A la lueur d’une étoile inconnue
Editeur : Bayard
Nombre de pages : 794
Résumé : Lors d’une mission de routine sur une planète inconnue, Kira découvre un organisme vivant d’origine extraterrestre. Fascinée, elle s’approche de l’étrange poussière noire. La substance s’étend sur tout son corps et commence à prendre le contrôle. Kira, en pleine transformation, va explorer les dernières limites de sa condition d’être humain. Mais quelle est l’origine de cette entité ? Quelles sont ses intentions ? La scientifique n’a pas le temps de répondre à ces questions : la guerre contre les aliens est déclarée, et Kira pourrait bien être le plus grand et le dernier espoir de l’humanité.
Un grand merci aux éditions Bayard pour l’envoi de ce volume et à Babelio pour avoir rendu ce partenariat possible.
- Un petit extrait -- Mon avis sur le livre -« L'organisme était un amas de contradictions. Il s'agissait à la fois d'une armure et d'une arme ; il pouvait être dur ou mou ; il pouvait s'écouler telle de l'eau ou s'avérer aussi rigide qu'une poutrelle métallique ; c'était une machine aussi bien qu'une créature vivante. »
Je n’ai aucun souvenir de lui, mais il parait que le médecin qui me suivait quand j’étais enfant avait coutume de dire qu’il fallait environ un an pour se remettre totalement d’un déménagement, et parfois bien plus, et ce même si – voire même d’autant plus que – ce changement était attendu et espéré. Etant donné que cela faisait plus d’une dizaine d’années que nous souhaitions changer de région et plus de quatre ans que nous avons lancé pour de bon le projet, autant dire que je suis partie pour une longue période « deuil migratoire ». Dans mon cas, il s’agit essentiellement d’un déboussolement total : je ne sais plus du tout où j’en suis, ce que je suis supposée faire, dans quel ordre, pour quand … Et le plus terrible, c’est que ça impacte même la lecture : il m’arrive désormais de passer plusieurs jours sans réussir à lire, alors que jusqu’à présent je me ruais sur mon roman dès que j’avais 30 secondes de libre ! Et comme si cela n’était pas suffisamment difficile comme ça, voilà que je reçois des services presse de 800 pages, c’est pas gagné !
Depuis des mois et des mois, Kira et son équipe sillonnent le moindre recoin de la planète Adrastée, analysant la moindre bactérie, la moindre particule d’atmosphère afin de déterminer si et comment cette planète pourrait accueillir une colonie humaine. A la veille de leur départ, Kira est envoyée par son supérieur prospecter le lieu du crash d’un de leur drone, dont la dernière donnée détectée est une matière organique inconnue … Kira tombe alors littéralement dans ce qu’elle prend d’abord pour une grotte mais qui s’avère être indubitablement une construction extraterrestre. Mais ce qui aurait pu être la plus fabuleuse découverte de son existence se transforme en véritable désastre : Kira est infectée par un exo-organisme recouvrant le moindre centimètre de sa peau et se transformant parfois en aiguillons mortels … Et comme si cela ne suffisait pas, voici qu’une armée d’extraterrestres terrifiants et technologiquement supérieurs attaque la Ligue ! Sans le savoir, Kira a déclenché une guerre intergalactique dont elle ne comprend ni la cause ni les conséquences …
Ma plus grande inquiétude au moment de commencer ce livre, c’était que l’auteur soit retombé dans son vieux travers de gonfler artificiellement le récit pour préserver sa réputation d’auteur de gros pavé … A mon grand soulagement, cette crainte était infondée : pas de longueur superflue à déplorer, juste quelques temps de pause bienvenus. Mais il y a un « mais ». Figurez-vous qu’au fil de ma lecture, je me suis forgée une image mentale assez perturbante de Christopher Paolini : il m’apparaissait comme un petit garçon surexcité qui tirait sur le bras de son institutrice en s’écriant « Maitresse, regarde, maitresse, j’ai utilisé tout plein de mots compliqués, regarde ! Dis maitresse, tu sais ça veut dire quoi proxomone et surperluminique toi ? ». Vous l’aurez compris, il use et abuse de termes pseudo-scientifiques qu’il ne maitrise qu’à moitié – pour être gentille –, comme s’il avait besoin d’exhiber à grand renfort de vocabulaire qu’il écrivait bien de la science-fiction et non plus de la fantasy, que les vaisseaux spatiaux avaient remplacés les dragons et les propulseurs Markov la magie … J’ai pris le parti de rire de cette logorrhée scientifique, mais il ne fait aucun doute que ce sera rédhibitoire pour bien des lecteurs, qui ont acheté un roman et non une encyclopédie d’astrophysique ou d’exobiologie. Christopher Paolini devrait apprendre que « trop n’en faut » et qu’il ne sert à rien d’étaler une culture scientifique qu’on ne possède pas.
Mais pour qui passera outre ce déferlement de termes imbuvables, c’est une aventure sans nulle autre pareille qui se révélera à lui. Car c’est une histoire d’une grande richesse que nous offre l’auteur avec cette première incursion dans l’espace : derrière cette apparente banalité (on pourrait se dire que c’est vu et revu, désormais, la colonisation spatiale et la confrontation avec une espèce extraterrestre intelligente et belliqueuse) se cache une originalité incroyable. On vogue de surprise en surprise, de découverte en découverte, de révélation en révélation, et tout comme la pauvre Kira qui est complétement ballotée par les événements, on ne peut qu’assister impuissant à cette épopée interstellaire fabuleuse, entre quête mythique et conflit épique. La complexité de l’intrigue se dévoile petit à petit, strate après strate, et c’est ce qui la rend aussi palpitante : à chaque fois qu’on a le sentiment de toucher du doigt le grand mystère, celui-ci se dérobe à nouveau pour mieux nous ébahir. Alors bien sûr, certains trouveront sans doute à critiquer cet enchainement d’embûches et d’énigmes, mais pour ma part, j’ai trouvé ça vraiment haletant, quel régal ! J’ai dévoré ces quelques huit-cent pages en trois soirées à peine tellement j’étais happée par cette histoire, tellement j’avais envie et besoin de savoir au plus vite comment tout ceci allait bien pouvoir se terminer, ce qui allait bien arriver à notre malheureuse Kira ….
En parlant de Kira … C’est une héroïne que j’ai personnellement trouvé particulièrement attachante, même si certaines de ses réflexions et certains de ses comportements m’ont parfois fait lever les yeux au ciel. Kira est une jeune femme qui a toujours rêvé de faire de grandes découvertes, mais voici qu’elle en fait vraiment une et que cela tourne à la catastrophe. Kira, c’est un peu comme le lecteur qui rêve de devenir le héros d’une histoire mais qui, si cela arrivait vraiment, serait complétement dépassé par les événements. Car dans la vraie vie, personne n’est réellement prêt à devenir du jour au lendemain l’ultime espoir de l’univers et de l’humanité. Kira est courageuse, mais Kira reste profondément humaine (quand bien même elle partage son corps avec une entité extraterrestre), avec ses failles, ses fragilités, ses limites, ses peurs, ses peines, ses doutes … et ses remords. J’ai vraiment apprécié ce côté « récit initiatique », qui transcende cette « simple » histoire de conflit intergalactique : ce qui est questionné à travers les mésaventures de Kira et de son hôte indésirable, c’est aussi ce qui fait notre humanité, notre identité profonde. Sommes-nous seulement notre corps ou sommes-nous bien plus ? Et « que considérons-nous comme sacré ? », comme la chose à préserver coute que coute ?
J’aurai encore bien des choses à dire, mais en bref, vous l’aurez bien compris, ce fut vraiment une excellente lecture, et seule cette accumulation parfois superflue de termes scientifiques a empêché le vrai coup de cœur intersidéral. C’est un roman avec lequel on ne peut pas s’ennuyer une seule seconde, car il n’y a aucun temps mort, même les passages un peu plus calmes ont une telle importance dans l’économie du récit qu’on les lit avec avidité comme si la vie de l’univers en dépendait. Ce qui est peut-être le cas, finalement … Car si l’homme n’avait pas cette curiosité insatiable à assouvir, s’il n’avait surtout pas ce besoin impérieux de s’étendre toujours plus et d’asservir un territoire toujours plus vaste, alors Kira n’aurait jamais mis les pieds sur cette planète et n’aurait jamais libéré cette chose. Peut-être devrions-nous sagement rester sur notre brave Terre (en tâchant d’être plus respectueux à son égard), plutôt que de risquer de déclencher un cataclysme en explorant, l’univers ? Qui sait, peut-être que tout ceci a bien eu lieu, dans un futur parallèle … C’est en tout cas ce que l’on ressent tant on est happé par l’histoire : petit à petit, celle-ci prend vie, et on est tout aussi embarqué que les héros dans cette course contre la montre. Une réussite, donc !