La Peuplade – août 2020 – 137 pages
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Diane est clouée au lit, le temps de se remettre de l’opération qu’elle vient de subir. Sa tête tourne, ses pensées se font lancinantes. Elle a l’impression que son coeur bat plus vite. Que ses iris sont plus sensibles qu’avant. Ses cheveux deviennent brusquement roux. La jeune femme demeure à l’affût de son corps. Elle dort moins, développe une endurance et une force hors du commun.
Au fil de la narration, les souvenirs de Diane émergent : ceux d’un été de son adolescence sur l’Isle-aux-Grues ; sa rencontre avec Eugène – ce garçon qui la fascinait – et sa passion pour les espèces en voie d’extinction, son désir de braver tous les dangers. Son amour de jeunesse disparu. Et à rebours, nous prenons connaissance des jours qui précèdent l’opération – des phrases longues et sans ponctuation, comme pour figurer sa vie d’avant sous apnée ; sa vie d’employée modèle qui ne semble vivre que pour le travail et pour se surpasser toujours davantage.
Le style poétique de ce roman québécois m’a d’emblée séduite – beauté de cette sauvagerie qui prend le pas sur l’humain. Le Lièvre d’Amérique prend la forme d’une satyre animalière de la société contemporaine où le travail tue l’humain à petit feu ; une société qui nous étrangle avec la sangle du quotidien. La seule échappatoire se trouve dans ce basculement de l’humanité vers l’animalité. Un roman étrangement beau et envoûtant.