L’inconnu de la poste
Florence Aubenas
Éditions de l’Olivier
2021
236 pages
Mais pourquoi ai-je lu ce livre ? Je ne m’intéresse jamais aux faits divers dans les journaux, je ne lis quasiment pas de polar, cette non fiction centrée sur une enquête policière à propos d’un crime non élucidé, n’avait donc rien pour m’attirer… Sauf qu’elle est écrite par Florence Aubenas dont j’ai énormément aimé Le quai de Ouistreham et dont j’ai écouté une interview (j’ai d’ailleurs acheté son livre le lendemain).
Florence Aubenas pourrait raconter un match de foot, je serais capable d’adorer… J’aime son écriture maitrisée. C’est une conteuse passionnante.
Dans le village de Montréal-la-Cluse, Catherine Burgod a été tuée à coups de couteau dans le bureau de poste où elle travaillait. Dix ans d’enquête, des rebondissements, une disparition, mais toujours pas de coupable avéré.
Florence Aubenas va mener son enquête, va recueillir les témoignages des uns et des autres. Un travail de reportage minutieux. Mais pas seulement. Elle va s’attacher à montrer que chaque personnage affronte la catastrophe à sa manière, avec ce qu’il est, son passé et son présent. Tintin, Rambouille, le père de la victime, le fameux Thomassin, les femmes de la poste et d’autres, sont les héros ordinaires de cette macabre histoire. Les faits ne sont pas intéressants s’ils ne sont pas sous-tendus par une volonté de comprendre. Florence Aubenas est humaine, elle ne nous raconte pas un crime, elle nous raconte la vie. Elle nous montre que tout est une histoire de confrontation.
Alors bien sûr, on pourrait parler longtemps de ce personnage autour duquel tout tourne, ce Gérald Thomassin, cet acteur atypique, qui dépense l’argent qu’il gagne lors de ses tournages, immédiatement après, comme s’il lui brûlait les mains, qui occupe tout l’espace, et qu’elle a pourtant su laisser à sa juste place, pour faire la part belle à tous les autres… avec leurs doutes, leurs craintes, leurs questions.
Ce qui m’a passionnée dans ce livre, c’est le travail d’écriture. Elle ne qualifie pas son travail de « littéraire » et pourtant, c’est bien de la littérature qu’elle produit là. Dans son interview, elle dit qu’elle a « ramé pour l’écrire », et tant mieux, parce que le résultat est saisissant. Elle ne fait pas un simple travail d’investigation, elle va plus loin que ça, elle brosse le tableau d’une France rurale et ouvrière, elle s’immisce dans le monde des marginaux, elle peint une ambiance. Les protagonistes de l’histoire ne sont pas seulement les gens réels dont on a abondamment parlé dans les journaux, ils deviennent des personnages incarnés, elle fouille leur monde intérieur. Elle leur rend justice en les faisant vivre sous sa plume.
Florence Aubenas réussit ce tour de force qui consiste à garder la bonne distance, à relater un fait divers, en y mettant tellement d’humanité que le lecteur a l’impression de lire un roman.
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