La mort du temps, Aurélie Wellenstein
Editeur : Scrineo
Nombre de pages : 285
Résumé : Un séisme temporel a dévasté la Terre, massacrant une large partie de la population et mélangeant les époques entre elles. Callista se retrouve seule survivante dans un Paris ravagé où s’amalgament deux mille ans d’architecture. Tous ses repères chamboulés, la jeune fille n’a plus qu’un espoir : retrouver en vie sa meilleure amie, restée dans l’Est de la France. Callista part à pied pour un long périple, talonnée par la monstrueuse réplique du séisme qui semble la suivre pour l’anéantir. Si elle s’arrête, si elle ralentit, le cataclysme la dévorera.
- Un petit extrait -
« La lumière se mit à tourbillonner. Vagues noires et clarté aveuglante se succédaient rapidement. Les couleurs se fondaient les unes dans les autres, comme si le ciel hésitait entre le jour et la nuit. Un soleil fantomatique glissa dans la voûte étoilée, puis la lune se mit à tourner, à monter et à descendre. Et toujours, le sol grondait, bougeait, éclatait partout, dans tout le quartier, dans toute la ville peut-être. »
- Mon avis sur le livre -
S’il y a bien une chose à laquelle je n’étais pas préparée dans toute cette affaire de déménagement, c’est bien d’avoir à me séparer pour une durée indéterminée d’une partie de mes livres … Cela peut sembler ridicule, mais cela a été un vrai crève-cœur que de mettre en carton 99% de ma bibliothèque, ne gardant que le strict minimum pour « tenir » quelques semaines, sans savoir avec certitude dans combien de temps je retrouverai les autres, avec toujours cette petite peur au ventre qu’un carton soit perdu ou endommagé, et que je perde ainsi une partie de mes précieux compagnons de lecture. Pour être parfaitement honnête, j’ai demandé à mes parents d’emmener « à part » mes livres dédicacés, qui ont une plus grande valeur sentimentale et que je tenais à tout prix à retrouver en bon état ! Pour le reste … Il a fallu faire un choix et déterminer lesquels je conservais dans ma « bibliothèque de survie » : difficile, quand on n’a pas l’habitude d programmer ses lectures et qu’on ne sait pas précisément dans combien de temps le déménagement aura effectivement lieu !
Le temps … Callista ne s’était jamais fait de nœuds au cerveau à son sujet jusqu’à présent : il passait, parfois trop vite (quand elle passait du temps avec sa meilleure amie), parfois trop lentement (la dernière heure de cours avant les vacances), et rien ne pouvait infléchir sa course régulière. C’est du bien ce qu’elle pensait jusqu’au terrible cataclysme qui mit sens dessus-dessous l’espace-temps, mélangeant allégrement les époques dans un maelström infernal. Miraculeusement indemne, la jeune fille se retrouve cependant seule pour faire face à cette terre dévastée par ce séisme pas comme les autres … seule pour tenter de fuir ce qu’elle nomme le Flash, cette onde de choc qui revient à intervalle régulier et anéantit tout sur son passage, gagnant à chaque fois un peu plus de terrain. Mue par un seul objectif : retrouver sa meilleure amie, la jeune fille se lance dans une véritable course contre la montre, alors même que le temps est devenu complétement fou …
Ayant beaucoup apprécié les ouvrages d’Aurélie Wellenstein que j’ai lus jusqu’à présent, et ayant un faible pour les voyages dans le temps, j’avais pas mal d’attentes en ouvrant ce livre … et je dois bien reconnaitre que ce roman m’a un tantinet déçue, même s’il reste vraiment très bon. Le problème n’est clairement pas l’intrigue, qui est tout bonnement excellente, originale et captivante … mais l’héroïne. J’ai trouvé Callista imbuvable, insupportable, et je n’ai pas réussi à m’attacher à elle ni à ressentir la moindre compassion à son égard. La faute, très assurément, à sa superficialité : Callista prend plus de temps à se séparer de son maquillage qu’à tourner le dos au cadavre de son père ! Et même si elle s’arrange quelque peu par la suite, le mal était fait : impossible pour moi de me sentir véritablement concernée par son sort tant son comportement m’exaspérait … Je ne dis pas que ce qu’elle vit n’est pas difficile, mais elle se lamente un peu trop sur son sort à mon gout, alors que mince, certaines personnes se sont retrouvées emmurées vivantes, ou ont fusionné avec une table ! A côté de ces malheureux, elle est plutôt bien lotie, alors qu’elle cesse de se prendre pour la seule victime de ce cataclysme !
En somme, les premiers chapitres ont été plutôt difficiles … mais la suite rattrape amplement le coup ! Aurélie Wellenstein a le chic pour garder son lecteur en haleine, pour ne jamais le laisser reprendre son souffle, pour faire naitre chez lui l’envie et le besoin viscéral de tourner chaque page comme si sa vie en dépendait. Petit à petit, la fuite de Callista devient la nôtre : nous aussi, nous traçons pour échapper à l’anéantissement, sans jamais nous arrêter, sans jamais nous retourner. On ressent vraiment cette urgence grandissante, cette angoisse persistante. Vraiment, l’ambiance de ce récit est exceptionnellement prenante : on s’y croit vraiment, et on vit donc ce récit avec nos tripes. Il faut dire que l’autrice a pour habitude de ne rien épargner à ses lecteurs : par des mots bien choisis, elle parvient à nous immerger complétement dans ce monde dévasté, et on a donc véritablement le sentiment d’y être. Corps et âmes. Aussi, quand bien même on n’apprécie pas Callista, on ne peut s’empêcher de l’encourager, de l’exhorter à continuer malgré la fatigue et la douleur et la faim, parce qu’on sait que si elle s’arrête, elle est fichue. Et nous aussi.
Car quand bien même on n’a absolument rien en commun avec elle, on finit par s’identifier à elle, en particulier lorsqu’elle se retrouve confrontée à des dilemmes moraux effroyables : qu’aurions-nous fait, à sa place ? De notre mieux, très probablement. Et c’est à la fois beaucoup et si peu … Peut-on être responsable, coupable, quand on a fait tout notre possible, tout ce qui était en notre pouvoir ? Mais plus encore … peut-on être responsable, coupable, de quelque chose qu’un autre a fait en notre nom, pour nous, alors même qu’on n’avait rien demandé ? Je dois bien le reconnaitre, vers la fin du récit, j’ai fini par ressentir un peu plus de compassion pour cette jeune fille à la fois si égoïste et si altruiste, qui agit tantôt pour se donner bonne conscience, tantôt par véritable bonté d’âme … Au fil des épreuves, elle s’endurcit autant qu’elle s’adoucit : elle ne fuit plus ses responsabilités, même si elle choppe au passage le complexe du super-héros qui s’imagine qu’elle doit désormais porter sur ses épaules tout le poids du monde. Mais cela peut se comprendre, d’une certaine façon, quand on découvre avec elle la vérité, donc je peux lui pardonner sur ce point !
En bref, vous l’aurez bien compris, même si j’ai eu un peu de mal avec l’héroïne, j’ai tout simplement adoré cette histoire. C’est un vrai page-turner qui ne vous laisse aucun répit : il n’y a aucun temps mort (sans mauvais jeu de mot avec le titre) et jamais la malédiction du « encore un petit chapitre » n’a été aussi puissante … Impossible de s’arrêter une fois lancé ! Une fois encore, Aurélie Wellenstein nous prouve que son imagination et son audace sont sans limite : c’est un récit vraiment très original, très atypique, et on en redemande ! Elle ne s’interdit rien, et c’est clairement ce qui rend ses ouvrages si puissants : quand on tourne la dernière page, on reste interdit, car c’est difficile de reprendre pied avec la réalité après avoir été happé par l’histoire. Il faut dire que la fin de cet ouvrage est magistrale : peut-être un peu trop abrupte, mais vraiment poignante à souhait, un vrai régal ! On en oublie facilement les débuts un peu laborieux à cause du caractère de la jeune héroïne, on en oublie également les petits points un peu délicats – je pense au langage de charretier de Jeanne, neuf ans – pour ne garder en mémoire que ce final grandiose, et cette tension incroyable qui nous habite du début à la fin. A lire, donc !