La maison allemande d’Annette Hess

Par Krolfranca

La maison allemande, Annette Hess, traduit de l'allemand par Stéphanie Lux, Actes sud, 2019, 391 pages

Eva, jeune femme allemande, est engagée pour traduire les dépositions des polonais, rescapés d'Auschwitz, dans le second procès (1963) qui doit juger les crimes des dignitaires nazis. La plupart des allemands ne veulent pas de ce procès, ils préfèrent oublier.

Pas évident de juger des faits historiques dans un pays où tout le monde a participé d'une manière ou d'une autre au système nazi.

" Ce qui était légal à l'époque ne peut être jugé illégal aujourd'hui. [...] Les accusés ayant participé à l'Holocauste sont jugés en fonction de ce principe. Seuls ceux qui ont fait du zèle et tué en contrevenant aux ordres ou de leur propre initiative peuvent être condamnés pour meurtre à la réclusion à perpétuité. Ceux qui n'ont fait qu'obéir aux ordres sont considérés comme complices. "

Roman sur la culpabilité, celle des bourreaux, celle de ceux qui ont été épargnés, celle des enfants des personnes qui ont été complices... et sur la non culpabilité de certains qui se dédouanent comme ils peuvent, " on ne savait pas ", " on était obligé ", " on n'avait pas le choix ", et puis les petites phrases telles que :

" Laisse le passé où il est Eva. Ça vaut mieux, crois-moi. "

Eva, " candide et ignorante ", ne sait rien de ce qui s'est passé pendant la seconde guerre mondiale, de même qu'elle ne connait rien de son propre passé lorsqu'elle accepte cette mission. Va alors débuter pour elle un long chemin de construction personnelle, dans un pays où la reconnaissance de l'Holocauste est loin d'être adoptée par tous.

L'auteure s'attache à traduire la prise de conscience de son héroïne. Celle-ci se débat entre sa mission et sa vie personnelle. Elle est fiancée à un jeune homme riche, qui ne voit pas d'un bon œil sa participation à ce procès et qui souhaite qu'elle ne se consacre qu'à lui et à son futur mariage. Au début des années 60, la femme ne pouvait travailler sans l'accord de son mari, à qui elle doit obéissance. Eva est une femme déterminée et va braver les réticences des uns et des autres pour parvenir à ses fins, non sans fracas.

Ce livre, éminemment romanesque, s'appuie sur les procès-verbaux et les témoignages du premier procès d'Auschwitz. Il est vraiment intéressant.