« Elles »: du Pixar made in Belgium

« Elles »: du Pixar made in Belgium

Elles – Tome 1: La nouvelle(s) (Aveline Stokart – Kid Toussaint – Editions Le Lombard)

Lorsqu’elle fait son entrée au collège Mercury, la jeune Elle est immédiatement repérée par les autres adolescents. Avec ses cheveux roses et ses écouteurs blancs sur les oreilles, elle ne passe pas inaperçue. Maëlys trouve tout de suite qu’elle a l’air sympa, Farid juge qu’elle est trop stylée et Otis est subjugué par sa beauté. En même temps, Otis le séducteur a une fâcheuse tendance à trouver que toutes les filles sont jolies, ce qui fait beaucoup rigoler ses amis. Quant à Line, la quatrième membre de la petite bande, elle est dans la lune comme d’habitude. Elle met donc un certain temps à comprendre de qui on parle. Mais ça ne dure pas longtemps: comme les autres, elle ne tarde pas à pleinement intégrer Elle dans leur groupe. Dès les premiers jours d’école, la petite nouvelle trouve donc rapidement sa place au collège Mercury, grâce à l’accueil chaleureux que lui réservent Maëlys, Farid, Otis et Line. C’est rassurant pour Elle, car les choses ne sont pas trop bien passées dans son école précédente… Hélas, ses ennuis vont (forcément) finir par la rattraper. Alors que tout laisse à penser qu’on est partis pour une histoire assez classique de vie quotidienne dans un collège, avec son lot de disputes et d’histoires d’amour, ce tome 1 de la série « Elles » devient vraiment intéressant lorsqu’on se rend compte que les petites contrariétés rencontrées par Elle dans sa vie de collégienne vont progressivement réveiller ses différentes personnalités. Car en réalité, comme l’indique le titre de la série, il n’y a pas une seule Elle, mais il y en a cinq! Et en fonction de son humeur du moment, ou bien des difficultés et émotions inattendues auxquelles elle doit faire face, la gentille Elle disparaît parfois subitement au profit de sa version clown, sa version arrogante, sa version timide ou sa version carrément muette… Forcément, ces brusques changements de personnalité sont plutôt désarçonnants pour les amis d’Elle, qui ne comprennent pas pourquoi cette dernière est parfois complètement différente… Mais qui est donc la vraie Elle?

« Elles »: du Pixar made in Belgium

Le scénariste Kid Toussaint est omniprésent en ce début d’année 2021. Il suffit de se balader dans une librairie pour retrouver son nom à l’affiche d’une foule de nouveautés BD. Bien sûr, il y a la suite de ses séries à succès « Magic 7 » et « Télémaque », mais on retrouve également le scénariste belge derrière plusieurs nouvelles séries radicalement différentes. « Love Love Love », par exemple, raconte une histoire d’amour futuriste entre une humaine et un robot, tandis que le diptyque « Ennemis » nous replonge à l’époque de la Guerre de Sécession aux Etats-Unis. Et puis bien sûr, il y a « Elles », une nouvelle série dans laquelle Kid Toussaint parvient à installer un univers et des personnages particulièrement intéressants. Il y a d’ailleurs fort à parier que cette série va cartonner auprès des adolescent(e)s, car elle contient tous les ingrédients pour devenir un succès. L’une des toutes bonnes trouvailles de cette BD, c’est le procédé graphique tout simple utilisé par les auteurs pour permettre aux lecteurs de repérer l’état d’esprit d’Elle. En fonction de sa personnalité, elle change de couleur de cheveux. Elle la blonde est arrogante et sûre d’elle, Elle la brune est timide et sensible, Elle la violette est extravertie et insouciante, Elle la verte est muette et discrète, tandis qu’Elle la rose est sans doute la version la plus équilibrée de la jeune fille, celle que l’on découvre au début de l’album. Cette trouvaille graphique et scénaristique est une manière extrêmement efficace de parler de la période de l’adolescence, cet âge si particulier où on construit sa personnalité et où on est confronté à des émotions très fortes. Lorsqu’on est ado, on mène en permanence une sorte de guerre psychologique à l’intérieur de sa tête. Une guerre qui se traduit dans cette BD par les différentes Elle(s), qui prennent tour à tour le contrôle de l’héroïne. Forcément, on pense à « Vice-Versa », le film d’animation de Pixar, dans lequel la joie, la tristesse, la peur, le dégoût et la colère sont également personnifiés sous formes de différentes couleurs. La comparaison avec Pixar est d’ailleurs valable également au niveau du dessin, puisque le travail d’Aveline Stokart s’inspire davantage des films d’animation que de la bande dessinée classique. Son dessin très cinématographique, avec des magnifiques profondeurs de champ et des personnages très expressifs, est clairement la principale révélation de cet album. Car même si elle est déjà une star sur Instagram, avec plus de 320.000 followers, la jeune dessinatrice belge Aveline Stokart signe ici sa toute première BD. Si elle poursuit sur cette lancée, elle devrait rapidement se faire un nom dans le monde du 9ème Art, tant son graphisme très moderne est ultra-convaincant, à l’image du dessin de couverture de l’album.