Oui, je ne ne note pas la lecture du Lambeau parce que je n'ai pas fini ce livre : les cent dernières pages ont eu raison de ma patience. L'auteur, Philippe Lançon, le reconnaît : ses articles de journaliste sont souvent longs, c'est un reproche qu'il se fait et qu'il lui est retourné. Je confirme avec cet ouvrage au contenu pourtant remarquable mais dont le tempo monotone a pesé sur mon enthousiasme. Oui, parfois, je manque singulièrement d'empathie.
Philippe Lançon chroniqueur à Charlie Hebdo et Libération fait partie des victimes de l'attentat du 7 janvier 2015. Sorti défiguré du massacre, l'auteur retrace sa reconstruction (à la fois corporelle, humaine, sociale) dans Le Lambeau.
Voilà, c'est terrible d'achever une lecture parce qu'on n'a jamais décollé avec. Je l'ai interrompue, j'ai lu d'autres livres, je l'ai reprise, j'ai admiré la plume et le pointillisme littéraire, la capacité de Philippe Lançon à nous décrire toutes les étapes de sa reconstruction sans affect et avec une vraie sincérité et une vraie honnêteté intellectuelle, ses multiples opérations, sa relation avec ceux et celles qui lui veulent du bien (les soignants de tous ordres, ses gardes du corps, sa famille -en particulier son frère-, ses amis et amies, sa compagne ou ses ex-compagnes, ses collègues), ses progrès, ses rejets, l'accompagnement dont il a bénéficié, son altruisme, son humilité et ses belles réflexions sur la vie, la politique, notre monde, l'actualité. J'ai aimé tout cela mais j'ai lâché lorsqu'il a abordé l'arrivée de monsieur Tarbes. Là, je pense que j'avais atteint ma capacité à poursuivre : l'histoire tournait en rond. J'ai peut-être raté le meilleur, mais je ne regrette aucunement de ne pas avoir insisté.
Le lambeau est un récit riche, une plongée dans l'abîme et l'horreur, la dissection du corps hospitalier (multiple par les personnalités qui le traversent, personnalités tantôt attachantes, tantôt lointaines, mais surtout expertes, qui s'épuisent et s'oublient pour le bien-être du malade et faute de personnel), du corps humain où chaque partie peut servir à combler une part manquante. Il y a l'évolution physique, il y a le mental, il y a toute cette période où le patient devient, comme un enfant, dépendant d'autrui. Philippe Lançon ne nous épargne : rien n'est scabreux ni diminué ; tout est plutôt équilibré et sobre, avec beaucoup de pudeur et une grande précision.
Voilà, un livre intéressant que j'ai apprécié de découvrir en grande partie, une belle écriture, une construction rigoureuse mais aussi de nombreuses digressions et des aller-retour amoureux qui ont eu raison de mon attention. Je le quitte admirative du courage de son auteur.
Éditions Folio
autres avis : Keisha, Alex, Ingannmic, Krol, Mimipinson, Agathe