De retour en France à Angers, sa ville natale, après un long séjour en Russie où son époux était en poste, la narratrice se lance dans une redécouverte de la cité mais avec un regard bien particulier, y découvrir les traces - si elles existent - de ceux qui y vécurent jadis. Sa quête va s'avérer plus qu'étrange puisque lorsque traces il y a, c'est sous la forme d'esprits taquins qu'elles se manifestent...
Le roman se présente sous la forme d'une succession de petits textes, pour ainsi dire des micro-nouvelles, racontant chacune une mésaventure proche d'un apparent fantastique où des esprits se manifestent aux quatre coins de la cité angevine. Si vous habitez la ville, ou la connaissez bien, cette promenade pittoresque devrait vous amuser. Pour mettre un peu de sel dans son scénario, l'auteure nous fait croire que certaines de ses enquêtes sont faites d'après des articles de presse non publiés, dont elle aurait eu connaissance.
Vous serez donc étonné d'apprendre que le fantôme d'Henri Dutilleux (compositeur de musique classique né en 1916 à Angers et mort en 2013 à Paris) est apparu aux yeux de musiciens amateurs répétant au Conservatoire ou bien qu'on a retrouvé le chapeau et des messages écrits sur le tableau d'une classe, où il enseigna, par le philosophe Henri Bergson (1859-1941). Tous ses revenants ne sont pas aussi célèbres, il y a même d'illustres inconnus et dans certains cas, des faits étranges sans trace tangible d'esprit. Ici un planeur incontrôlable qui atterrit sur la piste d'un aéroport désaffecté de la ville, là un piano qui joue tout seul quand sa propriétaire est absente...
Si l'idée de base du roman est excellente, sa réalisation est d'un niveau plus modeste il faut être franc. L'écriture mince et tirant à la ligne, le souffle court des récits, le manque d'épaisseur de l'ensemble, réservent ce livre timide à un public peu exigeant.
Il y a néanmoins des points intéressants, la coloration poétique parfois (voir le chapitre Le Parc Balzac), les courtes informations historiques liées à la ville ou ces petits détails qui raviront les locaux (" A la bibliothèque Toussaint, les ouvrages sur l'histoire d'Angers ne manquent pas. "). J'ai dit que l'idée de base était bonne car derrière ces récits souriants de fantômes, se profile une réflexion qui ne manque pas d'attrait : n'ayons pas peur des morts, craignons plutôt certains vivants, des morts qui demandent " qu'on ne les oublie pas, qu'on les laisse se promener dans des lieux qui furent les leurs ou qu'ils ont aimés, tout simplement. "
Des morts parmi les vivants, des esprits qui manifestent leur présence, une narratrice qui ne s'en offusque pas et l'accepte avec sérénité, quand on connait la place de l'Afrique dans le parcours de l'écrivaine, sans verser dans le cliché facile, la boucle est bouclée ?
" Je suis allée moi-même me promener au Parc Balzac, le long de la Maine. Là-bas, il y a des lapins. Des ânes aussi, et d'autres animaux qui paissent tranquillement dans leur enclos. Balzac n'y est pas bien sûr, vous vous en doutez, mais si vous vous promenez le soir, comme je le fais moi-même parfois, un peu avant la tombée de la nuit, lorsque les berges de la Maine redeviennent calmes et même désertes, vous aurez le sentiment confus d'être seul sans l'être tout à fait. Certains disent voir souvent sur un banc un homme assis. Rêve-t-il ? Lit-il ? On ne le sait pas. Peut-être écrit-il ? On voit sa silhouette de loin, et puis si l'on approche, le banc apparaît vide, comme si une ombre s'était effacée. "