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Bulle d’Encre : Comment nait le projet bédébiles ?
Obion : Un jour, je me suis amusé à faire un petit dessin de Fabien Grolleau, le scénariste de BD, à la manière des cartes des Crados que je collectionnais quand j’étais gamin. Je l’ai appelé « Fabien Gros Lot », et je lui ai donné les traits d’une grosse peluche sur un stand de tir aux canards. C’était un peu le niveau zéro du jeu de mots, avec une vanne qu’il a dû entendre des centaines de fois dans sa vie. Mais ce jour-là, ça suffisait largement pour m’amuser et oublier cette chape de plomb du confinement. Et puis j’en ai fait deux ou trois, que j’ai partagés sur mes réseaux sociaux, comme ça, pour rigoler. De fil en aiguille, je me suis pris au jeu, si bien qu’en un mois, j’en avais presque dessiné une centaine : Alejandro J’adore le ski, Lewis Tronc d’arbre, Hugo Prout, Pas triste Pellerin…
Motivé par l’enthousiasme de mes lecteurs, j’ai décidé en cours de route de créer une campagne Ulule dans l’espoir de financer un petit tirage de ces cartes ainsi que d’un album pour les collectionner.
BDE : Techniquement, au dessin, la création de ces bédébiles, comment ça se fait par rapport à ton dessin habituel ? Combien de temps te fallait-il pour en dessiner un ? Le travail notamment numérique est-il particulier ?
O : Je me suis inspiré de l’allure globale des Crados (qui eux-même étaient inspirés des poupées Cabbage Patch Kids), en laissant beaucoup de place à mon propre style. Il faut que le clin d’œil reste évident sans que ça soit une contrainte technique. Au niveau du dessin, ça s’est fait tout naturellement.
Tout commence par le jeu de mots. Peu importe qu’un auteur soit célèbre, sympa, dessine dans tel ou tel genre : si son nom se m’inspire pas un jeu de mots débile, il ne fera pas partie de la collec.
Ensuite je cherche rapidement une petite mise en scène rigolote et le dessin va assez vite. Je dirais que tout compris, de l’idée au dessin, ça dure entre trente minutes et deux heures pour les plus compliqués.
BDE : Comment vont fonctionner les impressions de l’album des étiquettes et des milles et unes ? Quel rôle pour Caroline, qui devient un quasi-personnage de bd ( ) dans tout cela ?
O : Quand j’aurai terminé de dessiner les cartes et les dessins des pages de l’album, que j’aurai maquetté tout ça et réalisé les contreparties, je confierai l’impression à un imprimeur proche de chez moi, dont je connais le sérieux et qui propose une approche écoresponsable, ce qui était très important pour moi.
Tout ce travail inclus des tas de calculs, de mise en forme, de la communication, de la coordination, des relectures, des peaufinages, une réflexion complémentaire… un travail de fourmi, invisible s’il est bien fait mais primordial : c’est à peu près ça le job de Caroline sur ce projet.
Et puis arrivera le jour où nous recevrons des palettes de centaines d’albums à signer ou dédicacer, et de dizaines de milliers de cartes à trier et à conditionner… Et là on aura encore un autre type de boulot. Je n’irai pas jusqu’à dire que j’ai hâte à cette étape-là, mais quand même… Je trouve ça assez excitant de suivre un projet de A à Z.
BDE : Quels retours des auteurs de bd croqués dans tes bédébiles ?
O : Au départ, j’avais un peu peur de froisser tel ou telle, parce qu’un dessin avec du vomi ou des crottes de nez, ce n’est pas hyper flatteur. Mais finalement personne n’a râlé. Enfin si. Des auteurs ont râlé… parce que je ne les avais pas dessinés !
BDE : comment réagissent Tes lecteurs habituels ou comme les nouveaux ? Du coup, comment cela active ou réactive ton lectorat ou t’en fait il rencontrer un nouveau ?
O : Tout au long du projet, j’ai eu un échange en temps réel avec mes lecteurs. Sur Twitter, par exemple, je propose parfois mes nouveaux Bédébiles, mais sans le nom de l’auteur ou de l’autrice : le but du jeu étant de deviner qui se cache derrière l’image. Et les joueurs ont eu des idées incroyables, parfois plus drôles que celles que j’avais imaginées.
Et à mesure que la campagne avance, certains me proposent de très bonnes idées de contreparties ou de bonus.
Bref, c’est un moment d’échange vraiment très agréable.
BDE : Ullule et ce crowdfunding, était-ce une première pour toi ? comment cela s’est mis en route ? as-tu eu quelques conseils d’autres, auteurs bd ou pas, qui s’étaient lancés dessus ?
O : C’est la première fois que je me lance dans ce genre d’aventure ; je l’ai fait dans l’état d’esprit des Bédébiles : en m’amusant.
C’est très ludique d’imaginer des packs et des contreparties. Je me suis lancé le défi, par exemple, de proposer une contrepartie un peu folle : faire des « Bédébiles à votre effigie ». Il va falloir que je trouve un jeu de mots rigolo à partir des noms de tous ceux qui auront choisi cette contribution.
J’ai été bien accompagné sur la construction de cette campagne, des copines autrices qui avaient déjà cette expérience m’ont donné de précieux conseils : Laurel et Lisa Mandel. Des amis que je vois chaque semaine ont suivi le projet au fur et à mesure et m’ont donné leur avis (parmi eux, Lewis Trondheim, Jean-Christophe Derrien et Nicolas Keramidas). C’est d’ailleurs Lewis qui m’a proposé le nom Bédébiles.
Et je me suis entouré de mes amis Ronan Loup et Gaël Tijou qui ont réalisé la vidéo de présentation pour le premier et la musique du générique pour le second. Et bien sûr Caroline qui m’a aidé à chaque étape à ficeler tout ça. C’est un vrai travail d’équipe.
J’ai opté pour un financement participatif parce que je ne savais pas du tout si ce projet intéresserait 5 ou 200 personnes. Pour réaliser un petit tirage, nous avions estimé un objectif de 6 000 €, qui comprenait l’impression, les frais d’envoi, le pourcentage d’Ulule et une rétribution de mon travail.
Cet objectif a été atteint en 2h et demie, alors que nous n’étions pas sûrs d’y arriver en 30 jours, c’était incroyable !
Depuis lors, chaque nouveau palier franchi nous permet d’avoir plus de moyens pour investir dans des bonus et améliorer cet album et la collec de cartes : l’album comportera plus de pages que prévues initialement ; il y aura plus d’autocollants, une carte phosphorescente, une carte à gratter ; j’ajouterai à l’album un fanzine avec des anecdotes croustillantes sur la création des Bédébiles… Si nous atteignons le palier de 400 %, des guest stars réaliseront des Bédébiles et vous retrouverez ces images dans une version augmentée du fanzine making of !
Nico Keramidas, Maëster, Lisa Mandel, Lewis Trondheim, Boulet, Terreur Graphique, Mathilde Domecq et Tébo. Rien que ça !!!
On peut rêver, mais si jamais la campagne atteignait les 500%, les dessins des Guest stars, jusque-là imprimés dans les pages du fanzine, deviendraient de vrais autocollants collector en tirage limités, certains même signés par leurs auteurs, et je m’amuserais à les glisser au hasard dans des dizaines d’albums. Le collector ultime.
C’est très excitant d’animer cette campagne et de voir qu’elle a du succès, mais je n’oublie pas qu’à la base c’est juste une petite bêtise, certes poussée jusqu’au bout. Ça ne va surement pas changer le monde, mais c’est rigolo.
Je ne sais pas vraiment si l’album existera encore, d’une façon ou d’une autre après la campagne Ulule, ce qui est sûr, c’est que la version optimisée, avec tous les bonus, c’est juste sur Ulule. Jusqu’au 7 Mars.
BDE : Les autres projets bd pour 2021, aussi bien ce que tu as en travaux en cours qu’en sortie livre ? Comment se passe la sortie de Chihuahua, sorti avec Trondheim chez Bayard ? et ton Donjons ?
O : Mon dernier album, Chihuahua, est sorti le 17 février dans la collection BDKids. On l’a réalisé avec des copains de l’atelier Mastodonte : Nob, Pascal Jousselin et Lewis Trondheim. C’est l’histoire de la rentrée des classes dans une école bien étrange où l’on croise des élèves trolls, cyclopes, des monstres orange, des instituteurs avec des tentacules… D’après les tout premiers retours, je crois bien que l’album amuse autant les petits que les grands !
Et ces jours-ci, je suis en train de boucler mon prochain album : un épisode de Donjon Crépuscule avec Joann Sfar et Lewis Trondheim. J’ai très hâte de voir les couleurs que Walter va poser dessus !! La sortie est prévue en juin.
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Rencontre avec l’auditeur via https://www.instagram.com/erwan_obion/
Interview réalisée par Damian Leverd le 19 février 2021
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