Yasmina Khadra (pseudonyme de Mohammed Moulessehoul), né en 1955 à Kenadsa dans l'actuelle wilaya de Béchar (Sahara algérien), est un écrivain algérien. Pour échapper au Comité de censure militaire, institué en 1988, il opte pour la clandestinité et publie son roman Le Dingue au bistouri, le premier de la série des « Commissaire Llob ». Il écrit pendant onze ans sous différents pseudonymes et collabore à plusieurs journaux algériens et étrangers pour défendre les écrivains algériens. En 1997 paraît en France Morituri qui le révèle au grand public, sous le pseudonyme de Yasmina Khadra, un pseudo créé à partir des deux prénoms de son épouse (En réalité, sa femme s'appelle Yamina et c'est son éditeur qui a rajouté un « s », pensant corriger une erreur).
Alger dans les années 90. Sabrine, la fille de Ghoul Malek membre influent de l’ancienne nomenklatura, a disparu. Le commissaire Llob est chargé de l’enquête…
Il y a deux sortes de romans policiers, ceux qui mettent un point d’honneur à fournir une intrigue ciselée et ceux qui partent d’une affaire policière pour nous dire tout autre chose. Morituri est de cette seconde catégorie, il faut le savoir pour ne pas être déçu après avoir refermé le roman car effectivement de ce strict point de vue, l’intrigue est du genre décousue pour ne pas dire peu claire… Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il s’agit d’un très bon bouquin !
Le commissaire Llob, marié avec deux enfants est trop honnête et intègre pour faire une belle carrière dans la police algérienne où magouilles et corruption sont la règle. Quand de plus, les policiers sont l’une des cibles des terroristes qui ensanglantent le pays (« Lorsqu’un collègue est tué par balles, on estime que c’est ce qui pouvait lui arriver de mieux – au vu des cadavres horriblement dépecés qui jalonnant la malheureuse terre d’Alger ») imaginez la vie de cet homme ! Tant bien que mal et en serrant les fesses, il va mener sa barque dans cette ville gangrenée par la corruption et les attentats, ne pouvant même pas compter sur la justice qui se prostitue aux plus offrants. Des quartiers sordides, véritables coupe-gorges aux clubs huppés fréquentés par le gotha des puissants où évoluent prostituées des deux sexes, drogues, alcools et trafics, ce n’est pas l’Alger des touristes que vous allez visiter ici. Misère noire et opulence répugnante, le constat est terrible.
Mais le plus mémorable, c’est l’écriture de Yasmina Khadra. Le ton balance entre lassitude triste et humour (« Elle rejette la tête dans un rire si grand qu’on peut déceler les motifs de sa culotte »), et on se délecte du vocabulaire et des expressions utilisées (« - Méfie-toi seulement des culottes lourdes. – Des quoi ? – Des travestis, idiot. ») Bref, une fort belle plume pour un excellent roman.