Quatrième de couv’ :
Toute l’économie de l’opulente cité de Tevanne repose sur une puissante magie : l’enluminure. À l’aide de sceaux complexes, les maîtres enlumineurs donnent aux objets des pouvoirs insoupçonnés et contournent les lois de la physique. Sancia Grado est une jeune voleuse qui a le don de revivre le passé des objets et d’écouter chuchoter leurs enluminures. Engagée par une des grandes familles de la cité pour dérober une étrange clé dans un entrepôt sous très haute surveillance, elle ignore que cet artefact a le pouvoir de changer l’enluminure à jamais : quiconque entrera en sa possession pourra mettre Tevanne à genoux. Poursuivie par un adversaire implacable, Sancia n’aura d’autre choix que de se trouver des alliés.
Mon avis :
Repéré lors de sa sortie puis encensé par les blogopotes, j’ai fini par faire ma curieuse et bien m’en a pris :
- L’intrigue :
Dans le royaume de Tevanne, si on ne fait pas partie d’une des quatre maisons marchandes, c’est la loi du plus fort qui prévaut. Notre héroïne, Sancia Grado, une jeune femme des Communes gagne sa vie en temps que voleuse et ses dons lui permettent d’être l’une des meilleures dans son domaine. C’est pour cette raison que son mentor, Sark, lui confie une mission qui peut le rapporter gros et leur permettre de quitter Tévanne pour une vie meilleure. Le vol d’une petite boite en bois se fait sans trop de problèmes malgré quelques frayeurs et un incendie involontaire, mais la somme élevée de la récompense inquiète tout de même Sancia et elle va déroger à la règle qu’elle s’était fixée, ne pas chercher à savoir ce que le client veut obtenir. Sancia ouvre la boite et les ennuis et autres calamités ne vont plus la lâcher….
- Le monde :
Tevanne est un pays divisé en 4 cités représentées chacune par une maison marchande et donc une famille influente : Les Candiano, les Morsini, les Michiel et les Dandolo. Pour ce tome, les maisons qui vont s’affronter sont les Dandolo et les Candiano, j’imagine que les autres prendront leur essor par la suite. Ces 4 maisons marchandes ont fait fortune grâce aux enluminures et je trouve leur fonctionnement digne d’une mafia, chacune à ses lois, sa propre population qui vit dans le campo entourant le coeur de la propriété et le confort apporté par les enluminures est prodigué pour tous à plus ou moins grande échelle. Pour que ce ne soit pas la guerre entre chacune des 4 maisons, elles ont trouvé des accords plus ou moins contournables jusqu’à un certain point, le conflit pourrait survenir rapidement si l’une d’entre elles était soupçonnée de s’armer et de préparer un putsch par exemple, c’est la raison pour laquelle elles se surveillent assez peu discrètement grâce à des espions.
Si on ne fait pas partie d’une des maisons que ce soit en tant que membre de la famille ou employé, alors là, les choses deviennent rapidement difficiles. Une population extrêmement pauvre vit dans Les Communes et s’y balader la nuit c’est risquer de se faire égorger sans que personne ne s’en préoccupe, aucune police ni la moindre justice n’existent pour cette partie de Tevanne. La pauvreté pousse donc les gens à se débrouiller pour obtenir de l’argent car cela reste le fondement de toute société mais l’argent se trouve dans les poches de ceux qui vivent dans les campos, et s’en prendre à eux, c’est risquer la Harpe si on se fait attraper. La Harpe ? C’est tout simplement un fil en forme de lasso qui va se resserrer autour d’une partie d’un membre ou de la gorge du voleur, petit à petit, en douceur et force douleur…jusqu’à section complète.
La richesse de ce royaume vient de l’enluminure, mais qu’est-ce donc précisément ? L’enluminure est une technique d’écriture venant d’une civilisation antérieure appelée les Occidentaux, les Géants ou encore les Hiérophantes, qui pratiquait cet art en utilisant la langue de Dieu ou Lingua Divina et cela leur permettait de faire des choses folles, jusqu’à voler dit la légende….sauf que cet alphabet a été perdu avec l’extinction de cette civilisation on ne sait trop pourquoi et les tévanniens n’ont qu’une fraction de ce savoir ancestral. Cela n’a pas empêché ce jeune royaume de 80 ans de prospérer mais la recherche de toujours plus de puissance mène les maisons à organiser des fouilles quand les financement parviennent à être trouvés, afin de dénicher un artéfact où se trouverait quelques traces de cet alphabet tant convoité. En pratique, les enluminures sont des symboles qui eux-mêmes sont reliés à des plaques plus grandes contenant la définition de chaque symbole existant et ces plaques sont rangées dans des énormes boites appelées lexiques qui permettent de diffuser la magie des mots dans un large périmètre. Les symboles sont accolés aux objets qui vont se voir octroyer une sorte de conscience qui va augmenter leur potentiel, des portes vont devenir infranchissables, des verrous inviolables sans les bons sauf-conduits, les carrioles vont et viennent sans chevaux pour les tirer etc. Sécurité, confort et pouvoir parviennent aux puissants de ce monde de cette façon.
- Les personnages :
Sancia Grado est une ancienne esclave de plantation. Elle a fuit un soir où elle avait été choisie comme cobaye par un chirurgien cherchant à créer un être contre-nature, un humain enluminé. Elle a trouvé refuge à Tevanne avec une vilaine cicatrice sur le côté droit de la tête, là où une plaque enluminée lui a été greffée, et des dons à double tranchant. Elle peut entendre les objets quand elle pose sa peau nue dessus mais plus elle cherche à étendre son pouvoir plus cela la rend malade jusqu’à l’évanouissement quand elle force trop. Pour ne pas subir son don, elle est toujours couverte de la tête aux pieds et ne laisse personne la toucher. Son objectif avec sa profession de voleuse, rassembler assez d’argent pour payer un médecin qui ne la dénoncera pas et lui rendra le service qu’elle attend, la débarrasser de cette plaque de malheur. Auprès d’elle, on rencontrera des enlumineurs de seconde zone, pas par leurs talents mais car ils restent dans les Communes auprès de ceux qui en ont le plus besoin, ces enlumineurs d’un autre genre sont appelés des Ferrailleurs et ils bidouillent des sceaux d’enluminures comme ils peuvent car ils n’ont pas accès au savoir prodigué par les maisons. Il y a un risque pour leur vie mais il y a également comme un accord tacite quand à leur existence, il suffit de faire profil bas pour obtenir une paix relative.
Le Capitaine Gregor Dandolo est l’héritier de la maison Dandolo, son statut est celui d’un prince mais il rejette ce titre et les privilèges afférents qui sonnent creux après l’expérience traumatisante qu’il a subi récemment, la guerre. Il est surnommé par tout le monde avec une crainte révérencieuse, le Revenant de Dantua, car de cette guerre, il est le seul revenu vivant et lui-même ne se l’explique pas et porte la culpabilité de ne pas avoir pu sauver ses camarades ou de ne pas être parti avec eux, tout comme il est le seul survivant de l’accident qui a emporté son frère et son père quand il était plus jeune, la Mort ne veut décidément pas de lui et cela le laisse songeur. Pour pallier à cette culpabilité, Gregor se jette à corps perdu dans une quête de justice en essayant de monter pour la première fois de l’histoire de Tevanne, une équipe policière. Sa mère, la fondatrice Ofelia Dandolo y voit un caprice et ne le prend pas du tout au sérieux comme le reste de la cité il faut bien le dire.
Orso est l’Hypatus des Dandolo c’est-à-dire un Maître enlumineur, ce poste équivaut à créer des enluminures et faire prospérer la maison marchande qui l’emploie, autant dire qu’entre les accidents de travail et les coups de poignard dans le dos, on ne vit pas très vieux à ce poste. Orso est vieil homme irascible qui fait peur à ses apprentis à part son bras droit, Béatrice qui le gère bien dans ses excès et excelle dans la création des sceaux. Dans sa jeunesse, il était un apprenti de la maison Candiano, il a rejoint les rang de la fonderie Dandolo après la faillite de ses premiers maîtres. La maison marchande Candiano n’est plus que l’ombre d’elle-même.
- Critique sociale ?
On a une ancienne civilisation disparue vue comme ultrapuissante avant un déclin soudain, l’esclavage dans des plantations qui permettent d’approvisionner Tevanne en richesse de tous genres et nourriture, une société capitaliste avec un clivage radical entre ceux qui détiennent les richesses, ceux qui travaillent pour ces derniers qui reçoivent plus ou moins de miettes et le reste de Tevanne qui vit dans la misère sans qu’aucune loi ne les protège mais des lois prêtes à les brimer au moindre dérapage…il y a comme qui dirait une ressemblance avec notre histoire occidentale coloniale et ses conséquences, non ?
Les visions de Gregor et de Sancia divergent plus ou moins sur la société dans laquelle ils vivent actuellement. Par exemple, Gregor est parfaitement conscient que sans la tragédie de Dantua il aurait été un prince bouffi d’arrogance, sûr de ses droits et privilèges et ne serait jamais sorti du campo entourant sa propriété pour marcher auprès des citoyens. Au contraire, il a décidé de faire bouger les lignes et il cherche fermement à apporter la justice à Tevanne. Il tente tant bien que mal de créer une milice policière pour faire des rondes au niveau de divers points sensibles et apporter une sécurité à la ville. Après, on pourrait bien se demander une sécurité qui profite à qui et c’est sur ce point que sa confrontation avec Sancia va le faire évoluer.
Sancia était une esclave, elle a bien compris que la plupart des humains sont utilisés comme des outils et pire, que la plupart d’entre eux se voient ainsi. Grâce à Clef, elle se rendra compte qu’elle n’est pas aussi libre qu’elle le pensait et il va beaucoup lui enseigner sur elle-même mais aussi sur son pouvoir. Le fait qu’elle ait une plaque enluminée lui confère ce statut d’objet car le principe était bien de lui voler son libre arbitre pour potentiellement rendre l’esclave plus productif et docile du même coup et elle enrage que quelqu’un ait essayé de lui faire ça.
En bref :
Le système magique de ce roman m’a beaucoup rappelé celui utilisé dans la novella L’âme de l’empereur de Brandon Sanderson, avec l’utilisation de sceaux gravés instillant aux objets une nouvelle dimension. Bien sûr, en s’appropriant ce système, Robert Jackson Bennett l’a exploité vraiment à fond nous offrant un cadre qui tient la route, oserais-je dire, scientifiquement, dans la façon dont les enluminures font performer les objets ou comment contourner les fonctionnalités installées. En toile de fond on y trouve une critique sociale sur l’esclavagisme, le capitalisme et la colonisation tout ceci nous rappelant bien évidemment les thématiques qui sont soulevées à l’heure actuelle dans nos propres sociétés. Est-ce que la relation qui point son nez entre Sancia et Béatrice apporte quelque chose à l’histoire ? Non, mais comme toutes les histoires d’amour du moment qu’on n’est pas dans le genre de la romance je trouve, et elle ne prend absolument pas le pas sur l’intrigue donc c’est bien tout ce qui m’intéresse ^^
Affaire à suivre, le T2 est pressenti pour la fin de l’année 2021.
D’autres avis chez : Orion, Apophis, Lutin, Aelinel, Yuyine, Celindanae, Sometimes, Le Chroniqueur,
Bonne lecture !