Les formats « autobiographiques » sont rares sur le blog. On parle effectivement rarement (pour pas dire jamais) de correspondances, journaux ou autobiographies de toutes espèces. Et pour cause, on en lit presque pas ! Mais on est déterminées à s’y mettre un peu plus et aujourd’hui, on débute fort avec le Journal I d’Anaïs Nin dont on ressort pour le moins mitigées.
Mais avant de se lancer dans un blabla interminable sur l’ouvrage, on précise immédiatement que nous avons lu ce livre avec une copilote de qualitey. Elle nous avait déjà accompagnées sur Notre-Dame de Paris… Vous l’aurez deviné, nous parlons évidemment de l’Ourse bibliophile !
Vous retrouverez sur son blog une chronique qui montre bien à quel point nous avons été sur la même longueur d’onde tout au long de cette lecture, tout en étant bien plus argumenté que le mien. (Vous noterez que nous avions fait l’effort de post-iter l’ouvrage pour appuyer notre propos mais que la flemme ayant pris le pas sur notre courage, ça ne s’est pas fait et on se retrouve avec une chronique assez subjective x)). Pour une chronique plus complète et argumentée, ça se passe chez l’Ourse les copaings ! ♥
Et maintenant, place à la chronique la plus foutoir que vous ayez jamais lue. C’est parti les amis.
Notre découverte d’Anaïs Nin
Histoire de vous mettre dans le même état d’esprit que nous à la découverte du Journal I, on s’est dit qu’il serait peut être pas mal de vous narrer notre première rencontre avec l’autrice. C’est au détour d’un épisode du podcast Le Book Club (qu’on adore et dont on vous a déjà parlé ici-même) dont on a entendu parler pour la première fois du Journal d’Anaïs Nin.
Dans l’épisode qui lui est dédié, Diglee parle en effet de son attrait pour les récits qui contiennent du vrai. Et c’est donc tout naturellement qu’elle nous parle du Journal d’Anaïs Nin, qui entre on ne peut plus dans cette catégorie. Bref, l’illustratrice nous a fichtrement données envie de nous intéresser à cette autrice du XXe siècle dont on n’avait jusqu’ici jamais entendu parler que ce soit dans notre cursus littéraire ou dans la « vraie vie ». Alors le jour où on a rencontré l’ouvrage dans une boite à livres, on a pas mis bien longtemps à l’emprunter. Après une petite période de sommeil dans notre PAL (eh oui, ils passent tous par là par chez nous, c’est notre quarantaine à nous !) on a décidé de l’en sortir à l’occasion d’une lecture commune avec l’Ourse.
Les coulisses de cette chronique légèrement désorganisée.Et là vous vous dites « Bon, ça y’est, elle la commence sa chronique la vieille ? » Oui, la chronique commence ici mais préparez-vous à un flashback en fin de chronique parce qu’on veut aussi vous évoquer l’adaptation en BD du journal, récemment sortie aux éditions Casterman. On vous préviendra subtilement quand ce sera le moment du flashback, promis.
Le pourquoi du comment le bouquin en question nous laisse dans la mitigence la plus totale.
(On a bien essayé de faire plus long comme titre mais on s’est dit qu’au bout d’un moment, c’est chaud, vous allez vous casser à force.)
Comme le nom du livre l’indique, les journaux d’Anaïs Nin sont ses journaux intimes tout simplement. Débutés lors de sa traversée de l’Atlantique, alors que le bateau sur lequel elle se trouve l’emmène sur le continent américain – loin d’un père qui à l’évidence n’en avait rien à faire d’elle – la petite Anaïs se décide à y noter les évènements qui jalonnent sa vie. Elle consigne alors ses pensées et ses journées dans un journal dans l’espoir, un jour, que son père rattrape les années qu’il n’aura pas passées en sa compagnie.
Le Journal que nous avons lu nous narre, lui, les années 1931 – 1934 alors qu’Anaïs Nin a entre 28 et 31 ans. Ce qui surprend tout d’abord, c’est la forme que prend son journal. Loin des mises en pages conventionnelles, suivant le quotidien de celui qui l’écrit au jour près, celui-ci est une longue suite d’évènements organisés par mois plus que par jours. Ce découpage donne parfois lieu à des changements de sujets étonnant d’un paragraphe à un autre sans que l’on sache vraiment le temps qui sépare l’écriture de l’un de l’écriture de l’autre. (On espère que c’est clair, en tout cas, dans notre esprit ça l’est).
Passé ce découpage, qui au début peut au premier abord un peu étonner, ce premier tome du Journal d’Anaïs Nin restent somme toute banal… Enfin, c’est ce que la jeune femme voudrait nous faire croire…. ou pas ? On sait plus vraiment ce qu’on doit croire ou non.
Si Anaïs Nin y note ses réflexions sur l’art, sur ce que c’est que d’être artiste et y retranscrit ses conversations avec ses amis écrivains (attention, y a du beau monde dans ce livre là), elle semble aussi y instaurer peu à peu des éléments qui s’éloignent du réel. À plusieurs reprise, l’autrice sous-entend de fait que ses propos ne sont pas exemptes de mensonges. À l’instar de June, épouse de Henry Miller qui la bouleversera tout autant que l’auteur, Anaïs semble vouloir renvoyer au monde une image d’elle construite de toute pièce. Ses journaux racontent sa vie, « ornée, pimentée, dramatisée comme il faut », en somme c’est elle-même qui nous l’avoue au détour de la page 159. Les exemples pullulent dans ce sens et ce n’est un mystère pour personne, c’est même ce qui fait la spécificités de ses journaux : on ne peut jamais en démêler le vrai du faux, on ne peut en aucun cas se fier à l’autrice qui, mentant aux autres, se ment à elle-même entre les pages de son journal et par ricochet à nous aussi.
Anaïs Nin sur les 2/3 du romanTata Alberte n’est pas dupe. Un.e auteur.ice écrit toujours pour être lu (merci les cours de litté, on apprécie) que ce soit se relire soi-même dans le cadre du journal ou pour être lu par un correspondant dans le cadre de lettres. Et ici, clairement, on sent qu’Anaïs Nin n’écrit pas pour elle mais bien pour être lue par nous. Elle se met en scène dans sa vie quotidienne telle une actrice dans une pièce de Racine, dramatisant sa vie au possible même quand celle-ci se trouve être un peu plate. En vain, Anaïs Nin essaye de nous intéresser à sa vie d’artiste entourée d’artistes. L’intérêt de toute la première partie de l’ouvrage (voire les 2/3 si on veut être plus schématique encore) nous a ainsi semblé bien mince et pouvant se résumer à des querelles amoureuses racontées la main sur le front et une larme de crocodile au coin de l’œil (préparez-vous, Anaïs Nin est parfois une vraie dramaqueen). Rien de bien marquant tant le tout manque d’authenticité, tout simplement.
Mais alors, tout est-il à jeter ?
Nenni nenni les copains, Anaïs Nin nous gratifie parfois de passages poignants, sincères qui viennent relever une lecture qui, sinon, resterait plutôt mauvaise. D’où notre mitigence, vous l’aurez compris. Ainsi les passages qui évoquent sa relation avec son père nous ont semblé plus authentiques et par conséquent bien plus intéressants. On pourrait en dire de même de toute la dernière partie de l’œuvre. Après sa rencontre avec Otto Rank, un véritable changement s’observe dans la façon dont Nin écrit dans son journal. L’autrice nous écrit et affirme paradoxalement « ne plus écrire dans son journal », et pour cause, l’usage qu’elle en fait semble se modifier imperceptiblement. Le psychanalyste l’encourage effectivement à laisser la fiction pour ses romans et à se servir de ce journal uniquement de manière classique, comme un lieu où elle parle de sa vie et non plus de celle qu’elle se rêve. Ainsi la dernière partie du Journal, s’il nous parle toujours d’Anaïs Nin (Bah oui, c’est un journal quand même) semble moins « nombriliste » si l’on puis le dire ainsi. L’autrice y semble plus sincère et on a enfin l’impression de se retrouver face à un journal qui tient plus de l’intime que de la fiction.
Certains passages nous auront marqués durablement, notamment son accouchement, d’une violence inouï. Anaïs y parle des violences obstétriques dont elle a été victime et de la difficulté qu’elle a à se sentir mère pour ne finalement jamais le devenir. On ne veut pas vous en dire plus sur ce passage qui nous a à la fois touchées, bousculées, indignées. Bref, un extrait qui nous a prouvé qu’Anaïs Nin était capable de parler d’elle avec sincérité, sans fard. Et quand elle le fait, on est totalement emportées. Dommage que ces passages authentiques, de confessions, etc. restent rares, nous laissant un goût de pas assez.
Un vrai mood sur cette lecture.Enfin, pour maintenir cette chronique dans l’état bordélique qui la caractérise, on aimerait, sans transition, évoquer la relation qu’entretient Anaïs Nin avec les hommes de son entourage. Si vous vous attendez à lire un ouvrage « féministe » parce qu’Anaïs Nin est une artiste et donc une femme indépendante (être une femme artiste à l’époque c’était déjà beaucoup niveau émancipation, on en convient), préparez vous aussi à ce que ce soit un féminisme de l’époque. Anaïs Nin a intériorisé une misogynie dégueulasse, se rabaissant parfois fasse aux hommes dans son entourage dont elle a sans cesse l’impression d’être la mère. Certaines phrases faisant des femmes des êtres plus faibles par essence vous irriterons peut-être. En tout cas, ça a été le cas pour nous et pour rien vous cacher, on a failli finir avec les yeux révulsés à vie à force de les lever au ciel.
Alors on lit quoi ?
De notre côté on va peut-être laisser sa chance au second volet des Journaux d’Anaïs Nin, s’ils se poursuivent sur la même voie que le tome 1, il y a peut-être moyen que cela nous intéresse. Si vous cherchez vraiment à lire un Journal qui vous plonge dans l’intimité et les pensées intimes d’un auteur ou d’une autrice, on vous déconseille celui-ci qui manque clairement d’authenticité et qui ne nous a touchées et intéressées qu’en de rares occasions.
Et sinon, pour notre part, nous avions lue une BD avant de lire le Journal. BD qui a, peut être, influencé notre réception du Journal. (C’était ça le flashback. Entre le podcast et le Journal on a lue la BD… Vous avez vu, c’était subtile notre façon d’introduire notre laïus sur la BD hein ?)
Enfin, si ce qu’on vous a dit vous a refroidi mais que malgré tout vous aimeriez en savoir plus sur cette autrice, on vous invite vivement à lire l’adaptation en BD qu’en a fait Léonie Bischoff et qui est juste sublime. La bédéiste retranscrit totalement, à travers ses dessins dans des tons violets/bleus, les vies parfois tourmentées du cercle d’ami de Nin. Sa relation avec son père y est également joliment illustrée et certaines pleines pages traduisent bien ce qui se joue dans l’œuvre de Nin, à savoir ce jeu entre le réel et l’illusion, le réel et la vie rêvée. Les dessins réalisés au crayon de couleur sont irrésistibles et la bédéiste nous rend Anaïs Nin ainsi qu’Henry Miller bien plus sympathiques que ce qu’ils ne sont dans les Journaux. (Pour notre part, ces deux personnages ainsi que le père d’Anaïs Nin nous ont bien souvent insupporté même si nous avons eu de l’empathie pour Nin dans certains passages précis, vous vous en doutez.)
Pour résumer la situation en quelques mots, l’adaptation en BD aura marquer durablement nos esprits alors que le Journal a difficilement réussi à nous convaincre des talents d’écrivaines de Nin. Certains passages (dont la scène de l’accouchement) nous font ressentir néanmoins que l’œuvre de Nin a peut-être quelque chose à nous offrir, à condition que l’autrice choisisse d’abandonner le démon du mensonge pour nous livrer ses sentiments avec plus d’authenticité.
Et vous, vous avez lus Les Journaux ou la BD ? Ou les deux ? Dites-nous tout ça en commentaires, vos lectures de l’œuvre enrichirons assurément la nôtre et ça, ça nous plait bien comme idée !
éèé