Jason Hrivnak, né en 1973 à Toronto, est titulaire d'un diplôme en littérature et travaille dans le monde de l'édition canadienne. Le Chant de la mutilation, son deuxième roman, est paru en 2019.
Premier plan : Un démon a jeté son dévolu sur un humain et met tout en œuvre pour l’enrôler dans ses légions. Arrière plan : Récit du parcours d’un jeune homme banal qui finira SDF, de ces malheureux qu’on croise parfois dans nos ville, apparemment « fous », parlant tout seul, vivant dans un monde intérieur complètement hors de la vie des passants qui s’écartent à sa vue…
Voici grosso modo, le résumé de ce roman, tel que je pense l’avoir compris. Des bouquins incompréhensibles j’en ai lus, mais celui-ci mérite un prix car il frôle même l’illisible ! Du moins est-ce mon avis et je vais tenter de m’expliquer.
« Toi qui entre ici abandonne toute espérance » la citation de Dante n’a jamais résonné aussi lugubrement.
Le roman n’a pour ainsi dire, ni début, ni fin, le lecteur tombe dedans et après…. Soit il regagne la rive après quelques pages et se sauve en courant, soit pris par le courant et tout en se débattant, il essaie désespérément de ne pas se noyer, ignorant les trucs affreux et nauséabonds qui flottent à ses côtés, clignant des yeux, recrachant les dégueulasseries ingurgitées contre son gré, se cramponnant à une idée fixe, le texte n’est pas si long que ça, le calvaire finira par cesser.
Tout le roman n’est qu’une longue litanie diabolique. Le démon, narrateur, s’adresse à sa victime, lui serinant sans cesse son programme « j’ai juré d’entraver l’humanité dans toutes ses entreprises et de veiller à ce que ses fils et ses filles, (…), demeurent à jamais des animaux, à jamais des esclaves. » Pour ce faire, il lui rabâche aux oreilles et avec force détails, toutes les turpitudes et horreurs commises par les hommes (violences sexuelles, tortures, crimes, sur des adultes ou des enfants etc.), prévenant que tout cela n’est rien comparé à ce que lui, et ses affidés sont capables de faire.
Tout le bouquin est fait de cette liste de crimes et j’ai pensé à certains textes de Sade, ceux de ses plus « gratinés » ou bien aux tableaux de Jérôme Bosch, le tout déployé sur un ton proche de certains romans de Maurice G. Dantec, froid, clinique, inexorable. Nous ne sommes pas dans un thriller d’horreur, l’écrivain ne cherche pas à faire monter la tension, la libérant par des scènes gore ou effrayantes, non, il déroule par la bouche du démon, l’insoutenable réalité des horreurs commises chaque jour par des humains, votre voisin (qui viole ses enfants), cet autre ailleurs qui assassine une femme dans une ruelle sordide… Et tous ces crimes s’empilent, s’empilent… le démon n’hésitant pas à recourir à la répétition pour enfoncer son clou dans le crâne de sa victime qui endure, sombrant chaque jour un peu plus.
J’arrête là, je vois que vous n’avez plus rien à vomir. Vous avez compris, le monde est affreux, les humains sont les marionnettes du Mal et les « bons » ne sont que des recrues à venir. Les mortels ne doivent pas rechercher la société, ils doivent vivre seuls pour moins souffrir car l’amitié et l’amour n’existent pas.
Au sortir d’une telle lecture/expérience la vraie question que je me pose n’est pas de quoi parle ce bouquin exactement ? Mais plutôt, quel genre de cerveau peut concevoir un tel roman ? Jason Hrivnak me fiche une trouille d’enfer et certains détraqués diront que Satan l’habite.