William T. Vollmann : Le Grand Partout

William T. Vollmann, Jack Kerouac, Jack London, David Thoreau, Hemingway, William T. Vollmann, né en 1959 à Los Angeles en Californie, est un écrivain, journaliste et essayiste américain, connu pour ses romans fleuves s'appuyant sur de vastes enquêtes. Son œuvre, qui mêle fictions et essais, est marquée par son goût pour l'histoire et son obsession pour le thème de la prostitution. Il vit actuellement à Sacramento.

Le Grand Partout (2011) qui vient d’être réédité en poche, est un récit à portée sociologique sur le monde des hobos, ces vagabonds du rail dont nous ont régalés des écrivains comme Jack Kerouac ou Jack London, par exemple, mais ici, ce n’est pas romancé.

William T. Vollmann et son ami Steve Jones, ont sillonné les Etats-Unis dans tous les sens, dans des trains de marchandises, non par nécessité ou par économie, mais pour le plaisir, uniquement pour le plaisir et y retrouver le goût de la liberté. Qu’un train parte vers le sud ou vers le nord, qu’importe, du moment qu’un train partait quelque part, ce quelque part ou Grand Partout, le Shangri-la des hobos. Car l’écrivain est triste, il ne reconnait plus son pays, « je contemple cette Amérique toujours moins américaine qui est la mienne, et j’enrage. » Le conformisme, les mesures de sécurité renforcées dans tous les domaines, tout cela l’exaspère et pour combattre ce système, il ne lui resterait que « la resquille », ces trains de marchandise dans lesquels on monte en douce, pour aller ailleurs.

Certes, dans ces wagons on crève de chaud ou on grelotte, on doit se planquer pour ne pas être débusquer par les « bourrins », les agents du train, qui n’hésitent pas à vous tabasser ou vous obligent à sauter dans le vide quand le convoi roule… Mais ce sont aussi des rencontres avec d’improbables collègues, moins fortunés et qui en ont sacrément bavé durant toute leur vie. Vollmann les interroge avec une grande empathie, comprend leurs motivations, apprend de leurs expériences et leurs récits sont parfois très durs car dans le passé, les bourrins pouvaient être particulièrement ignobles. Des hommes toujours, car les rares femmes qui se mêlent à ces voyageurs, souffrent plus encore (« C’est le drame de Vénus : tout le monde veut d’elle, et notre déesse est donc devenue une proie »).

Le récit est émaillé d’extraits de textes, s’avérant des conseillers éclairés, de Kerouac, London, Hemingway, Thoreau etc. Une approche de ce monde fermé, assez intellectuelle et politique, exaltant les vertus de la liberté, une notion qui se perdrait pour l’auteur (« la non-liberté qui envahit l’Amérique »). Hobo vs Bourrin, Liberté vs Contraintes, à ces problématiques Vollmann s’interroge, où cours-je ? Dans quel Etat j’erre ? Peut-être n’existe-t-il pas « de Dernier Beau Coin du Pays ? », que seul le « je me tire » soit la réponse… ?

Un très bon livre, fort bien écrit avec des passages d’un grand lyrisme, encore meilleur quand je vous dirai qu’il contient aussi un gros cahier de photos faites par l’écrivain, pour voir les « gueules » d’Ira, Badger et autres figures singulières de ces voyages extraordinaires.