Tara Westover est une mémorialiste. Elle est née en 1986, dans le sud de l’Idaho. Elle vient d’une famille mormone dans laquelle on ne va ni à l’école, ni chez le médecin. Hors de question de prendre des médicaments ou d’aller à l’hôpital, quoi qu’il arrive ! Tara n’a même pas eu d’acte de naissance avant l’âge de 9 ans et il y a eu débat sur son jour de naissance pour le lui délivrer. Pas de manches courtes, des cours de danse tout juste acceptés par son père, de grands et graves événements historiques ignorés, Tara vit à l’écart du monde.
Dans le septième numéro de la revue America, dans un
édifiant entretien, Tara donne l’avis de son père sur l’école :
« Si tu ne crois pas que les forces du mal ont infiltré cette école, et même l’Église, alors c’est que tu es bien sotte, me répétait-il. Et mois, je n’élève pas des sots. » J’y suis allée quand même. Et c’est ainsi que j’ai fini par me retrouver, à dix-sept ans, en cours avec des étudiants mormons ordinaires, et qui, à mes yeux, valaient à peine mieux que des gentils. J’étais en effet atterrée de les voir prendre des médicaments, ou discuter en toute neutralité de la possible validité de la théorie de l’évolution. Leur mormonisme différait du mien, c’était une foi tout à fait autre.
Le père de Tara est un survivaliste qui attend le bug de l’an 2000 pour se moquer de tous les autres. Il fait travailler Tara à la décharge, lui fait trier la ferraille, elle doit alors éviter les morceaux qu’il lance dans sa direction. Sa mère est une sage-femme auto-proclamée qui fait fortune grâce à des remèdes à base de plantes. L’un de ses frères a poussé Tara à faire des études, un autre l’a maltraitée pendant des années. Quand la jeune femme décide de parler, même sa mère ne se rallie pas de son côté, même si elle sait, même si, devant sa fille, elle admet.
Tara n’est qu’une enfant lorsqu’elle assiste à un accouchement, lorsqu’elle doit sauver la jambe brûlée de l’un de ses frères avec ce qu’elle a sous la main (c’est à dire un tuyau d’arrosage et une poubelle) ou qu’elle et sa famille ont un premier accident de voiture, son père faisant conduire son fils en pleine nuit malgré la fatigue.
Un jour, Tara apprend l’algèbre. Elle se plonge seule dans les longues leçons qu’elle n’a pas reçues à l’école. À 16 ans, elle entre à la Brigham Young University. À partir de là, son ascension intellectuelle ne s’arrête plus. Elle va de diplôme en diplôme et, doucement tout de même, s’extrait de son milieu, s’éloigne des siens. Dans le septième numéro de la revue America, elle déclare avoir finalement perdu la foi. Dans Une éducation, elle raconte son enfance et son émancipation.
Une éducation est un livre puissant dans lequel le vécu de Tara surprend, choque, afflige, étouffe. Son existence hors norme ne peut laisser indifférent, le recul par rapport à ses souvenirs parfois confus est touchant, l’amour qu’elle porte à sa famille aussi. Ce qu’elle a réalisé pour sortir de son milieu s’appelle un tour de force. Elle est une combattante exemplaire, et aussi, désormais, le capitaine de son être et de son existence. Il est donc possible de recommencer, de recréer, de se recréer soi-même. À lire absolument !
« L’image de moi-même avec des enfants m’est venue naturellement. Je voulais des enfants, j’en avais toujours voulu. La vision de la maternité était de celles que je désirais. Mais j’avais aussi une autre vision de moi-même et d’autres choses que je pourrais réaliser – des cours que je pourrais donner, des livres que je pourrais écrire, des gens que je pourrais diriger -, et cette vision était forte. Elle était là, clairement présente dans mon esprit. Il m’était difficile de m’en détourner. »
Présentation de l’éditeur :
Enfant, Tara Westover n’a jamais fréquenté l’école, ni vu de médecins, ni même été déclarée à l’administration parce que son père, mormon, ne croyait ni en la Médecine officielle ni en l’école publique, orchestrée par le diable. Il attendait la Fin des temps. Alors que son père s’enferme dans ses convictions survivalistes et radicales et qu’un de ses frères cède à la violence, Tara décide à seize ans de prendre son destin en main et de s’éduquer toute seule. Sa détermination l’éloignera de ceux qu’elle aime et l’emmènera au-delà des océans, d’Harvard à Cambridge sans qu’elle ne cesse de s’interroger. Quel est le prix à payer quand la loyauté envers sa famille entre en conflit avec la loyauté envers soi-même ?
A lire aussi :