A l'ombre du monde, tome 1 : Eric Costa et Raquel Ureña

Par Marie Kacher
A l’ombre du monde1, Eric Costa

 Editeur : Autoédition

Nombre de pages : 553

Résumé : Une île grecque, un peu avant minuit. Ariane, sa fille et son mari se retrouvent enfin seuls sur la plage féerique de Myrtos. Lorsque la jeune historienne sort de l’eau, et qu’elle cherche les siens en vain, elle croit d’abord à une mauvaise plaisanterie. Mais quand toutes les preuves attestent qu’elle a voyagé seule et n’a jamais eu ni enfant ni mari, il ne reste que deux explications possibles. Soit elle a rêvé sa vie, soit on la lui a effacée. À moins de trois cents kilomètres de là, un homme accède à la plus haute fonction d’une Confrérie occulte. Il va enfin pouvoir se venger…

 Un grand merci à Eric Costa pour l’envoi de ce volume.

- Un petit extrait -

« Elle se déconnecte du réseau Wifi, se connecte à nouveau dans l'espoir d'une intervention divine du Cloud.

Rien.

Plus aucun souvenir.

Elle se connecte à ses différentes boîtes email et fait le même constat. Aucun mail lié de près ou de loin à Edrielle ou Damien. »

- Mon avis sur le livre -

 Quels bienfaits voyez-vous dans la lecture ? ai-je récemment demandé aux participants de mon challenge annuel. Globalement, les mêmes éléments sont revenus tout au long de la discussion : la lecture nous fait rêver et voyager, elle nous permet de nous évader du morne quotidien pour vivre mille et une aventures fantastiques, elle nous apporte des connaissances nouvelles et nous aide à diversifier notre vocabulaire, elle créé du lien social en invitant aux échanges et au partage … Mais je crois que nous avons oublié de préciser que la lecture nous apprend également la patience ! Il faut en avoir, croyez-moi, quand vous savez qu’un livre que vous avez incroyablement envie de découvrir vous a été expédié, mais que le facteur arrive bredouille jour après jour ! L’imagination fertile du lecteur élabore alors mille et un scénarios catastrophes, et espère qu’il ne s’agit que d’un simple retard et non pas d’une perte dans les méandres obscures de la Poste ! Et quand enfin le livre arrive à destination, quand le lecteur peut enfin le lire avec délectation … il lui faut ensuite attendre la sortie du tome 2 ! Malédiction !

Imaginez … Vous êtes en vacances en Grèce avec votre mari et votre fille de sept ans. Tandis que minuit approche, vous vous trouvez tous les trois sur une plage désertée. Sur l’insistance dudit mari, vous vous laissez convaincre d’aller vous baigner quelques minutes. Vous savourez l’instant. Et quand vous sortez de l’eau … Votre mari et votre fille ont disparu sans laisser la moindre trace. Pire encore : ils semblent avoir été effacés de votre vie. Administrativement, ils n’existent pas. Aucune photo d’eux dans votre téléphone portable. Vos voisins eux-mêmes affirment que vous avez toujours été célibataire. Et votre médecin de famille glisse à l’oreille des policiers que vous souffrez de troubles psychotiques et délirants … C’est ainsi qu’Ariane, autrice d’un unique best-seller depuis longtemps oublié du public, se retrouve seule contre tous. Car elle en est persuadée : elle n’a pas rêvé l’existence de son cher et tendre Damien, ni la naissance de sa douce et rêveuse Edrielle ! Elle en est convaincue : ils ont été enlevés. Il ne lui reste plus qu’à découvrir par qui et déterminer pourquoi … Plus facile à dire qu’à faire, surtout quand on soupçonne une société occulte méconnue et toute puissante.

A chaque nouveau livre d’Eric Costa que je lis, je me dis invariablement « celui-ci, c’est le meilleur, il ne pourra pas faire mieux » … Et à chaque fois, je me leurre, car systématiquement, le suivant est meilleur que le précédent ! Je dirai que le plus extraordinaire, c’est qu’il parvient à mêler habilement l’adage « on prend les mêmes et on recommence » avec une incroyable exigence de nouveauté … Ainsi, même sans le savoir, j’aurai pu deviner qu’il s’agissait « d’un Eric Costa », car on y retrouve ses éléments de prédilection : une héroïne qui se retrouve au cœur d’une intrigue qui la dépasse, une sorte de quête au trésor matinée d’énigmes, des références à la mythologie grecque, sans oublier bien sûr son gout prononcé pour l’alternance de points de vue. Sur ces points, le lecteur fidèle est en terrain connu, mais sur le plan de l’histoire, il est en terre inconnue : il ne sait pas du tout ce qui l’attend derrière cette couverture sobre et mystérieuse. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas à attendre bien longtemps pour le découvrir : ça commence fort, très fort. Au bout de quelques pages, les dés sont lancés : Ariane se retrouve seule avec sa peine, sa peur, mais surtout ses certitudes. Elle sait pertinemment qu’elle n’est pas folle et que son mari et sa fille ont réellement existés !

Et Ariane est bien décidée à les retrouver, quoi qu’il en coute. On éprouve beaucoup de peine et d’admiration pour cette jeune femme, qui ne demandait rien d’autre que passer quelques jours de vacances avec sa petite famille, et qui malgré l’horrible épreuve qui lui tombe dessus ne va jamais baisser les bras, ne va jamais abandonner. Va oser aller plus loin que la pragmatique rationalité pour dénouer les fils de ce mystère, sans savoir ce qui l’attend au cœur du labyrinthe. Poussée par cet amour qui brûle en elle, portée par cet instinct maternel qui lui déchire les entrailles, Ariane ne laissera rien ni personne se dresser au travers de son chemin : ni les menaces d’internement de sa médecin, ni le manque de considération du commissaire Radès, ni même le scepticisme prononcé de son seul soutien lorsqu’elle s’appuie sur les rêves de sa fille pour orienter ses recherches. Car notre société contemporaine a érigé la rationalité au rang de divinité pour écraser toute forme de croyance ou de mysticisme, critiquant plus ou moins ouvertement tout ce qui n’est pas issue de la sacro-sainte science … C’est un paradoxe qui m’a toujours intriguée : comme notre époque rejette tout ce qui ressemble de près ou de loin à la religion, tout en mettant toute sa foi dans la technologie.

Mais ce que ce roman met en évidence, sous couvert de la fiction mais suite à des recherches que je sais très pointilleuses, c’est qu’aujourd’hui encore, les sociétés et organisations secrètes, ésotériques et mystiques sont légions. Et elles ne sont pas désertées : il ne s’agit pas de petits groupuscules de cinq ou six illuminés, non, des centaines de milliers d’individus y sont rattachés … Et il ne s’agit généralement pas de petites gens comme vous et moi, non, ce sont les puissants de ce monde qui se pressent dans ces réunions matinées de rituels et de prophéties. Ces mêmes puissants qui s’efforcent de reléguer la religiosité le plus loin possible de la sphère publique. Surprenant, n’est-ce pas ? Vous me direz, « ce n’est que de la fiction, voyons ». Si vous voulez, si vous voulez. Il n’empêche, qui nie l’existence de la Franc-maçonnerie ? Personne. Alors pourquoi nier l’existence d’autres organisations plus discrètes, qui tirent justement leur pouvoir de cette invisibilité, de cet anonymat savamment entretenu, y compris en s’attirant la protection d’une organisation autrement plus puissante qu’elles ? Tandis qu’Ariane s’efforce de convaincre son compagnon de route du bien-fondé de ses intuitions, le lecteur découvre l’envers du décor, passe de l’autre côté du miroir, et révélation après révélation, il comprend que notre pauvre héroïne est impliquée sans le savoir dans un ensemble qui la dépasse de loin …

Et c’est justement cet entremêlement de deux intrigues qui rend cette histoire absolument palpitante : d’un côté, nous suivons la quête désespérée de cette jeune maman seule contre tous, de l’autre, nous suivons l’ascension et l’ambition d’un adepte de la si insaisissable Confrérie qui se trouve au seuil d’un tournant historique. Chapitre après chapitre, la tension monte, la pression monte. On en oublie de respirer profondément, on sent notre cœur qui s’emballe, on tremble même d’excitation ou d’appréhension parfois. On se demande comment tout cela va bien pouvoir se terminer, on se demande où les auteurs veulent nous mener. Ils nous promènent, de musées en bibliothèques, de centres de recherche en hauts-lieux archéologiques en passant par une maison d’enfance emplie de souvenirs … Que d’action, je vous le dit ! Mais ce thriller ésotérique – posons-le définitivement – est aussi un vrai trésor pour tous les passionnés de mythes anciens, pour les amoureux de l’histoire de l’art et de l’architecture sacrée. Vous n’imaginez même pas tout ce que j’ai appris en lisant ce livre ! Un peu plus, et je prenais des notes pour compléter certains de mes cours – pour ceux qui l’ignorent, je suis étudiante en théologie catholique ! Et si certains seront peut-être rebutés par toutes ces « cours magistraux », je trouve personnellement qu’ils font toute la différence : quel régal !

En bref, vous l’aurez bien compris, j’aurai encore bien des choses à dire pour tenter de vous expliquer comment et pourquoi ce livre est devenu mon premier coup de cœur de l’année 2021 ! Mais le temps, la place et les mots de manquent, alors je vais me contenter de vous conseiller vivement de vous procurer aussi vite que possible cet extraordinaire roman, et de vous bloquer une après-midi ou une journée entière pour pouvoir le dévorer sans être interrompu. Préparez-vous quelques snacks faciles à grignoter d’une main, ne buvez pas trop de thé pour ne pas avoir d’envie pressante, car une fois que vous aurez ouverts ce livre, vous ne pourrez pas le reposer avant d’avoir terminé ! Et si vous le faites, votre esprit ne sera pas tout à fait à ce que vous devrez faire : il continuera de cheminer aux côtés d’Ariane, et vous ressentirez sans cesse l’envie irrésistible de le rouvrir, « juste pour un chapitre » … C’est un vrai page-turner, une histoire admirablement haletante, trépidante, mais aussi poignante, émouvante, sans oublier captivante, intéressante. Le seul « défaut » que je peux lui trouver … c’est que le deuxième tome ne soit pas encore sorti en version papier, c’est une vraie torture de ne pas pouvoir me ruer sur la suite, car la fin n’est que frustration !