L'Enfant de la prochaine aurore de Louise Erdrich,
Publié aux éditions Albin Michel,
Dans le sillage d'une apocalypse écologique qui menace l'équilibre de la vie sur terre, l'évolution des espèces s'est brusquement arrêtée. C'est dans ce contexte instable et inquiétant, alors qu'un gouvernement totalitaire a pris les rênes des États-Unis et impose aux femmes enceintes de se signaler auprès d'un centre dédié, que Cedar Hawk Songmaker, 26 ans, apprend qu'elle attend un bébé. Cette jeune Indienne, adoptée à la naissance par un couple de Blancs progressistes, décide alors d'aller rencontrer pour la première fois sa famille biologique, installée sur une réserve dans le nord du Minnesota, et comprend que les membres de l'" Église de la Nouvelle Constitution " désormais au pouvoir portent un intérêt tout particulier à l'enfant qu'elle porte.
Face à la désintégration de ce qui constituait le quotidien ordinaire des Américains, et déterminée à protéger coûte que coûte son bébé, elle se lance dans une fuite à travers le pays, sans savoir s'il existe encore un lieu sûr où se réfugier.
Louise Erdrich est une auteure américaine que je voulais découvrir depuis longtemps. Elle me fait beaucoup penser à Joyce Carol Oates ou encore Margaret Atwood par ses propos engagés en faveur des femmes ou de la nature. SI vous aimez les deux romancières citées précédemment, alors le nouveau roman de Louise Erdrich est fait pour vous.
L'auteure nous propose ici une fable moderne, un roman contemporain qui flirte avec le roman d'anticipation et la dystopie. Cedar est enceinte de quelques mois. D'origine indienne, adoptée par un couple de blancs à sa naissance, elle souhaite rendre visite à sa mère biologique pour lui poser des questions sur son héritage. Cedar se sent bien avec cette nouvelle famille qui porte un intérêt important à son futur bébé. Dans le même temps, les USA bascule dans une sorte de régime totalitaire: les frontières sont fermées, Internet coupé, la télé ne diffuse plus qu'une seule chaîne d'informations. Pire que tout: les femmes enceintes doivent se signaler à l'administration car il semblerait qu'une apocalypse biologique se forme. Dans ces conditions, Cedar préfère vivre dans la clandestinité et cacher son futur bébé...
Dans ce roman, l'auteure s'attaque à deux axes importants. D'abord l'identité, l'origine. Alors qu'elle s'apprête à devenir mère, Cedar cherche à savoir qui elle est, d'où elle vient et c'est bien normal tant le fait de devenir parent nous renvoie à notre propre enfance. Pourquoi a-t-elle été abandonnée? Comment peut-elle vivre ses origines indiennes alors qu'elle a été élevée par des blancs? Louise Erdrich traite ces questions de l'identité avec pudeur et sincérité. La rencontre avec sa nouvelle famille sera étrange mais pleine d'amour.
Il y a ensuite le côté dystopique du roman qui m'a énormément plu. Par petites touches, le lecteur comprend que la société américaine bascule peu à peu dans une dictature où les femmes, comme toujours, sont les premières victimes. On comprend d'abord que les femmes ne parviennent plus à mettre au monde d'enfants et que les bébés survivants sont rares. Les dirigeants cherchent à contrôler cette apocalypse biologique en parquant les femmes enceintes dans des hôpitaux jusqu'à leur accouchement. Que deviennent-elles? Et leur bébé? Certaines femmes sont mêmes réquisitionnées pour leur utérus afin de mettre au monde le plus possible de bébés. Louise Erdrich nous fait pénétrer dans un monde glaçant où les femmes sont, une fois de plus, les jouets d'un monde devenu fou. En lisant ce roman, j'ai véritablement eu des montées d'angoisse. Il y a notamment une scène à l'hôpital d'une rare intensité. En nous livrant ce récit, l'auteure nous pose les bonnes questions. A la place de Cedar qu'aurions-nous fait? Aurions-nous cédé ou résisté? Dans quel camp serions-nous tombés?
Louise Erdrich choisit la forme du journal intime pour raconter son histoire. On est au plus près de Cedar, poursuivie, kidnappée, fuyant le danger, se retrouvant face à des situations d'une violence extrême. C'est fort et puissant. Il y a aussi des moments plus complexes où l'auteure nous perd un peu dans le fil des pensées du personnage mais c'est pour mieux rebondir par la suite et nous renvoyer dans les cordes, sonné, tel un boxeur proche du K.O. Je défie enfin quiconque de ne pas trembler à la lecture du dernier chapitre, d'une intensité rare!
" L'enfant de la prochaine aurore " est un roman qui ne vous livrera par toutes les clés et dont de nombreuses questions resteront sans réponse mais sa force et son intensité sauront vous parler.