun se ferme sur quelques questions auxquelles les enfants sont invités à répondre, ainsi que sur un portrait de l'illustratrice/teur, et un " avis au lecteur " pour l'aider à creuser sa réflexion.
J'aurais aussi aimé y trouver une note sur le collectif d'auteurs comme sur le contexte de parution avec la Movida Madrileña, un contexte loin d'être anodin.
Après vous avoir présenté ensemble Des femmes et des hommes et Des inégalités sociales, voici les deux autres : De la Démocratie et De la dictature.
De la Démocratie
Texte d'Equipo Plantel
Traduit de l'espagnol par Sophie HOFNUNG
Thèmes : Politique, Vivre ensemble, Liberté
Dans cet album, les auteurs ont choisi de présenter la démocratie comme étant un jeu, avec ses règles (les lois), ses équipes (les partis politiques) et leur programme, et le temps des parties (les mandats avec leurs élections).
La démocratie, c'est comme un jeu où tout le monde peut jouer.
Et ce que l'on gagne à la fin de ce jeu, c'est la liberté.
La métaphore du jeu est très bien trouvée et ses différentes étapes très bien expliquées.
Pour illustrer ce texte, Marta Pina a réalisé des collages à partir d'images vintage, chinées dans des brocantes, issues de vieilles revues, affiches ou même photographies.
Il s'en dégage un indéniable charme, un air d'" american way of life ".
De la Dictature
Texte d'Equipo Plantel
Traduit de l'espagnol par Sophie HOFNUNG
Thèmes : Politique, Dictature, Liberté
Cet album vient en contre-pied de l'album précédent,
Il s'ouvre sur les portraits de nombreux dictateurs d'hier et d'aujourd'hui partout dans le monde.
Ainsi nous est présenté le portrait d'un dictateur rose et joufflu : ce qu'il aime, ce qu'il obtient et comment, son mode de pensée, ses soutiens et opposants, le règne de la peur...
Donc le plus fort, c'est le dictateur.
Il est aussi le plus intelligent, le plus gentil et le plus grand...
Ici, le texte semble plus facile d'accès, mais c'est pour mieux se faire comprendre, surtout des plus jeunes.
Le dessin est rond, coloré, trompeur presque... Mais les détails poussent à ne pas se laisser prendre !
Ces albums encouragent donc la réflexion et la discussion, à développer la curiosité, à confronter passé et présent, à comprendre comment cela fonctionne dans son pays et dans le monde.
Des albums faciles d'accès et essentiels.