Quatrième de couv’ :
Ils sont cinquante – des femmes, des hommes de tous horizons. Ils ont définitivement quitté la Terre pour, au terme d’un voyage interstellaire de cent soixante ans, s’établir sur une planète extrasolaire, qu’ils ont baptisé Pax. Ils ont laissé derrière eux les guerres, la pollution, l’argent, pour se rapprocher de « la nature ». Tout recommencer. Retrouver un équilibre définitivement perdu sur Terre. Construire une Utopie.
Mais avant même de fonder leur colonie, des drames mettent à mal leur idéal. Avarie sur une capsule d’hibernation, accident d’une des navettes au moment de l’atterrissage. Du matériel irremplaçable est détruit. Les morts s’accumulent.
La nature est par essence hostile et dangereuse ; celle de Pax, mystérieuse, uniquement végétale, ne fait pas exception à la règle.
Pour survivre, les colons de Pax vont devoir affronter ce qu’ils ne comprennent pas et comprendre ce qu’ils affrontent.
Mon avis :
Toujours dans ma volonté d’avoir une vision de la SF plus positive que les sempiternels post-apo qui foisonnent sur le marché, j’ai lu Semiosis, sorti l’an dernier chez Albin Michel Imaginaire :
- L’intrigue :
Un vaisseau intergalactique a quitté la Terre voici 160 ans avec 50 colons à son bord pour repartir de zéro sur une nouvelle planète. A leur réveil, une fois en orbite autour de leur destination, ils se rendent compte que ce n’est pas la planète initiale visée, qui a peut-être disparu entre temps, mais la planète HIP 30815F dont le système de détection du vaisseau assure que l’écosystème comporte tous les paramètres nécessaires à la vie. Nos colons atterrissent donc sur Pax, nom qu’ils donnent à cette nouvelle planète signifiant Paix et qui sera le signe du renouveau avec pour objectif de vivre en communion les uns avec les autres et la faune environnante.
Pax est une planète plus vieille d’un milliard d’années par rapport à la Terre, quel type d’intelligence s’y trouve-t-il ? Et comment fait-on pour tout reconstruire sans reproduire les erreurs du passé ?
- Un récit générationnel :
Ce n’est pas le tout d’être congelé pour un voyage de plus d’un siècle, encore faut-il mettre le plan en marche et c’est là que ça dégénère. Plusieurs colons décèdent de différentes manières entre les soucis de l’hibernation et un atterrissage catastrophique d’un module tuant sur le coup une bonne dizaine d’individus. Arrivés sur le sol de Pax, les colons ne sont plus q’une trentaine et les gamètes congelées pour élargir au maximum le patrimoine génétique sont pour les 2/3 perdus. Il n’y a pas de métal sur cette planète et la majorité des outils nécessitant technologie et électricité vont péricliter dans les premières années. C’est un retour à la nature brut de décoffrage qui s’opère dans un environnement pour le moins hostile.
On va suivre le récit sur 7 chapitres qui équivalent à 7 générations de colons, le récit va couvrir plus d’un siècle d’installation et d’adaptation de la colonie à ce qui l’entoure et les enjeux soulevés par chaque génération. Chaque chapitre sera attribué à un personnage clé parfois complété par un autre point de vue.
Au départ, la génération des Parents, qui est la génération des arrivants, nous sera dépeinte par le personnage d’Octavo, le botaniste survivant. Son travail sera crucial pour permettre aux autres de savoir ce qui est comestible de ne ce qui l’est pas mais c’est sans compter sur les liannes blanches qui sont hostiles à ces animaux et se mettent à produire des fruits empoisonnés. Les colons vont apprendre petit à petit à composer avec la nature, reconnaitre les plantes amies avec qui composer pour obtenir une protection.
Ensuite vient la génération de Sylvia, première née de la colonie sur Pax. Le labeur harassant des Parents sur une terre quasiment stérile l’interroge. Quel intérêt de s’installer dans une sorte de Paradis pour rester à sa porte et donner l’impression d’expier pour toutes les fautes commises dans un autre monde. Sylvia et son petit-ami fuguent et découvre une ville abandonnée avec un arbre qui offre de bons fruits à manger, de retour au village pour rapporter la bonne nouvelle, ils se rendent compte que les Parents étaient au courant et avaient caché cette cité à leurs enfants, c’est la révolte et le temps des premiers meurtres sur Pax. Direction la ville arc-en-ciel pour tous ceux qui le veulent.
Les générations suivantes seront donc installées dans cette ville et prospèreront au fur et à mesure des années. Sauf que cette cité ne vient pas de nulle part et on apprendra l’existence d’une autre civilisation venue des étoiles comme eux, les Verriers, des êtres au physique façon bonhommes bâtons aux membres d’araignée, du moins c’est de cette façon que je me les figure au vu de la description. Viendra d’ailleurs le jour tant attendu de la rencontre entre les deux communautés mais ces êtres qui donnaient l’impression d’une grande avancée technologique par rapport au peuple des Pacifistes va se révéler extrêmement déroutant et ce à plus d’un titre, que je vous laisserai découvrir.
Au fil des générations on se rend bien compte que les travers humains réapparaissent, la violence et le meurtre refont leur apparition dès les conflits entre les deux premières générations, celle des Parents tentant de faire plier la nouvelle, bien loin de la Constitution signée dans le but de promouvoir un mode de vie dans le respect et la paix de tous et toutes. Viendront ensuite les notions d’envie et de racisme, de rejet de l’autre, à croire que l’Humain est condamné à s’autodétruire s’il ne prend pas garde à ses pensées et ses actes.
- Le monde végétal comme personnage à part entière :
Le personnage central de Pax est Stevland, baptisé de ce patronyme en l’honneur du botaniste Stevland Barr, premier colon décédé à la sortie de la cryogénisation. Stevland est un bambou arc-en-ciel, c’est l’être le plus intelligent du milieu végétal. Il a un petit caractère despotique mais il reconnait l’utilité de la vie en symbiose avec sa communauté humaine et il enseigne son savoir à tout un chacun, plantes comprises. Son intelligence et sa capacité d’adaptation lui permettent d’endosser différents rôles contraires, à la fois enseignant et élève, attaquant et défenseur, selon les besoins du moment. Cet enrichissement est mutuel avec les humains ainsi que la faune et la flore qui l’environnent.
En bref :
Je conserve dans un coin de ma tête le bémol des copains blogueurs scientifiques, le nombre de 50 personnes pour coloniser une planète est ridiculement petit pour ne pas se retrouver avec des problèmes congénitaux au fil des générations surtout quand on se rappelle qu’au final ils sont 31 survivants à se reproduire…
Ce « détail » mis de côté, le point fort du roman et son sujet majeur est la résilience potentielle de l’Humain face à la Nature, la communication inter-espèce, les idéaux défendus dès le départ et les péripéties qui vont les mettre à mal…ou les renforcer… Sue Burke s’essaye à l’utopie et ses limites et les pistes de réflexions suivies de leur mise en oeuvre sont très intéressantes.
D’autres avis chez : Le Chroniqueur, Apophis, Orion, Chut Maman lit, Yogo, Gromovar,
Bonne lecture !