A Besançon et Paris durant la Première guerre mondiale. Le Milord, un jeune voyou rêvant de grands coups comme son aîné et mentor, l’Edredon, abandonne sa fiancée Melle Savonnette à Besançon, pour monter à Paris et y retrouver sa bande…
Roman d’amour, de quête d’exploits et de rédemption dans le monde des petits marlous des débuts du XXème siècle. A l’époque le livre fit scandale car il présentait les Français sous un angle peu favorable – nous étions alors en pleine guerre – avec des hommes tentant d’échapper à la conscription ou vivant aux crochets de femmes de petite vertu, quant aux soldats ils ne sont guère mieux dépeints, pas très vaillants ou blessés.
Revenu à Paris, le Milord va vite déchanter, sa bande (Nénesse, Mes Fesses, Polka-le-boiteux…) est aux abonnés absents, bricolant de-ci de-là, l’époque n’est plus aux affaires d’envergure, tout le monde fait profil bas et vivote comme il peut. Le Milord tentera pourtant de percer, nourri des belles paroles de l’Edredon qui l’avait formé mais à part voler les économies d’une petite vieille recluse chez elle, rien de mirobolant. Sa rencontre avec Winnie, une Anglaise un peu artiste écrivant un roman, lui redonne un peu de baume au cœur, mais leurs rapports sont ambigus ; elle lui refile quelques billets quand nécessaire, tout en l’observant vivre, sujet de son prochain ouvrage peut-être, puis des débuts de sentiments vont naitre. De son côté le Milord, qui se la joue gros bras, pense encore à Melle Savonnette ce qui le déconcerte, un vrai mec ne peut être amoureux. Déçu par sa vie, il finit par s’engager dans l’armée mais très vite légèrement blessé il est rapatrié à Besançon où le rejoint Winnie. Le Milord, Winnie, Melle Savonnette, dans cette petite ville, notre héros l’esprit fracassé par ce dilemme existentiel, rêve de liberté et d’actions d’éclat (c'est-à-dire la force) ou bien de vie rangée avec celle qu’il aime, il l’a compris (c'est-à-dire la faiblesse) le poussera au drame. Mais avant l’épilogue fatal il aura le temps de déconseiller à un gamin plus jeune que lui et l’admire, de renoncer à ses ambitions de vie de voyou…
Ces vieux romans font toujours travailler mon imaginaire en parallèle à ma lecture, ranimant des souvenirs de films en noir et blanc aux acteurs prestigieux, ou me ramenant à mon enfance dans le Paris des années 50 qui avait conservé les traces de ces époques révolues. Donc un bon bouquin pour moi.
Seule déception, Francis Carco prend le parti – et c’est son droit absolu – de transcrire les dialogues avec les sonorités typées des protagonistes : un mauvais français pour Winnie l’Anglaise et la langue très populaire et argotique des autres acteurs : résultat, la lecture souffre de ce texte heurté. Mais me direz-vous, ça fait plus réaliste. Certes.