Tant qu’il y aura des cèdres de Pierre Jarawan

Roman sur l’exil, la quête d’identité et l’absence, Tant qu’il y aura des cèdres est un texte de toute beauté qui rend un hommage pudique au Liban, terre de toutes les contradictions. Un roman qui a aussi sa place dans la bibliothèque des amateurs de romans policiers.

Tant qu'il y aura des cèdres de Pierre Jarawan (éditions Le livre de poche)

Tant qu’il y aura des cèdres de Pierre Jarawan (éditions Le livre de poche)

En fuyant le Liban pour s’installer en Allemagne avec sa femme, Brahim a le cœur en miettes. Laisser derrière lui sa patrie et ses racines est la décision la plus difficile qu’il ait eu à prendre dans sa vie. Samir, son fils, s’en rendra compte des années plus tard quand il partira à la recherche de son père. Le jeune homme est né et a grandi en Allemagne mais a été bercé pendant toute son enfance par les contes merveilleux inventés par Brahim pour lui faire découvrir le Liban. Samir se sent lui aussi profondément Libanais, appelé par cette terre, attiré par cette culture dont il connaît finalement assez peu de choses. Enfant choyé par un père qu’il idolâtre, Samir fait du jour au lendemain la douloureuse expérience de la perte et du deuil impossible alors que son père s’évanouit dans la nature, sans un mot, sans un regard, sans un au revoir ni une explication. Même si la disparition est aussi brutale qu’inexplicable, Samir sait précisément à quel moment la vie de sa famille a volé en éclat. Il n’a fallu qu’une photo, un vieux cliché que l’on croyait détruit pour que le bonheur familial ne soit plus qu’un lointain souvenir. Arrivé à l’âge adulte, le jeune homme ne parvient pas à construire sa vie tant le souvenir de son père l’obsède, il n’aura alors d’autres choix que de partir à sa recherche pour enfin comprendre ce qui l’a poussé à fuir. Sa quête de la vérité le mènera au pays des cèdres, à la découverte de ses racines. Ce pays qui le fascine, et qu’il connaît finalement bien mieux qu’il ne le pensait.*

Les arbres sont si énormes, si majestueux. Il semble inconcevable qu’ils puissent un jour ne plus se dresser en ces lieux.
– La plus grande menace, c’est le changement climatique, dit Nabil, qui semble décidément lire dans mes pensées. L’altitude idéale pour les cèdres se situe entre mille deux cents et mille huit cents mètres/
– A quelle attitude sommes-nous ici ?
– Environ mille quatre cents mètres. Autrefois, c’était parfait, la neige tombait régulièrement et tenait longtemps au sol, qui restait des mois durant froid et humide. Sans le froid, les cèdres ne peuvent germer, ce qui signifie…
Il me guette comme un professeur attendant une réponse.
– Ce qui signifie que leur habitat naturel se trouve à des altitudes de plus en plus élevées, complété-je.
– Exactement, approuve Nabil. Mais les monts du Liban ne se hissent pas à l’infini. S’il ne pleut pas l’été, et que les arbres ne peuvent même plus tirer un minimum d’humidité de la brume printanière, alors tôt ou tard il n’y aura plus de cèdres.
Cette perspective me bouleverse. A mes yeux, le Liban est indissociable de ces géants.
[…]
Qu’est-ce que cela signifierait, pour ce pays qui a fondé sur cet arbre son identité et même son nom – le pays des cèdres ? Le cèdre est partout ici, sur les timbres, les billets de banque. Le Liban, un pays sans nom ?

Tant qu’il y aura des Cèdres est un roman initiatique sur la transmission et la quête d’identité. Mêlant nostalgie, regrets et espoirs, il rend un bel hommage à ce pays tout en complexité et contradictions qu’est le Liban. A travers les mots de Pierre Jarawan, le lecteur prend la mesure de la difficulté qu’il peut y avoir à quitter une terre meurtrie par la guerre alors qu’elle porte en elle tout ce qui appelle à la paix. Il est difficile d’imaginer Beyrouth sous les balles quand on contemple le paysage à l’ombre de cèdres millénaires. Il y a comme une absurdité là dedans que même les habitants peinent à expliquer.

Par le choix des mots, l’auteur souligne parfaitement cette ambivalence qui habite ses personnages attirés comme des aimants par ce pays et malgré tout en fuite pour se préserver et protéger les leurs. D’une plume douce, poétique et emplie d’humanité, il séduit par l’esthétisme de son texte mais aussi par son efficacité car loin d’être contemplatif, ce roman fait appel aux codes de l’enquête policière pour apporter du rythme et une réelle intrigue à cette quête identitaire. De secrets en révélations, de fausses pistes en découvertes majeures, le lecteur est convié à suivre Samir dans son projet et très vite, pointe l’angoisse de le voir échouer. Dès lors, le lecteur se sait ferré pour n’être plus relâché qu’à la dernière ligne. Un très beau moment de littérature et une découverte que je n’aurais jamais faite, sans l’aide du Prix des lecteurs 2021.


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Tant qu’il y aura des cèdres de Pierre Jarawan


L’ESSENTIEL

Couverture de Tant qu'il y aura des cèdres de Pierre Jarawan

Couverture de Tant qu’il y aura des cèdres de Pierre Jarawan

Tant qu’il y aura des cèdres
Pierre JARAWAN
Editions Héloïse d’Ormesson en GF, Le livre de poche et Le livre qui parle pour la version audio
Sorti le 27/02/2020 en GF et le 10/03/2021 en poche
576 pages


Genre : roman initiatique
Personnages : Samir et Yasmin, Brahim, Youssef, etc.
Plaisir de lecture : ❤❤❤❤❤
Recommandation : oui
Lectures complémentaires : Le ghetto intérieur de Santiago H. Amigorena, Mur méditerranée de Louis-Philippe Dalembert, Là d’où je viens a disparu de Guillaume Poix

RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR

Après avoir fui le Liban, les parents de Samir se réfugient en Allemagne où ils fondent un foyer soudé autour de la personnalité solaire de Brahim, le père. Des années plus tard, ce dernier disparaît sans explications, pulvérisant leur bonheur. Samir a huit ans et cet abandon ouvre un gouffre qu’il ne parvient plus à refermer. Pour sortir de l’impasse, il n’a d’autre choix que de se lancer sur la piste du fantôme et se rend à Beyrouth, berceau des contes de son enfance, afin d’y dénicher les indices disséminés à l’ombre des cèdres.

Voyage initiatique palpitant, Tant qu’il y aura des cèdres révèle la beauté d’un pays qu’aucune cicatrice ne peut altérer. À travers cette quête éperdue de vérité se dessine le portrait d’une famille d’exilés déchirée entre secret et remords, fête et nostalgie.


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TOUJOURS PAS CONVAINCU ?

3 raisons de lire Tant qu’il y aura des cèdres

  1. Vous allez en apprendre beaucoup sur le Liban et sur les guerres qui ont secoué le pays tout au long du XXe siècle
  2. Vous ne pourrez plus lâcher ce livre avant de savoir ce qui est arrivé au père de Samir
  3.  Vous serez touché par la plume de l’auteur, délicate, pudique et poétique à la fois

3 raisons de ne pas lire Tant qu’il y aura des cèdres

  1. Si vous manquez de temps : c’est un livre qui nécessite de la disponibilité
  2. C’est un roman exigeant qui mêle histoire et géopolitique, ce qui peut rebuter les lecteurs qui souhaitent juste s’évader par leurs lectures
  3. Certains y trouveront des longueurs : sur presque 600 pages, c’était le risque

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