Je m'étais mis à aimer passionnément les livres. J'avais l'impression que chacun d'eux me donnait des clefs pour devenir normal. Qu'ils n'avaient été écrits que pour moi, comme autant de cours particuliers tranquilles et sans danger, sur la façon devivre des autres. Mieux encore, ils faisaient renaitre en moi la certitude qu'il existait une infinité de moyens de tracer son chemin dans la vie sans éveiller les soupçons. [...] Même si vos soucis sont différents, les livres vous montrent au moins que vous n'êtes pas seul à vous en faire. Vous n'avez plus besoin d'avoir peur que ce soit anormal.
implicité et dureté, disais-je : comme vous l'aurez remarqué, c'est une intrigue " extraordinairement banale " que nous offre ici l'autrice, sans fioriture inutile, sans péripétie superflue, toute centrée sur la difficile reconstruction de ce gamin malmené par l'existence. Rien de plus, rien de moins qu'une tranche de vie. Relatée par Eddie et par tous ceux qui gravitent autour de lui : Rob le travailleur social, Eleanor la psychologue, Linda l'assistance maternelle, Alice la sœur adoptive ... Chacun leur tour, ils nous dressent un portrait saisissant de cet enfant sauvé de l'enfer. Roman polyphonique dans toute sa splendeur, Blood Family ne se contente ainsi pas d'évoquer les conséquences " à long terme " des abus psychologiques et des déterminismes génétiques, mais aborde également la question de l'adoption du point de vue des parents. Avec justesse, en remisant au placard les grands discours bien-pensants, Anne Fine nous plonge au cœur des doutes et même des regrets de ces hommes et de ses femmes qui élèvent " les enfants des autres ", qui tentent de leur apporter tout l'amour et le soutien possible pour les aider à rebondir, mais qui se demandent parfois s'ils ont fait le bon choix ...