La Vision n'est pas exactement humain, parlons plutôt de prodige de la science, de robot très avancé. Du coup, quand il devient un danger potentiellement public et international, pas besoin de prendre de gants et d'en arriver à un meurtre, il suffit de s'en emparer, et de le démonter! Pardi, il fallait y penser. Bon, ce n'est pas exactement du goût de son épouse, la Sorcière Rouge, qui un beau matin se réveille seule dans un grand lit vide (son mari a t-il aussi la fonction radio réveil, en temps normal?) et part à la recherche de l'androïde qui semble avoir mis les voiles. Les deux amants sont alors membre des Avengers West Coast, une équipe et une série qui viennent de subir un sérieux lifting avec l'arrivée de John Byrne. Scénariste et dessinateur de grand talent, ultra prolifique au point de gérer en parallèle des tas de titres, dans les années 80/90, Byrne imprime sa marque tout de suite, avec une saga qui frappe les esprits. La Vision en pièces détachées! Certes, il est possible de le reconstruire (Hank Pym est très fort avec un tournevis) mais un virus a été introduit dans tous les ordinateurs du monde, y compris ceux des Vengeurs, et toute trace de la Vision a été effacée. Techniquement donc, il est possible de rafistoler l'animal, de le rendre intègre et sur pieds à la charmante Wanda. Mais pour ce qui est de ce "supplément d'âme" qui en faisait plus qu'un super grille pain futuriste, rien à faire. La Vision peut même retrouver ses souvenirs et ses bases de données grâce à de récentes sauvegardes, mais pas ces sentiments, cette humanité, qui lui étaient propre, et qui l'avait amené à tomber amoureux de la Sorcière Rouge. Au passage, même ces caractéristiques n'étaient pas siennes, mais une copie de la personnalité de Simon Williams, aka Wonder Man, alors considéré décédé, par erreur. La nouvelle vision fait froid dans le dos. Même reconstruit, le synthézoïde est à nouveau une machine avant tout. Pas de sentiments, une froideur métallique jusque dans le timbre de la voix, aspect extérieur spectral et privé de la moindre couleur, impossible de partager une relation commune avec ce genre de robot. La situation est d'autant plus pesante que Wonder Man refuse de se prêter au jeu du transfert de personnalité, lui qui est de surcroît amoureux de Wanda Maximof. Un amour logique puisque si la Vision, guidée par la personnalité de Simon, avait fini par désirer la belle Sorcière, son modèle de départ risquait fort d'éprouver la même passion. Wanda prend très mal la chose et commence à manifester une instabilité préoccupante, jetant même toute une falaise sur les épaules de son prétendant, qui a l'audace de se soustraire à ce qu'elle estime quelque chose de naturel. Pour corser le tout, elle est enlevée par une mystérieuse organisation eugéniste, noyautée par des forces primordiales mutantes, qui lui lave le cerveau et la persuade de la nécessité de la disparition de l'homo sapiens, au profit du mutant "superior". John Byrne alterne scène de soap opéra avec le superhéroïsme le plus pur et dur, et ça marche. Les sous-trames abondent, les coups de théâtre se succèdent, pas un seul instant de répit, ni de décompression extrême, c'est un train lancé à vive allure, qui file vers la catastrophe, le délitement d'un mariage, et la folie d'un personnage qui risque de tout perdre, y compris ses deux enfants qui n'en sont pas vraiment... Byrne gère aussi le dessin, avec une clarté et une souplesse dans le trait qui en font un excellent représentant du mainstream des années 80. C'est agréable, percutant, mouvementé, c'est du comic-book, c'est la vie. Tout ceci est à retrouver (entres autres possibilités) dans le récent volume de la Epic Collection, en Vo, intitulé West Coast Avengers : Vision Quest. Totalement indispensable.
Retrouvez nous 24h/24 www.facebook.com/universcomics