Le chemin des âmes, Joseph Boyden, traduit de l’anglais (Canada) par Hugues Leroy, Albin Michel, 2006, Lu en poche, 475 pages.
Xavier, un indien du Canada, de la tribu Cree, revient de la guerre, celle des tranchées, celle qui le ramène chez lui, amputé d’une jambe, seul, sans son ami Elijah. Niska, la vieille indienne est venue le chercher avec son canoë.
Alternent alors les souvenirs de l’un et de l’autre. Lui, sa guerre, ses combats au côté de son ami Elijah, le goût de celui-ci pour la morphine, les horreurs quotidiennes, le bruit, le sang, les cris, les morts, l’odeur de putréfaction… Et elle, sa jeunesse, la mort de son père, son refus de l’éducation des Blancs, son isolement volontaire au creux de la forêt, ses dons, l’apprentissage de son neveu Xavier…
Il est hallucinant ce roman, hypnotique. Comment détacher ses yeux de l’effroyable ? Pourquoi y revenir ? Parce que ça fait mal… Parce qu’il nous ramène tantôt vers l’enfer, tantôt vers une bulle sylvestre et magique… Parce qu’il navigue entre la vie et la mort…
Et même si j’ai préféré les passages sur la vie de l’Indienne, sur sa manière d’appréhender le monde, même si j’aurais bien aimé qu’ils aient plus de consistance, qu’ils soient plus longs que les autres, parce que, parfois, je trouvais les scènes de guerre un peu redondantes mais n’était-ce pas le but, ce roman m’a profondément touchée, sa violence m’a heurtée, sa misère m’a meurtrie, les personnages m’ont touchée ou révoltée. Le regard de Xavier sur ce qui l’entoure m’a broyée, m’a happée et m’a emmenée dans son cercle infernal.
Ce roman avance avec lenteur, au rythme d’une guerre interminable et barbare, d’une remontée en canoë sous le signe de la souffrance lancinante, chaque mot, chaque phrase s’insinue en nous et nous ronge, comme la morphine pénètre dans le bras de celui qui se l’injecte…
Un roman sombre et flamboyant comme je les aime.