L’Épée de la Providence, de Andrzej Sapkowski

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L’Épée de la Providence, de Andrzej Sapkowski, traduit du polonais (Pologne) par Alexandre Dayet, Bragelonne, 2008 (VO : 1992), 347 pages.

L’histoire

Geralt de Riv, le mutant aux cheveux d’albâtre, n’en a pas fini avec sa vie errante de tueur de monstres légendaires.

Fidèle aux règles de la corporation maudite des sorceleurs et à l’enseignement qui lui a été prodigué, Geralt assume sa mission sans faillir dans un monde hostile et corrompu qui ne laisse aucune place à l’espoir.

Mais la rencontre avec la petite Ciri, l’Enfant élue, va donner un sens nouveau à l’existence de ce héros solitaire. Geralt cessera-t-il enfin de fuir devant la mort pour affronter la providence et percer à jour son véritable destin ?

⭐⭐⭐⭐⭐

Note : 5 sur 5.

Mon humble avis

Ce recueil de nouvelles présente la suite des aventures de Geralt de Riv après Le Dernier vœu. On en découvre un peu plus au fur et à mesure des histoires, sur le monde du Sorceleur, avec notamment les règles et l’existence de la corporation des sorceleurs. Notamment sur la création de ces derniers, à quel point peu d’enfants parviennent à survrivre aux tests, aux potions et aux mutations. Un des intérêts que je trouve aux histoires du Sorceleur est que l’auteur parle finalement d’altérité, de discrimination et des préjugés : la plupart des personnes répugnent à croiser des Sorceleurs quand bien même elles soient bien heureuses que ces derniers les protègent quand elles en ont besoin. Sans compter le fait que les Sorceleurs n’ont pas d’autres choix que d’effectuer cette profession : j’imagine que même s’ils aspiraient à d’autres carrières, leurs mutations ne seraient pas acceptées. Et puis, ils n’ont jamais demandé ou consenti à tout ce qui leur est arrivé.

Et dans cet univers, les Sorceleurs ne sont pas les seuls à être discriminés, puisque les humains semblent détester ou jalouser tout ce qui n’est pas humain, les nains y compris.

Gyllenstiern, lui souffla Yarpen Zigrin, un nain trapu et barbu dont la nuque énorme, goudronneuse et recouverte de poussière brillait à la lumière du feu. Un bouffon ampoulé. Un porc bien gavé. Lorsque nous sommes arrivés, il nous a fait de grands airs jusqu’aux nuages, bla-bla, et souvenez-vous, les nains, a-t-il prévenu, qui commande ici, à qui vous devez obéissance. C’est le roi Niedamir qui ordonne et ses paroles sont loi, et ainsi de suite. J’écoutais immobile en ayant envie d’envoyer mes gars le désarçonner et lui piétiner son manteau. Mais je me suis maîtrisé, vous savez. On aurait encore dit que les nains sont dangereux, agressif,s que ce sont des fils de chienne et qu’avec eux il est impossible de… de… comment dit-on, par le diable… de coexister ou autre chose. Et il y aurait eu encore un pogrom dans une petite ville. J’ai donc écouté en hochant sagement la tête.
p. 28

Une autre raison qui explique mon appréciation de cet univers : ses personnages. Geralt bien sûr, un peu désabusé mais avec un sens moral fort et une forte compréhension du monde dans lequel il évolue. Jaskier qui, bien sûr, a souvent le rôle de pitre mais qui sait trouver de la poésie dans les situations et soutenir Geralt quand il en a besoin (ou le secouer quand c’est nécessaire). Yennefer, qui est plus complexe que la magicienne assoifée de pouvoir comme d’autres la dépeignent.

J’en profite pour glisser un mot sur les personnages de femmes de l’univers du Sorceleur (en tous cas ceux présentés dans Le Dernier vœu et ici dans Ŀ’Épée de la Providence). Je ne sais plus où j’avais lu ou entendu que l’œuvre d’Andrzej Sapkowski était féministe parce qu’il y avait des personnages de femmes intéressants et qu’elles étaient présentes dans ses histoires. S’il y a bien des personnages de femmes, relativement divers, je ne considère pas pour autant qu’elles sont présentées de manière féministe : elles sont finalement soit des intérêts romantiques et sexuels potentiels pour Geralt, soit des mères. Et Yennefer est à l’intersection des deux puisqu’elle se débat pour arriver à être mère (biologique) un jour. Les dryades sont une exception bienvenue, même si on comprend que Geralt les a rencontré au départ pour du sexe, et leur société composée uniquement de femmes n’est guère idéale quand on voit comment la population grandie : par l’enlèvement de jeunes filles. D’ailleurs, avec la dernière histoire de ce recueil, “Quelque chose en plus”, un rôle supplémentaire est ancré à côté de la mère et de l’amante, celui de la fille avec Ciri.

Le personnage de Ciri est bien différent de celui de la série The Witcher puisqu’elle est présentée au début comme une enfant de la royauté, aussi pourrie gâtée et insupportable qu’on pourrait l’attendre d’une princesse habituée à ce qu’on cède à toutes ses envies. Et pourtant, je doute que sa grand-mère ait réellement cédé à toutes ses envies, ou alors la mort de sa fille a fait de Ciri une exception à la dureté de la Lionne de Cintra. Mais je pense qu’une Ciri avec si mauvais caractère va nous permettre de voir l’évolution du personnage – c’est déjà un peu le cas sur les quelques histoires où on la découvre. À noter que Geralt n’hésite pas à menacer de la fesser à coup de ceinture quand elle l’insupporte et j’espère que c’était une menace en l’air…

C’était un plaisir de me replonger dans cet univers et je suis impatiente d’avoir l’occasion de lire la suite !