Gamine guerrière sauvage d’Eric Cherrière

Gamine guerrière sauvage… Mais pourquoi ? Mais comment ? Je crois que je ne m’y ferai jamais à ce titre, certainement le plus laid que j’ai pu lire depuis des années. Mais comme il paraît qu’on ne juge pas un livre à sa couverture, voici mon avis post-lecture !

Gamine guerrière sauvage d'Eric Cherrière (éditions Plon)

Gamine guerrière sauvage d’Eric Cherrière (éditions Plon)

Il m’est déjà souvent arrivé d’être rebutée par un livre à cause de sa couverture mais jamais jusque-là à cause de son titre. Il faut une première à tout mais Gamine guerrière sauvage, avouez qu’il fallait quand même le trouver et n’avoir peur de rien pour l’étaler en gros caractères sur la couverture. Avec un tel titre je me voyais déjà partir dans la forêt amazonienne à la découverte de la fille cachée de Rambo. Tout ça partait drôlement mal… Si j’ai dépassé cette appréhension – n’ayons pas peur des mots, on peut même parler d’aversion – c’est tout simplement parce que j’ai intégré le jury des lecteurs des polars Plon et qu’à ce titre je me suis engagée à lire toutes les publications pré-sélectionnées. J’ai donc démarré l’aventure avec celui qui m’inspirait le moins, histoire d’arracher le pansement une bonne fois pour toutes.

Je suis née avec le réseau. Nous grandissons ensemble, nous nous comprenons intuitivement du haut de notre jeune maturité. Peut-être mon cerveau est-il différent de celui de grand-père. Le mien fonctionne comme un navigateur Web, les concepts d’y organisent en arborescence et la réflexion par association d’idées, par mots clés. Je me connecte, j’ouvre le monde, j’emprunte ses passerelles et tout est proche, possible. Facile. Les pays les plus lointains deviennent des voisins.

Ce que je peux vous dire après coup c’est que si toutes mes lectures étaient aussi terribles que celle-ci, je serais une lectrice comblée ! Mais quelle belle surprise ! Quel rythme ! Quels personnages ! Quelle originalité ! On est loin du polar consensuel, la construction échappe à tous les codes du genre et l’on ne sait pas au fur et à mesure que l’on tourne les pages où l’auteur veut en venir. Naviguer à vue sans pouvoir deviner la finalité de tout cela, c’est assez jouissif. Prendre le chemin d’une histoire complètement dingue mais très éloignée de tout l’imaginaire que l’on peut se forger à l’aide du titre, ça déboussole et ça rend le lecteur totalement captif.

– Vous refusez de parler de lui parce qu’il m’a abusée ?
– Qu’est-ce que tu racontes ?
– Quand j’étais petite. Vous avez découvert qu’il m’avait forcée à…
– Non, Maud, ce n’est pas ça, pas du tout…
– C’est quoi, alors ?
– C’est… C’est pas quelqu’un de bien, voilà !
– Ah…
– Il s’est toujours très mal comporté, avec tout le monde, ça n’a rien à voir avec toi.
– Alors c’est un salaud.
– Oui… oui…
Silence de ma mère, et il faudrait que l’on passe à autre chose. Mais il est mort, le pépé Alban, alors c’est maintenant ou jamais. Pas question que je la boucle.
– Et c’est pour cette raison que vous avez donné son nom à Alban ? Parce que c’était un sale type ? Vous vous êtes dit, tiens, on va donner à notre fils le nom d’un bon gros enculé.
– Maud, ne parle pas comme…
– Vous me racontez n’importe quoi ! Vous vous foutez de moi !

Evidemment le titre laisse malgré tout deviner que ce roman tourne autour de la personnalité d’une jeune fille : Maud, 15 ans, une forte tête et une rage de vivre qui l’amènera à défoncer toutes les barrières, à s’affranchir de toutes les règles de vie en société. Maud émeut, bouscule, dérange, perturbe le lecteur à mesure qu’on la suit dans son évolution et dans ses choix. La morale n’est pas sauve chez Eric Cherrière, l’auteur n’est pas là pour étaler de bons sentiments et de grandes idées humanistes. C’est dur, c’est laid, c’est injuste, c’est barbare, c’est cruel et en même temps c’est humain, c’est compréhensible, c’est presque excusable. C’est par cette morale et ces émotions en dents de scie que je suis passée tout au long de ma lecture, j’ai adoré ce voyage qui m’a menée bien moins loin, géographiquement parlant, que ce que j’avais imaginé mais beaucoup plus loin en termes d’intrigue et d’approche psychologique que ce je pouvais espérer.

Il faut vraiment que j’arrête de choisir mes livres à leur couverture…


L’ESSENTIEL

Couverture de Gamine guerrière sauvage d'Eric Cherrière

Couverture de Gamine guerrière sauvage d’Eric Cherrière

Gamine guerrière sauvage
Eric CHERRIERE
Editions Plon
Sorti le 18/03/2021 en GF
320 pages 

Genre : thriller
Plaisir de lecture : ❤❤❤❤❤
Recommandation : oui
Lectures complémentaires : Résine d’Ane Riel, My absolute darling de Gabriel Tallent, Betty de Tiffany McDaniel, Les démoniaques de Mattias Köping, Mon territoire de Tess Sharpe

RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR

« La vie, c’est comme la guerre, ma petite Maud, les seuls vainqueurs sont ceux qui survivent. N’oublie pas : il n’y a ni bonnes ni mauvaises armes. Au bout du compte, une seule chose importe. Rendre les coups. »

Maud, 15 ans, n’oublie rien de ce que lui dit son grandpère. Elle préfère Albert Einstein à Rihanna, elle use de son ordinateur comme d’une arme mais uniquement de la main gauche, la droite est tranchée à hauteur du poignet. Aux côtés de son frère tant aimé, elle grandit entre un père ex-champion d’athlétisme et une mère exchampionne de bodybuilding. Avec le grand-père, les cinq sont comme les doigts de la main qui manque à Maud.
À la suite d’un délit mineur commis par l’un d’eux, la famille est plongée dans la précarité. Maud sera prête à tout pour les sortir de la misère. Rien ne l’arrêtera et son implacable détermination les conduira au-delà des frontières…

D’une petite ville française jusqu’aux étendues glacées de l’Antarctique, en passant par la Cour pénale internationale de La Haye et un mystérieux think tank norvégien, Gamine Guerrière Sauvage est le portrait d’une enfant du siècle. Le bras de fer qu’une jeune fille entame avec le monde.


TOUJOURS PAS CONVAINCU ?

3 raisons de lire Gamine guerrière sauvage

  1. Pour son titre (non, je déconne !)
  2. Pour l’écriture d’Eric Cherrière qui a le don de vous embarquer dès la première ligne
  3. Pour la densité et la complexité de ses personnages qui échappe à tout manichéisme à l’américaine que l’on retrouve si souvent en littérature

3 raisons de ne pas lire Gamine guerrière sauvage

  1. Si vous avez l’impression de ne lire plus que des histoires sur des jeunes filles aux allures de guerrières (ça n’est pas qu’une impression ceci dit)
  2. Si vous ne cherchez pas une lecture qui vous heurte
  3. Si vous avez envie d’un roman lumineux et positif

L’article Gamine guerrière sauvage d’Eric Cherrière est apparu en premier sur Lettres & caractères.