Rarement une lecture aura été pour moi aussi pesante. Rarement une lecture aura autant perturbé l’homme et le père de trois filles que je suis. Parce que toutes les situations présentées soulignent à quel point, partout sur la planète, la culture toxique du patriarcat est un poison pour les femmes. Il m’a été impossible d’engloutir ce pavé d’une traite, j’ai dû y aller par petits bouts. Trop de souffrance, trop de mauvais souvenirs, trop de détresse. L’ensemble est malgré tout traversé par une énergie brute, une volonté de ne pas s’appesantir, d’aller de l’avant. Une volonté de changement également, une volonté de ne plus être des victimes désignées, de ne plus culpabiliser mais de se dresser devant l'agresseur et de le mettre face à l’insupportable atrocité de son comportement.
La réponse à la violence est ici esthétique. Réalistes ou suggestifs, toujours profondément intimes, les récits témoignent d’une incroyable vitalité créative. En dehors d’Emil Ferris qui signe la dernière histoire du recueil, je ne connaissais aucune des autres dessinatrices. D’âges, d’orientations sexuelles et de nationalités différentes, toutes expriment à travers leur expérience traumatisante un désir d’émancipation par l’art. L’ensemble forme au final un appel collectif et solidaire à la lutte contre les violences et le harcèlement sexuels. Un magnifique exemple de sororité qui a remporté le prestigieux prix Eisner 2020 de la meilleure anthologie.#Balance Ta Bulle (ouvrage collectif). Massot éditions, 2020. 304 pages. 28,00 euros.