Qu’on s’interroge sur la manière de bien lire semble une question allant de soi, qu’on consacre un essai au « mauvais lecteur », c'est-à-dire se demander comment mal lire est moins évident et interloque. C’est néanmoins le sujet de cet ouvrage de Maxime Decout.
L’auteur va développer son propos en déroulant l’histoire de la lecture, des premiers textes avant l’invention du codex qui induisaient une manière de lire bien différente de celle que nous connaissons désormais, puis en s’appuyant sur de très nombreux exemples tirés de la littérature mondiale. La lecture n’est pas une activité une et unique, très simple à vérifier ne serait-ce que par les billets de nos blogs : tel lecteur voit telle ou telle chose dans un livre, quand un autre voit tout autre chose et parfois même son contraire ! Qui a raison et allons plus loin, est-ce que l’un des deux a tort ? Lire c’est s’investir dans un ouvrage de multiples façons : une lecture naïve, simple et presque enfantine, ou bien en s’identifiant complètement avec le texte, ou bien encore en rédigeant en parallèle mental une chronique pour un blog….etc. On peut donc mal lire un bouquin selon la part de soi qu’on y place. Mais est-ce que mal lire est un défaut ? Non, répond l’auteur, car « le grand mérite du mauvais lecteur est d’empêcher de figer la lecture ». Et si j’ai bien compris ( ?) la morale finale de cet essai, bon ou mauvais lecteur, aucune importance puisqu’il serait impossible de faire la différence entre l’un et l’autre qui ont tous deux mérites et défauts.
Un essai passionnant et qui le serait plus encore pour moi, si j’avais compris tout ce que dit Maxime Decout ! Hélas ! Beaucoup de passages m’ont paru abscons, soit dans la formulation, soit dans les exemples littéraires cités car je n’avais pas lu ces livres ou que l’intrigue ne m’était pas assez restée en mémoire. Heureusement, il reste quelques passages très intéressants comme son analyse des romans policiers et de leur lecture, ou bien son interrogation sur le roman américain, « quel est ce genre dont il est question ? (…) « flottant et mal circonscrit ».
Enfin, on aura la satisfaction et même le soulagement de vérifier par des exemples fournis par les plus grands romanciers, qu’il n’est pas grave de sauter des pages dans la lecture des classiques de la littérature, « Montaigne, Sterne, Proust, Barthes : tous vous donnent, à leur manière et en formulant diverses clauses restrictives, l’autorisation de vous promener à votre gré, sur les chapeaux de roues ou à pas comptés, de rebrousser chemin, de ricocher çà et là, d’escamoter gaillardement des passages » Ce qu’on taisait honteusement n’était donc pas un péché, ouf !