L’intimité d’Alice Ferney

Par Krolfranca

L’intimité

Alice Ferney

Actes Sud

Août 2020

356 pages

Quel cheminement étonnant !

J’ai démarré ce livre sur les chapeaux de roue, je retrouvais l’écriture sensible de cette auteure dont j’avais tant aimé Grâce et dénuement ou Conversation amoureuse, et pendant la moitié du livre, j’ai aimé suivre Alexandre (tour à tour émouvant, agaçant, amusant, subtil, patient), Sandra (une féministe au grand cœur), Ada (celle qui est morte trop tôt). Mon cœur a été malmené, d’entrée de jeu, par un trop-plein d’émotions. Je reprenais le roman avec plaisir, l’amitié qui se tissait entre Sandra et Alexandre était intéressante. La recherche sur un site de rencontres de la femme idéale pour Alexandre, qui avait perdu la sienne quelques années auparavant dans des circonstances dramatiques, m’a fait sourire.

Et puis j’ai eu l’impression que l’auteure changeait radicalement de manière de narrer son histoire. Exit la matière romanesque, bonjour Internet et ses sites d’information, ses forums. J’ai subi des pages entières d’extraits de sites dont je n’avais cure et j’ai commencé sérieusement à m’ennuyer et à m’agacer. L’aspect didactique m’a gênée.

Où l’auteure m’emmenait-elle ? Sur quelle voie ? Vers quelles démonstrations ? Asexualité, désir d’enfant, PMA, FIV, GPA et tous les poncifs qui vont avec.

Alexandre avait disparu, nous n’étions plus que dans l’esprit d’Alba, une femme présentée comme un bloc de glace, qui n’accepte de fondre qu’au contact des enfants, j’étais perdue, Alice Ferney m’avait égarée en route. J’ai usé et abusé de la lecture en diagonale.

Mais dans le dernier quart du roman, on assiste à une partie de bras de fer, certes en douceur, avec parfois de belles pages, mais on lit pour savoir qui gagnera ce combat. On assiste aux arguments des pro et des contre GPA. On garde sa propre conviction, même si elle ne s’appuie sur aucune certitude. Bref, on lit tout jusqu’au bout parce qu’on veut savoir ce que ce couple va finalement décider et… on reste sur sa faim. Alice Ferney termine son roman par une pirouette, certes plutôt finement vue mais une pirouette quand même.

On reste avec des questions : pourquoi désire-t-on un enfant ? et pourquoi voulons-nous à tout prix qu’il soit de nous ? qu’est-ce qu’être mère ? Peut-on l’être sans avoir porté l’enfant ? Peut-on confondre maternité et gestation ou au contraire doit-on les dissocier ? Est-ce qu’une femme exerce sa liberté lorsqu’elle décide de faire appel à une femme porteuse ? Et quelle est la liberté de celle qui accepte de porter l’enfant d’une autre ? Bref, des tas de questions qui suscitent des réponses diverses et variées, des querelles entre amis… La science est-elle toujours un progrès ? Les personnages de ce roman sont tiraillés entre leurs doutes, leurs certitudes et leurs contradictions. Le lecteur aussi.

Pour conclure, j’ai eu un gros passage à vide au milieu du roman mais, globalement, j’ai été plutôt intéressée par le sujet, parfois agacée par les comportements des personnages mais plus on progresse dans le livre et moins les personnages sont importants. C’est ce que je peux reprocher au roman : avoir laissé trop de place à la théorie, aux réflexions, aux démonstrations au détriment de l’aspect romanesque.