Wallace Earle Stegner (1909-1993) est un écrivain, romancier et historien américain. Né dans l'Iowa, il grandit dans le Montana ainsi qu'à Salt Lake City dans l'Utah et dans le sud de la Saskatchewan. Il a enseigné à l'Université du Wisconsin et à Harvard avant de s'installer à l'Université Stanford où il crée un cours d'écriture créative. Il a été le professeur d'étudiants comme Edward Abbey, Thomas McGuane, Ken Kesey et Larry McMurtry.
Lettres pour le monde sauvage (2015) qui vient d’être réédité en poche est un recueil de douze récits et textes.
Ces textes se partagent en deux groupes, ceux autobiographiques dans lesquels Wallace Stegner se souvient de son enfance en ce début de XXème siècle, des temps quasi préhistoriques qui nous ramènent à peu de chose près aux westerns. On le suit dans les diverses petites villes où il a vécu que ce soit dans le Saskatchewan ou à Salt Lake City ; il y assiste aux ventes des terrains pour l’arrivée du chemin de fer, au progrès qui s’en suit et l’ébahit « J’avais du mal à croire qu’à peine un jour plus tôt, nous vivions dans un monde de latrines, de bassines et de seaux hygiéniques »; on voit comment vivaient les gens dans ces régions à cette époque, le travail de la ferme, les jeux de cartes en ville… C’est aussi une réflexion empreinte d’un charme nostalgique sur la mémoire surtout quand il s’agit de nos souvenirs d’enfant, quand on compare avec nos yeux d’adulte les lieux où nous avons grandi.
Le second ensemble de textes s’avère plus profond en réflexion historique, politique, écologique etc. Wallace s’interroge sur ce que sont devenus les quelques Indiens qui restent, emplumés sans respect des codes tribaux mais aptes à séduire le touriste qui fera des photos contre quelques misérables billets « Est-il préférable d’être bien nourri, bien logé, bien éduqué et spirituellement perdu ; ou bien est-il préférable d’être ancré dans un schéma de vie où décisions et actions sont guidées par de nombreuses générations et traditions ? » ; et que dirait Thoreau s’il revenait aujourd’hui ? Lui qui « croyait que les forêts autour des Grands Lacs demeureraient sauvages pendant de nombreuses générations. Elles ont été décimées en quarante ans. » La littérature est aussi à l’honneur, il voit en Bas-de-Cuir (de James Fenimore Cooper) le « tout premier Américain archétypique de notre littérature », le « modèle héroïque de toute une série de figures mythiques basées sur l’histoire » qu’on retrouve dans Hemingway, Faulkner….
Wallace Stegner se fait le chantre du monde sauvage : il faut en conserver un minimum de traces car pour lui, ce sont les fondements de la civilisation américaine et sa disparition signerait la fin de son pays.
J’aime la littérature américaine, je le répète souvent et j’ai même tenté – assez platement il est vrai - de vous l’expliquer dans un précédent billet ; avec ce bouquin j’y ai trouvé des explications pour éclairer mon ressenti (le mouvement, les distances…) et mieux approcher encore l’âme américaine, son essence profonde.