Frères soleil Cécilia Castelli
Le passage
Parution : août 2020
Pages : 280
Isbn : 9782847424454
Prix : 18 €
Présentation de l'éditeur
Chaque été sur l’île, les deux frères retrouvent leur jeune cousin venu du continent. Ensemble, les enfants pêchent, jouent, chahutent. Rémi, le plus jeune des trois, est en admiration devant les deux grands. Il aimerait leur ressembler mais il n’est pas vraiment comme eux, il ne vit pas ici. De leur côté, les adultes profitent de l’insouciance de l’été. Sur le terrain familial, au bord de la mer, l’existence est plus douce. Au soleil, ils souhaitent effacer les anciennes cicatrices, celles dont on ne parle jamais, le meurtre du grand-père et l’enfant qui devait naître.
Leur histoire se mêle à celle des ancêtres. Dans la maison au figuier, figure tutélaire, il y a la vieille tante Maria. Signadora mystique, sorcière, guérisseuse qui perpétue les traditions immémoriales. Les enfants la redoutent, s’interrogent sur cette femme silencieuse et toujours en noir. Puis ils grandissent et pensent à d’autres jeux, aux feux de camp sur la plage avec les filles notamment.
Mais quand vient la fin de l’adolescence, que certains choix s’imposent même s’il semble impossible de quitter l’île, un nouveau drame se produit. Meurtre ou accident ? Comme leurs parents avaient autrefois dissimulé les blessures, la nouvelle génération se retrouve à son tour confrontée à l’indicible.
L'auteure
Cécilia Castelli est née et vit à Ajaccio. Avec Frères Soleil, elle nous livre un roman intense sur la force vénéneuse des secrets. Un roman d’enfance et d’égarement. Entre mer et montagne. Entre sublime et violence.
Mon avis
C'est un magnifique roman que nous propose Cécilia Castelli, un roman tout comme l'île, envoûtant.
Cécilia est corse et fait de son île, "l'île de beauté" faut-il le rappeller, un de ses personnages principaux.
Au début, c'est le temps de l'insouciance, de l'enfance. Rémi le cousin du continent et sa maman Martine viennent chaque année passer l'été sur un terrain au bord de la mer.L'occasion de vivre libre avec son frère Pierre-Antoine, son épouse Gabrielle et les deux cousins, Baptiste l'aîné et Christophe le charmeur.
Ils jouent, ils pêchent, initient Rémi le plus jeune aux us et coutumes de l'île. Ils ne sont pas toujours tendres avec lui car même s'ils sont du même sang, Rémi vit sur le continent avec sa mère Martine qui sous le poids des traditions dans les années 70 a fui l'île, s'émancipant , cherchant sa liberté ailleurs.
On a voir le temps passer, été après été. Enfants, ils deviendront adolescents puis adultes. Viendra le temps des études, des choix, un métier ou rester sur l'île à tout prix. Cette île que l'on défend bec et ongles, que l'on aime par-dessus tout, à n'importe quel prix.
Mais une île où les secrets, les non-dits perdurent. Une île où l'on n'aime pas les "pinzutis" (les étrangers), une île défendue par les nationalistes, les activistes. Une île où les sorcières comme la tante Maria et ses sorts effraient.
Une île magnifiquement décrite que l'on découvre avec ses criques, ce bleu du ciel et de la mer, son maquis sauvage, ses montagnes. Les mots de Cécilia sont splendides, son écriture est fluide à la fois poétique et très réaliste, nostalgique. Les phrases sont courtes et puissantes, tendres et violentes à la fois. Une écriture imagée qui nous fait presque sentir les parfums de myrthes et les embruns.
Ce roman est un roman d'initiation, d'identité, d'appartenance mais aussi de transmission ancestrale.
C'est d'une beauté comme l'île , laissez-vous tenter et fondez à votre tour sous le soleil.
Ma note : 9.5/10 tout tout proche d'un coup de coeur.
Les jolies phrases
Elle dit venir d'un temps où la joie devait être cachée, d'une époque où les blessures devenaient des succès. Personne n'avait le sou mais tout le monde s'entraidait. De cette solidarité naissait le plaisir, on appréciait la vie car on avait le sens des valeurs. Chacun était utile à l'autre, même le plus idiot, même le dernier des imbéciles. Son visage rayonnait lorsqu'elle racontait que le simplet du village servait régulièrement de mètre étalon pour les plaisanteries du soir. Être aussi con que ce Michel Fieschi était le signal que l'on avait trop bu, qu'il était temps de rentrer car on commençait à perdre l'esprit. Ce qui était peut-être finalement une bonne chose. "Heureux les imbéciles!" disait-on en se resservant un dernier verre.
La souffrance, la famille qui se réduit, elle connaît déjà la chanson. Il n'y a pas si longtemps, c'est le grand-père qui est parti, sans peur, sans bruit. Et ensuite ? N'est resté que le souvenir d'une respiration, d'un parfum familier, d'une main tendue, faible et sans espoir. Puis les draps que l'on doit laver. Les placards qu'on se résout à vider. Les affaires d'une vie rangées, pliées, ordonnées. Avant la folle croyance d'une réapparition, l'impression d'apercevoir derrière chaque porte la silhouette évanescente.
Il faut se méfier du silence comme du diable. Retenir qu'il n'y a pas que les hommes qui parlent mais surtout les traces qu'on laisse.
Le geste initial est rapide ; il n'y a rien de plus simple que de mettre fin aux projets, cela prend beaucoup moins de temps que de les bâtir.
La peur lui faisait dire n'importe quoi, des mots détestables envers ses proches, envers les étrangers.
L'ennui et la fascination. Une part d'angoisse enfantine faite de croyances, de fantômes, de morts-vivants, de sorciers, de fées. Ils avaient une dizaine d'années. La réalité pouvait se distordre à loisir, la vie les enchantait. Le bien et le mal. La victoire et la vengeance. Les jeux n'étaient faits que de cache-cache et de cabanes dans les arbres. Les vieux étaient nés vieux tandis qu'eux, sales gamins insolents, n'espéraient qu'une chose : grandir. Grandir encore et toujours.