Vouloir devenir quelqu’un, cela suppose que l’on n’est personne. C’est un constat aussi dur qu’erroné. Le plus dur et erroné que l’on peut porter sur soi. Mais qu’est-ce qui fait que l’on devient quelqu’un ? La notoriété ? L’argent ? L’accomplissement de ses rêves ? Et pour devenir quelqu’un, faut-il obligatoirement devenir quelqu’un d’autre ?
Le jeune Horace sait précisément quand il deviendra quelqu’un. Quand il ne s’appellera plus Horace Hopper mais Hector Hidalgo. Quand il ne sera plus indien mais mexicain. Quand il ne travaillera plus dans le ranch des Reese mais affrontera les plus grands noms de la boxe professionnelle sur le ring. Le quotidien d’Horace se résume à des projections de sa vie future : quand il sera pro, quand son nouveau nom s’étalera en gros caractères sur les affiches, quand il vivra de sa passion. En attendant il survit, aveugle à ce qui l’entoure, sourd aux marques d’affection que lui témoignent les Reese qui le considèrent comme leur fils. Horace Hopper est mal dans sa peau, mal à l’aise en société, lui qui a l’impression de ne pas être à sa place, de déranger, de ne pas être désiré parce qu’il a été abandonné par ses parents. Horace cherche à combler un vide par la boxe et utilise ce rêve comme une planche de salut. Mais un rêve est avant tout un idéal et l’idéal cadre souvent mal avec la réalité. Horace va prendre des coups, mais pas seulement sur le ring et pas toujours à la loyale. La vie va se charger de lui apprendre qu’il ne suffit pas de vouloir devenir quelqu’un pour qu’au fond de soi on se sente quelqu’un.
– Combien de fois ai-je essayé de te faire comprendre que tu pouvais prendre le meilleur de tout ce qui te constitue ? Tu as certes des origines indiennes, mais tu as aussi du sang irlandais et ton être a été façonné par la petite ville du Nevada où tu as passé tant d’années. Tu es tout cela à la fois.
– Personne ne raisonne comme ça, lâcha Horace.
– C’est là que tu te trompes. Tu peux être un cow-boy et écouter du metal. Tu peux être un cow-boy et avoir les cheveux longs. Tout comme tu aurais pu être un boxeur originaire de Toponah avec du sang indien dans les veines. C’est à toi de choisir. Etre soi-même demande d’avoir du cran.
En dehors de la fin que j’ai trouvée trop artificielle, comme si l’auteur ne savait pas vraiment comment terminer son livre, le reste du roman est tout en finesse et subtilités, touchant au-delà de ce que je pouvais imaginer. J’ai retrouvé dans les mots de Willy Vlautin toute l’humanité et la sensibilité d’un Nickolas Butler. De la littérature américaine simple, authentique et proche de ses racines : très exactement comme je l’aime.
L’ESSENTIEL
Devenir quelqu’un
Willy Vlautin
Editions Terres d’Amérique / Albin Michel en GF
Sorti en GF le 03/02/2021
304 pages
Genre : roman d’initiation
Personnages : Horace Hopper, Louise et Eldon Reese
Plaisir de lecture :
Recommandation : oui
Lectures complémentaires : Retour à Little Wing de Nickolas Butler, La Chance vous sourit d’Adam Johnson
RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR
A vingt et un ans, Horace Hopper ne connaît du monde et de la vie que le ranch du Nevada où il travaille pour les Reese, un couple âgé devenu une famille de substitution pour lui. Abandonné très tôt par ses parents, il se sent écartelé entre ses origines indiennes et blanches.
Secrètement passionné de boxe, Horace se rêve en champion, sous le nom d’Hector Hidalgo, puisque tout le monde le prend pour un Mexicain… Du jour au lendemain, il largue les amarres et prend la direction du sud, vers sa terre promise. Saura-t-il faire face à la solitude du ring et au cynisme de ceux qu’il croisera en chemin ? Peut-on à ce point croire en sa bonne étoile, au risque de tout perdre ?
À travers le portrait bouleversant d’un jeune idéaliste décidé, envers et contre tous, à trouver sa place dans le vaste monde, Willy Vlautin signe un roman pudique qui touche le lecteur en plein coeur.
« Un magnifique western et un grand roman sur la boxe, mais par dessus tout un immense roman américain sur l’empathie, l’identité et l’espoir. Étourdissant et poignant. »
TOUJOURS PAS CONVAINCU ?
3 raisons de lire Devenir quelqu’un
- Le portrait de ce jeune homme plein d’espoir est touchant
- Le monde de la boxe est parfaitement décrit, sans jamais être pesant
- On ne peut s’empêcher de questionner nos propres rêves de jeunesse en lisant ce roman
3 raisons de ne pas lire Devenir quelqu’un
- La fin laisse comme un sentiment de gâchis
- Certains passages auraient mérité davantage de développements
- C’est assez triste et mélancolique, donc à éviter si vous cherchez actuellement une lecture joyeuse
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