Parce que j’ai toujours prêté plus d’attention au texte d’une chanson qu’à sa musique, parce que la langue française peut être tellement bien mise au service de nos émotions et nos sentiments, j’ai envie de partager avec vous des textes d’artistes divers, qui m’ont touchée de près ou de loin, d’une manière ou d’une autre, ou qui m’ont juste fait sourire.
Ceux qui me connaissent bien ont déjà une petite idée des auteurs qu’ils vont retrouver ici, et certains seront cités plus souvent que d’autres.
J’en ai parlé avec mon Chéri il y a quelques jours, du coup j’ai eu envie de partager avec vous un poème : Page d’écriture, de Jacques Prévert, publié pour la première fois dans le recueil Paroles en 1946. Nous l’avons presque tous appris à l’école primaire, mais il est intemporel ! L’enfant qui refuse le monde des adultes – « en vers » et contre tout – ça vous parle ?
Deux et deux quatre
Quatre et quatre huit
Huit et huit font seize…
Répétez ! dit le maître
Deux et deux quatre
Quatre et quatre huit
Huit et huit font seize…
Mais voilà l’oiseau-lyre
Qui passe dans le ciel
L’enfant le voit
L’enfant l’entend
L’enfant l’appelle :
Sauve-moi
Joue avec moi
Oiseau!
Alors l’oiseau descend
Et joue avec l’enfant
Deux et deux quatre…
Répétez ! dit le maître
Et l’enfant joue
L’oiseau joue avec lui…
Quatre et quatre huit
Huit et huit font seize
Et seize et seize qu’est-ce qu’ils font ?
Ils ne font rien seize et seize
Et surtout pas trente-deux
De toute façon
Et ils s’en vont.
Et l’enfant a caché l’oiseau
Dans son pupitre
Et tous les enfants
Entendent sa chanson
Et tous les enfants
Entendent la musique
Et huit et huit à leur tour s’en vont
Et quatre et quatre et deux et deux
À leur tour fichent le camp
Et un et un ne font ni une ni deux
Un à un s’en vont également.
Et l’oiseau-lyre joue
Et l’enfant chante
Et le professeur crie :
Quand vous aurez fini de faire le pitre !
Mais tous les autres enfants
Écoutent la musique
Et les murs de la classe
S’écroulent tranquillement.
Et les vitres redeviennent sable
L’encre redevient eau
Les pupitres redeviennent arbres
La craie redevient falaise
Le porte-plume redevient oiseau.
Après ce texte qui me laisse toujours un peu rêveuse, je me devais d’évoquer également Le cancre sur le même thème. C’est beau, la force de l’innocence… et tellement fertile pour l’imagination. Alors gardez votre âme d’enfant, et servez-vous en le plus souvent possible.