Les Cerveaux de la ferme, de Layla Benabid (illustrations) et Sébastien Moro (textes), Éditions La Plage, 2021, 175 pages.
L’histoire
« Il a un regard bovin, c’est déprimant ! », « Il a vraiment joué comme une chèvre au dernier match ! », « Quel mouton, ce type… », « Mais elle a le QI d’une poule ! », « Tu manges vraiment comme un cochon ! »… Ces expressions sont assez révélatrices de l’image que l’on a généralement des animaux de la ferme : placides et dotés d’une intelligence très limitée. Pourtant cette vision est incroyablement éloignée de ce que nous dévoilent les récentes découvertes scientifiques !
Les poules sont des mathématiciennes et des enseignantes hors pair, les chèvres des aventurières aux ressources quasi illimitées, les moutons des herboristes de talent, les cochons d’excellents cartographes et les vaches des championnes des réseaux sociaux !
Vous ne me croyez pas ? Alors plongez dans cet ouvrage – résumé de plusieurs centaines de travaux scientifiques des années 1980 à nos jours – qui changera à jamais la vision que vous aviez des animaux de la ferme !
Note : 5 sur 5.
Coup de cœur
Mon humble avis
Il est rare que j’attende impatiemment la sortie d’ouvrages, pour la simple et bonne raison que je me tiens assez peu au courant des nouvelles sorties (disons que j’ai de quoi lire pour une année ou deux sans racheter de nouveaux ouvrages donc mieux vaut que la tentation ne soit pas trop forte). Mais c’était le cas pour Les Cerveaux de la ferme, parce que j’aime beaucoup le travail de Sébastien Moro en terme de vulgarisation scientifique (que ce soit pour sa chaîne Youtube « Cervelle d’oiseau » ou pour sa première bande dessinée Les paupières des poissons, illustré par Fanny Vaucher) et que je suis une fan inconditionnelle du travail de Layla Benabid, qu’il s’agisse de ses albums muets de la collection « Cartoons », de ses illustrations qui embellissent le blog et même de son album Dolly, fait avec Olivier Dupin, sur la perte d’un animal cher, qui m’a fendu le cœur. Et malgré ces attentes, je n’ai pas du tout été déçue, au contraire c’était un plaisir de lire cet ouvrage et de découvrir tout ce dont les animaux dits « d’élevage » sont capables.
L’ouvrage est dense et réussit son objectif à merveille : présenter les expériences et résultats de nombreuses études scientifiques en matière d’intelligence animale. On voit bien à la lecture que ce n’était pas chose facile de présenter ces dernières de manière claire et accessible, mais c’est tout à fait réussi : les expériences mises en scène sont très claires et les illustrations accompagnent parfaitement le texte pour le compléter ou l’appuyer. Pour avoir une idée du nombre d’études scientifiques consultées pour créer cet ouvrage, on peut télécharger sur le site des éditions La Plage, les 42 pages de bibliographie.
Les Cerveaux de la ferme est divisé en six parties qui peuvent être lues indépendamment, même si la BD a un ordre logique au départ : leur perception du monde, leur façon de réfléchir, leurs émotions, leur façon de communiquer, leur façon d’apprendre les un⋅es des autres et leurs sociétés. La répétition du pronom possessif illustre bien que l’ouvrage est là pour parler de ces animaux, non pas comme de simples objets de science ou d’étude, mais comme de réels sujets qui ont des désirs, des émotions, des liens sociaux, etc.
L’ouvrage n’est pas militant dans le sens où, à aucun moment donné la bande dessinée clame qu’il faut arrêter l’élevage ou les expériences sur les animaux dont il est pourtant question ici : le propos est bien de faire de la vulgarisation scientifique et de parler de l’intelligence de ces animaux « de ferme ». Mais je trouve que le cœur même du livre – le fait que ces animaux soient des individus avec des envies particulières, une intelligence époustouflante et des émotions diverses et variées – implique, à mon sens, qu’il n’est pas justifiable de les exploiter et de les tuer. Les Cerveaux de la ferme démontre simplement, études scientifiques à l’appui, que les animaux « d’élevage » ont des aspirations bien plus grandes et intéressantes que de finir dans nos assiettes !
Même en suivant assidûment la chaîne Youtube de Sébastien Moro, j’ai encore appris énormément de choses à a lecture de cet ouvrage, sur des espèces qu’il a peu eu l’occasion d’aborder en vidéo jusque là. C’était un plaisir et chaque découverte est intéressante mais je crois que j’ai un vrai coup de cœur pour les chèvres qui, semble-t-il, aiment à renverser toutes les hypothèses que les chercheur⋅euses peuvent faire et n’en font qu’à leur tête.
L’humour fait également partie intégrante de la BD, avec des références à la pop culture disséminées un peu partout, parfois cachées et parfois plus assumée (comme l’amour que Layla Benabid porte pour One Piece qui ne saurait jamais être caché ). Les Cerveaux de la ferme arrive à équilibrer parfaitement l’humour et les descriptions plus denses et sérieuses pour que la lecture soit tout à fait digeste et fichtrement intéressante. Je recommande à quiconque s’intéresse aux animaux d’avoir un exemplaire dans sa bibliothèque, pour l’avoir comme source si on cherche des exemples d’intelligence animale par exemple, ou pour partager à quiconque vous dit que les poules, c’est stupide (je t’aime quand même Anna ).
Enfin, n’hésitez pas à jeter un œil à la vidéo de présentation qu’ont fait Layla et Sébastien, pour présenter leur méthode de travail sur cette bande dessinée.