Sexe sans complexe de Bérangère Portalier (texte) et Frédéric Rébéna (illustrations), paru chez Actes Sud Junior en 2016
En cherchant des documentaires pour compléter le fonds d’un CDI, je suis tombée sur une sélection très sympathique, et c’est de l’un de ces ouvrages dont je viens vous parler aujourd’hui. Sur un thème parfois encore trop tabou, pas assez abordé à l’école, pas assez dans les familles et sur lequel on peut trouver tout et n’importe quoi sur internet : la sexualité, notamment les premiers instants dans l’adolescence.
Si le sujet est tabou, on trouve quand même pas mal de littérature sur ce thème, notamment documentaire, et bien faite pour les ados. Mais on ne les met pas souvent en avant parce qu’on estime que c’est un sujet intime et que les ados n’ont qu’à se débrouiller entre eux pour trouver des réponses à leur question. Erreur. Car les solutions trouvées sur internet ou avec les ami(e)s ne sont pas souvent des plus fiables. Je vous propose donc aujourd’hui un documentaire simple, court, abordant une multitude de thèmes importants, et tout ça sans tabou ni complexe.
La couverture de Sexe sans complexe est claire et s’accorde parfaitement avec le titre : de jolies scènes d’adolescents s’embrassant, se caressant, vivant des moments intimes et de plaisir. Voilà, la couleur de l’ouvrage est affichée, pas de tabou ici. Dès la couverture on retrouve même des relations homosexuelles, ça fait du bien de voir tant de normalité affichée au grand jour.
Ce documentaire est assez complexe à décrire au premier abord, car malgré ses chapitres définis, il n’est pourtant pas des plus carrés. Car un thème abordé dans l’un des chapitres, peut l’être également dans un autre. Certains chapitres se fondent les uns dans les autres, se suivent bien comme il faut par rapport à leur thème, pour d’autres c’est moins évident. Ce ne sont pas non plus uniquement des chapitres comme « le préservatif », « la contraception féminine », mais avec des thèmes plus subtils tels que « la mécanique du désir », « quand être un homme ou une femme est un labyrinthe ». Cependant, ce qu’on peut en retenir, c’est qu’il aborde, à mon sens, de nombreux thèmes très importants quand on est un adolescent en quête de son identité sexuelle et de ses premiers émois et ébats amoureux.
Y sont abordés des thèmes très classiques comme le choix de la contraception, comment mettre un préservatif, la prévention du VIH et des IST, mais également des thèmes plus intimes sur la découverte de son propre corps, de celui de son partenaire. Un halo de bienveillance englobe tout cet ensemble et à travers chaque thème abordé de nombreux maîtres mots : le respect de soi et d’autrui, être à l’écoute de son corps et de celui de l’autre, savoir écouter les opinions de tous, être ouvert d’esprit. En effet, en plus de la découverte de sa sexualité ce documentaire est un vrai hymne à la tolérance. Y sont abordés des sujets très délicats comme la découverte de son homosexualité ou de sa bisexualité, les bienfaits de la masturbation, ce que sont l’intersexualité ou la transsexualité… Des sujets rarement abordés dans les documentaires pour adolescents, ici présentés sans aucune réticence, avec beaucoup de simplicité, avec un langage qui pourra aider à décomplexer les jeunes en souffrance qui ne se comprennent pas bien eux-mêmes.
Un point très appréciable : au fil des pages, l’autrice insiste en continu sur l’acceptation de soi et la beauté de la différence. Un chapitre est même consacré à ce que l’on appelle les canons de beauté. Evidemment pas pour définir ce qu’est un canon de beauté, mais pour faire comprendre que cela n’existe pas ! Non seulement cela varie tellement selon les époques, que cela ne sert à rien de vouloir se conformer à un type car une fois arrivé à ses fins on a de fortes chances de devoir changer les codes, mais également qu’il faut de toute façon de tout pour faire un monde car chacun a ses propres goûts. Par exemple, en ce qui concerne les filles, l’autrice insiste sur le fait que beaucoup de garçons hétérosexuels préfèrent « avoir quelque chose à se mettre sous la main » (les filles avec des formes en somme), et pour les garçons, elle fait un point sur le complexe du pénis. Elle insiste également sur la tyrannie du groupe, le fait de devoir vivre et faire les choses pour soi-même et non pas pour se conformer à une règle afin de bien se faire voir de son groupe social.
Autres angles d’attaque essentiels également abordés dans ce documentaire, toujours avec bienveillance : faire comprendre aux jeunes que la pornographie n’est pas la vraie vie, que le sexe n’est pas une compétition entre ami(e)s, qu’avoir des fantasmes est normal, prévenir des dangers des sextapes, que les femmes ne sont pas des salopes quoi qu’elles fassent (façon de s’habiller ou nombre de partenaires sexuels), ou encore une bonne mise au point sur ce qu’est un viol. De nombreux thèmes actuels et de société, abordés avec un œil neuf, sans tabou et qui donnent les premières clefs pour ne pas se laisser sombrer du mauvais côté.
J’ai beaucoup aimé la narration. Ce documentaire n’est pas à lire de façon classique où l’on peut se référer à une section dans le sommaire pour de suite tomber sur l’objet de notre recherche. Il est plutôt à découvrir comme un roman. A lire d’un bout à l’autre, car même si certains sujets n’intéressent pas certains lecteurs au premier abord car ils estiment que cela ne les concerne pas, finalement ils pourront trouver un élément pertinent pour eux dans chaque chapitre. De plus, le vocabulaire employé est vraiment très bien adapté aux adolescents. On peut également souligner le fait qu’il soit accessible autant aux filles qu’aux garçons. Il n’y a pas de séparation pure entre ce qui correspond à un sexe ou à l’autre, mais une fusion des deux. Pourquoi : parce que ce documentaire le dit clairement, il faut que les hommes comprennent comment fonctionnent les femmes et vice-versa. Ainsi, quand l’un des deux sexes cherchera une réponse à une question pour lui-même, à travers sa lecture il tombera forcément sur un indice du fonctionnement de l’autre sexe, qu’il ne cherchait pas nécessairement, mais qui ne pourra que lui être bénéfique pour ses futures relations.
Le petit plus du concept : au début de certains chapitres, des citations pour aider les jeunes à se décomplexer. Mais pas des citations de grands sages ou sexologues. Des phrases, souvent humoristiques, tirées de références que les jeunes connaissent très bien et qui leurs permettront de s’identifier plus facilement aux situations ensuite décrites. On a ainsi droit à des citations de Zlatan Ibrahimovic, tirées de American Pie ou Friends, ou encore de Maître Yoda ! Ma préférée : « Hé, ne te moque pas de la masturbation ! C’est faire l’amour à quelqu’un que l’on aime ! » – Woody Allen.
Sexe sans complexe est donc bien là pour décomplexer les adolescents. Leur apprendre qu’aimer leur corps est le premier cadeau qu’ils peuvent se faire à eux-mêmes et que c’est la meilleure façon d’atteindre ensuite un vrai plaisir lors de rapports sexuels. Loin d’être exhaustives, ces quelques pages offrent cependant les premières clefs aux ados pour se sentir moins seuls dans leur questionnement et leur quête d’identité sexuelle. Le glossaire à la fin est extrêmement utile, les illustrations sensuelles et pleines d’émotions, sans être jamais vulgaires ou provocantes, montrent la beauté de deux corps qui s’aiment, et la dernière page qui leur indique plusieurs sites internet utiles pour approfondir leurs questionnements est indispensable.
Conseillé à partir de 12 ans sur le site d’Actes Sud junior, je trouve que c’est peut-être un peu tôt, surtout par rapport à certains passages, au vocabulaire parfois employé et aux tournures de phrases. Surtout qu’à 12 ans, rares sont celles et ceux qui commencent à avoir une vraie vie sexuelle. Certes ils peuvent déjà trouver quelques réponses à certaines interrogations, mais je pense que d’autres sujets ne sont pas pleinement à leur portée. Personnellement je le recommanderais à partir du moment où on commence à avoir réellement envie d’une sexualité plus active, à peu près au lycée. En effet, je ne vois pas ce documentaire dans un fonds CDI de collège, mais plutôt de lycée. Mais pour contenter le lectorat collégien, je vous donne rendez-vous au prochain article avec un documentaire sur le même thème, plus adapté à leur âge !
Double bonus :
Après avoir lu Sexe sans complexe, je me suis intéressée à un autre documentaire qui m’a également beaucoup plu : Les joies d’en bas, de Nina Brochmann et Ellen Stokken Dahl, paru aussi chez Actes Sud, mais pas junior, en 2018. Trop poussé pour faire partie des rayonnages d’un CDI et peut-être un peu complexe par moment pour des ados, je ne peux pas vous en faire un article à part entière, mais je tenais tout de même à en dire quelques mots ici. Il concerne cette fois uniquement des filles puisque son but est de mieux faire découvrir à la gente féminine son sexe et tout ce qu’il recèle. Extrêmement bien fait, abordant de nombreux points, il va en décomplexer plus d’une et permet de mieux comprendre le fonctionnement de cette partie du corps trop souvent oubliée dans les cours de biologie ou d’éducation à la sexualité. Moi qui n’aie jamais eu de tabou à ce sujet et qui suis assez décomplexée pour en parler, j’ai pourtant appris de nombreuses choses et je le conseille à toutes les jeunes adultes !
Autre documentaire hyper intéressant : Jouissance club de Jüne Pla. Alors là, vraiment pas fait pour les CDI ou de trop jeunes esprits sur une partie du contenu de ce livre, mais pour le côté biologique je n’ai jamais vu nulle part ailleurs de dessins aussi précis et bien fait, de représentations de la vulve et du pénis, de l’extérieur, de l’intérieur, en coupe, de profil… bref sous toutes les coutures. Les livres de sciences des établissements scolaires devraient s’en inspirer, c’est impressionnant de clarté et vous aurez tout pour comprendre votre anatomie intime.
Joyeuses découvertes documentaires les loulous !