Gabrielle Wittkop née Gabrielle Ménardeau (1920-2002), est une femme de lettres française et traductrice. Elle est l'auteure d'une littérature dérangeante, macabre, bien souvent au-delà de toute morale. Son style, ainsi que ses centres d'intérêt (thanatos, sexe, identité de genre, étrangeté) apparentent son œuvre à celles du Marquis de Sade, de Villiers de L'Isle Adam, de Lautréamont ou d'Edgar Allan Poe. Elle rencontre dans le Paris sous occupation nazie un déserteur allemand homosexuel du nom de Justus Wittkop, âgé de vingt ans de plus qu'elle. Ils se marient à la fin de la guerre, union qu'elle qualifiera d'« alliance intellectuelle », elle-même affichant à diverses reprises son homosexualité. Le couple s'installe en Allemagne où Gabrielle Wittkop vivra jusqu'à sa mort d’un probable suicide ( ?) atteinte d’un cancer au poumon.
Le Nécrophile a été publié pour la première fois en 1972 et fut longtemps introuvable. Le titre de l‘ouvrage est assez explicite pour ne pas surprendre un lecteur étourdi qui s’y aventurerait par hasard mais s’il en est qui ne connaissent pas ce terme, ce qui pourrait les choquer par la suite, en voici la définition du Larousse : la nécrophilie est la satisfaction des pulsions sexuelles sur un cadavre. Maintenant que les choses sont claires pour tout le monde, venons-en à la chronique de ce roman, délicate vous en conviendrez.
Lucien est antiquaire à Paris. Un traumatisme remontant à sa jeunesse a fait de lui un nécrophile et il ne trouve la jouissance qu’avec des cadavres fraichement enterrés qu’il va chercher dans les cimetières parisiens pour les ramener chez lui, puis, après un laps de temps variant en fonction de la décomposition des corps, il les balance à la Seine. Dans son journal intime, il relate ses amours très particulières…
J’ai découvert Gabrielle Wittkop depuis peu, pour tout vous dire attiré par ce livre mais assez effrayé par son contenu pour commencer par un autre de ses livres pour voir à qui j’avais à faire. Je ne vais pas vous le cacher, ce roman m’a fortement impressionné. Tout d’abord par son sujet, évidemment. Qui publierait un tel livre aujourd’hui ? Qui prendrait ce risque ? Lucien ne choisit pas ses proies, il prend ce qui vient d’être enterré, donc hommes, femmes, enfants, jeunes, vieux, tout y passe ! Et les détails abondent, les sexes glacés, le parfum de bombyx des cadavres etc. C’est épouvantable…. Mais, c’est là que se situe mon deuxième point d’émerveillement, plus positif celui-ci, l’écriture. Quel style ! Le bouquin est très court, tout y est finement ciselé, dans une langue admirable de beauté, réussissant (presque) toujours à nous faire oublier l’ignominie des actes.
L’auteure, sans parti pris ou jugement moral, livre son histoire, celle d’un homme épris d’amour fou (dans tous les sens du terme) pour ces morts, qu’il cajole, vénère, aime physiquement et quasi spirituellement pourrait-on dire. Certains passages sont d’une beauté et d’une élégance rare, laissant le lecteur halluciné car partagé entre son admiration pour le style de Gabrielle Wittkop et l’horreur de ce qu’en arrière plan son cerveau enregistre de ce qu’il lit réellement.
Immoralité, érotisme, pornographie, chacun aura sa grille de lecture, mais quand c’est écrit ainsi, ces qualificatifs ne veulent plus rien dire car trop réducteurs. Un roman très spécial, pour les lecteurs curieux et avertis, amateurs de très belle écriture.