L’ami, Tiffany Tavernier, Sabine Wespieser, 2021, 262 pages
Un samedi matin, branle-bas de combat chez les voisins, des gendarmes débarquent et arrêtent le couple. Tout est raconté du point de vue de Thierry, le voisin et ami, qui tombe des nues.
Très vite, on apprend que ce fameux voisin était un serial killer, qu’il avait violenté et tué un certain nombre de jeunes filles, là, sous les yeux de Thierry et sa femme, sans qu’ils ne s’aperçoivent de rien. Le choc.
Ce sera le début d’une longue descente aux enfers pour Thierry et Elizabeth. Et si l’on pense, au début du roman, que l’explosion de leur couple est liée à cette morbide révélation, on s’apercevra bien vite qu’il n’en est rien. Le malaise avait commencé bien avant. Cet événement dramatique révélera au grand jour les failles de toujours. Thierry est un taiseux, il n’arrive pas à exprimer ses émotions, ses sentiments, l’image qu’on lui renvoie de lui ne correspond pas à ce qu’il pense être, le décalage est énorme et incompréhensible, ça va le faire sombrer.
Comment peut-on ne pas voir que son ami est un dangereux individu ? Comment peut-on partager autant de moments complices avec quelqu’un sans se rendre compte qu’il est un être profondément mauvais ? Et qu’est-ce que cela signifie ?
Quand on est dans l’ignorance d’un fait, on ne prête aucune attention aux détails, et lorsque ce fait se révèle, on revit alors les rencontres, les paroles, les événements à l’aune de cette découverte, et là, on tombe de haut, on comprend à quel point on a été berné, et ça fait mal, très mal.
Comment reprendre pied quand les médias harcèlent ? Quand tout part à vau-l’eau, et qu’il ne nous reste que les souvenirs, que le monde intérieur pour essayer de se reconstruire…
Le désarroi de cet homme est bouleversant. Si j’ai eu un peu de mal au début du roman avec les phrases très brèves, trop sèches, j’ai été complètement emportée dans le tourbillon des phrases plus longues qui embrassaient les pensées de Thierry, son désarroi, son incompréhension, sa solitude intérieure extrême.
C’est un roman que j’ai lu quasiment d’une traite. D’ordinaire les livres que j’avale trop rapidement, je les oublie aussi vite. Celui-ci, quelques semaines après, a laissé une empreinte, des images et des sentiments forts.