Un homme presque parfait de Richard Russo

Un homme presque parfait de Richard RussoUn homme presque parfait

Richard Russo

Traduit de l’anglais par Jean-Luc Piningre, Josette Chicheportiche et Françoise Arnaud-Demir

La Table ronde

Lu en poche

1995

780 pages

« Nous sommes les forgerons des chaînes qui nous entravent. »

Sully est un loser, un loser magnifique, un type qui pourrait n’être qu’un sale type, on pourrait le détester, mais non, il nous séduit. Divorcé, il ne s’est jamais occupé de son fils, n’a aucun scrupule, se moque méchamment de ce pauvre Rub mais a besoin de lui pour mener à bien les travaux qu’il fait pour un autre type pas clair et avec qui il est en procès, il a peu d’égards pour sa maîtresse, une femme mariée avec qui il entretient une relation depuis vingt ans… bref, un type pas très fréquentable.

Sept jours à suivre les habitants de la petite ville de North Bath, une petite ville aussi malchanceuse que ses habitants (à moins que ça soit l’inverse), sept jours à écumer les bars, à accompagner les personnages dans leurs déboires, à comprendre les relations des uns avec les autres, les inimitiés comme les acoquinages, la haine de Sully pour son père comme l’étonnante relation qu’il entretient avec sa vieille logeuse Miss Beryl.

S’il m’a fallu environ une cinquantaine de pages pour entrer dans ce roman, ensuite, j’ai eu bien du mal à le lâcher. Richard Russo, pour la troisième fois, m’a éblouie par ses compétences de conteur. Il se passe si peu de choses et en même temps il s’en passe tant. L’observation qu’il fait de la société américaine provinciale est si juste, si crédible. Les situations cocasses, les personnages tous plus fantasques les uns que les autres et tellement fouillés qu’on est certain à la fin du livre de les avoir vraiment rencontrés, l’art de mettre l’accent sur les failles des personnages pour mieux nous en révéler la profondeur, cette atmosphère si particulière à Richard Russo empreinte de nostalgie et de réalisme, l’humour, cet humour qui m’a fait m’esclaffer à plusieurs reprises, et les dialogues si exquis, tout, tout m’a séduite.

Décidément j’aime la petite musique des mots de Richard Russo et j’en redemande…

« Si on voulait mener une vie insouciante, il fallait obéir sans réserve à l’absence de toute règle. »

Et avec ce roman, je participe enfin à l’objectif PAL d’Antigone.

Un homme presque parfait de Richard Russo