La blonde pas si idiote que ça

La blonde pas si idiote que ça

Sweet Jayne Mansfield (J.M. Dupont – Roberto Baldazzini – Editions Glénat)

Même si elle est un peu tombée dans l’oubli aujourd’hui, Jayne Mansfield demeure l’une des figures les plus légendaires du Hollywood des années 50 et 60. Tout le monde a déjà vu cette fameuse photo où Sophia Loren louche sur le décolleté spectaculaire de la plantureuse Texane, trop heureuse de voler la vedette à l’actrice italienne. En réalité, ce cliché ne doit rien au hasard, car Jayne Mansfield était prête à tout pour se faire remarquer par les studios hollywoodiens. Ayant perdu son père très jeune, elle rêve depuis toute petite de se retrouver un jour dans les magazines people et de devenir la nouvelle Jean Harlow ou, mieux encore, la nouvelle Marilyn Monroe. Pour y parvenir, elle persuade son premier mari Paul Mansfield, qu’elle épouse à 16 ans après être tombée enceinte suite à un viol, de s’installer avec elle en Californie pour qu’elle puisse courir les castings. Hélas pour elle, ça se révèle plus difficile que prévu: malgré tous ses efforts, on lui propose uniquement des tout petits rôles. Pas de quoi se retrouver en haut de l’affiche. Mais Jayne, qui a de la suite dans les idées, n’est pas encore décidée à se cantonner au rôle de femme au foyer, comme le lui suggère sa mère. Pour se faire un nom, elle choisit de tout miser sur son physique: elle teint ses cheveux en blond platine, comme Marilyn, et adopte le « bullet bra », un soutien-gorge qui lui permet de mieux mettre en avant son affolant tour de poitrine. Cette fois, ça marche! La 20th Century Fox la surnomme la « King-sized Marylin » et lui offre un rôle sur mesure dans « La Blonde et moi » (« The girl can’t help it » en version originale). Le film fait un tabac au box-office et propulse instantanément Jayne Mansfield au rang de sex-symbol planétaire. Enfin, elle accède à cette vie de star dont elle rêvait depuis des années. Bien décidée à en profiter au maximum, elle ne fait pas les choses à moitié: elle s’installe dans une villa de conte de fées à Beverly Hills, le « Pink Palace », avec son nouveau mari, le culturiste hongrois Mickey Hargitay, un ancien Mister Univers. L’endroit est exubérant et fantasque, à l’image de Jayne, avec une piscine en forme de coeur et des caniches teints en rose… Mais cela ne va pas durer: très rapidement, l’étoile de Jayne Mansfield pâlit. Lorsque les tournages s’espacent de plus en plus, sa descente aux enfers est terrible, de surconsommation d’amphétamines en prestations dégradantes dans des cabarets minables, avant de se terminer par une tragédie qui scellera sa légende. Elle fait une dernière fois la une des journaux lorsqu’elle meurt à seulement 34 ans dans un accident de voiture sur une petite route près de la Nouvelle-Orléans. Quelques années après Marilyn, une autre étoile s’éteint prématurément…

La blonde pas si idiote que ça

Après Lino Ventura, Patrick Dewaere, Sergio Leone, François Truffaut et Alfred Hitchcock, Jayne Mansfield est la première femme à faire l’objet d’une biographie dessinée dans la collection 9 ½ consacrée aux grandes figures du cinéma par les éditions Glénat. En lisant cette BD, on comprend pourquoi c’est elle qui a été choisie par le scénariste J.M. Dupont et le dessinateur Roberto Baldazzini. Bien sûr, les esprits grincheux diront que Jayne Mansfield n’a joué que dans une poignée de films qui valent la peine d’être revus, mais par contre, c’était un personnage extraordinairement romanesque, capable de tous les excès. « Sweet Jayne Mansfield » démarre par l’accident de voiture de l’actrice, avant de retracer tout le parcours ayant mené jusqu’à cette nuit tragique. Si cette BD est particulièrement intéressante, c’est surtout parce qu’elle parvient à mettre en lumière la complexité de la personnalité de Jayne Mansfield. Elle déconstruit le personnage de « blonde à forte poitrine » pour retracer l’itinéraire paradoxal d’une femme forte et indépendante, prisonnière de son image de ravissante idiote. Car en réalité, la star de « La Blonde et moi » était une femme extrêmement intelligente, avec un QI estimé à 163. De façon tout aussi inattendue, on peut dire aussi qu’elle était une féministe avant l’heure. Cet esprit libre a toujours refusé de se soumettre aux diktats d’Hollywood, notamment en choisissant d’épouser le culturiste hongrois Mickey Hargitay contre l’avis des studios, ou bien en multipliant les grossesses, puisqu’au total elle a eu 5 enfants. Le fait qu’elle n’en faisait qu’à sa tête a fini par lui coûter cher puisqu’on a de moins en moins fait appel à elle pour des rôles intéressants. Et le fait de devoir à chaque fois retrouver la ligne l’a progressivement fait plonger dans l’alcool et les amphétamines. Pourtant, même lorsque les choses ont commencé à aller moins bien pour elle, Jayne Mansfield n’a pas opté pour la facilité. Pour maintenir son train de vie, elle aurait pu épouser un milliardaire mais elle a préféré ne dépendre de personne, quitte à devoir jouer dans des spots publicitaires ou des navets. Comme le souligne J.M. Dupont, « elle s’est désespérément accrochée à sa notoriété en devenant une caricature d’elle-même pour attirer l’attention. C’est là que son côté kitsch qui était plutôt amusant au départ a commencé à devenir navrant, voire carrément pathétique. » Le style du dessinateur Roberto Baldazzini, considéré comme un maître de l’érotisme, colle parfaitement à ce destin hors normes. L’auteur italien a notamment eu la très bonne idée d’insérer de véritables affiches des années 50 et 60 dans ses planches, ce qui plaira à coup sûr aux lecteurs cinéphiles.