Avec son sixième roman, Le Bal, qui paraît aujourd'hui aux Editions Héloïse d'Ormesson, Diane Peylin m'a embarquée dans une valse, au cœur de l'Ardèche, celle des petits bals de l'été, des après-midis caniculaires, de feux de forêts et des maisons de famille. Une valse à quatre temps... Qui m'a fait tourbillonner sur une musique pleine d'émotions et d'amour.
Ce roman est de ceux où l'action est presque absente, car tout se joue en filigrane. Dans les regards, les sourires et les larmes, celles qu'on ne verse pas et celles qu'on ne contrôle plus. C'est un très beau texte qui vient chatouiller les cœurs et qui restera longtemps gravé en moi.
Ces quatre temps, ce sont quatre personnages : Robin, Suzanne, leur fille Jeanne et Rosa, la grand-mère. Au moment où l'histoire commence, Robin vient d'apprendre qu'il était en rémission après un an de bataille contre un cancer qui le laisse profondément meurtri et intérieurement bouleversé. Quand tout pourrait être beau et lumineux à cette simple annonce, l'horizon de Robin ne parvient pas à s'éclaircir, parce qu'il a connu la peur, parce qu'il re-connu la menace de la mort. Composer avec cette peur irraisonnée est un travail de longue haleine, surtout quand cette peur n'a jamais été vraiment inexistante.
Tout près, mais pas vraiment à côté de Robin, il y a Suzanne. Danseuse, émérite, maman de Jeanne, Suzanne s'éloigne peu à peu. Elle ne parvient pas non plus à se réjouir. Trop de nuages en elles l'aspirent, quand la joie devrait la pousser en avant. Les fantômes du passé, les non-dits, cette place très difficile de second plan, voire de troisième, derrière le mari malade et la fille à protéger à tout prix. Où est la femme derrière l'épouse ? Derrière la mère ? Quand se réveillera-t-on pour s'occuper d'elle qui s'occupe toujours de tous ?
Non loin de là, dansant en mesure, autant que faire se peut, il y a Jeanne, 17 ans. Fille-femme, entière mais jamais complète, à l'écart mais pas aveugle, inquiète mais pas intrusive. C'est pour elle un été splendide, celui de la découverte de l'amitié, de l'amour physique, mais elle n'arrive pas à s'y abandonner complètement. Le manque est trop fort, le pressentiment est trop puissant. Comme ses parents, mais différemment, Jeanne a peur et elle est en colère.
Spectatrice engagée, derrière eux veille et danse Rosa. Rosa, la mère de Robin et Elvis, l'épouse du défunt Alexandre. Rosa qui chante, danse, fume, prépare des mojitos pour sa petite fille mais culpabilise aussi. A-t-elle été une bonne mère ? Comment aider ses enfants ? Comment sauver sa petite fille ?
Ce sera l'été de l'éclatement de la vérité et de la libération pour cette famille, ô combien attachante. Au rythme des bals des différentes années, au rythme du jeu " oui-non ", au rythme des souvenirs, au rythme des pensées de Robin qu'il nous livre à défaut de pouvoir les prononcer, la vérité transparaît avant d'éclater à travers le chant des cigales et les chansons de Rosa.
Ce texte est touchant parce qu'il raconte la détresse d'une famille qui n'a fait que s'aimer, parfois maladroitement, mais toujours de façon sincère. A force de vouloir se protéger les uns les autres des épreuves imposées par la vie, ils se sont préservés, ils se sont tus et aujourd'hui, ils évoluent en parallèle, sans plus se croiser, alors qu'aucun d'entre eux ne le souhaitaient. De confessions indirectes en explosions nerveuses, les liens vont se retisser, les paroles seront prononcées et l'amour sera préservé.
C'est un roman de l'intime, c'est un roman de la nature, c'est un roman qui m'a profondément touchée. Je vous invite chaleureusement à vous rendre à ce bal, vous ne rentrerez pas de la nuit ! Je l'ai dévoré dans la journée, ce fut un coup de cœur !
Priscilla